Devoir de réserve ou devoir de RESET



« Pas de bruit, pas de bruit… » disait-on, il fallait se faire discrète, toujours rester discrète !

Il était une fois une petite fille à qui on a dit :

« Posons nos bagages ici car là d’où l’on vient, on n’a pas droit de citer, le droit de rien dire et de rien faire, juste de crever un peu en silence histoire de pas faire fuir les rares touristes qui eux, vraisemblablement ont le droit d’ouvrir leur bouche et de crier haut et fort ce qu’ils pensent tout bas. »

Il était une fois un parent qui disait à sa gosse « chut, pas trop de bruit avec tes petits pieds, la S… elle va râler, la M…aussi ; elles vont rappliquer, écoute, arrête-toi, elles tapent déjà avec leur balai au plafond histoire de nous dire tout-haut qu’on en fait du bruit là-haut.

Pas de bruit, pas de bruit… » disait-on, il fallait se faire discret.

La gosse, quant à elle, elle ne comprenait pas du tout le silence de ses parents.

En revanche, Il lui a fallu longtemps, à elle, pour capter, des années plus tard, que ce système, que cette manière d’exister, que cette modalité de la discrétion ne venaient pas vraiment d’eux mais bien de l’endroit où ils avaient vécu, jeunes, dans un lieu où l’on niait l’opinion personnelle, la critique, la dissidence ou l’apostasie.

Il lui a fallu longtemps encore pour comprendre ce malaise étrange qui la sciait chaque fois qu’elle observait cette forme de servitude un peu niaise dans leur caractère.

Il lui a fallu encore quelques années pour sentir la scission, le déchirement, l’angoisse même que cette forme consentie de l’asservissement pouvait faire naître en elle : c’était un dégoût, c’était un vertige, c’était plus qu’un malaise, c’était devenu, avec le temps, la haine du silence obligé et de la discrétion forcée.

Je reste ici, je suis à l’abri…dans ce pays, enfin, peut-être.

Et un jour, on dit à la gosse qui a grandi et qui enseigne : « il faut être discret, il ne faut pas avoir d’opinion, il ne faut pas afficher ni ses croyances ni ses convictions, ni ses convictions, ni rien du tout, ni rien du tout, ni……un glissement a eu lieu…soit.

Puis, on a poussé un peu le bouchon et on a dit, "il ne faut pas non plus faire de vague, s’accrocher avec la nouvelle hiérarchie, ne pas se prendre la tête, craindre aussi les parents de temps en temps, voire les élèves…

Enfin, un jour, on nous dit, mais ça, vraiment, on s’y attendait, qu’il faut cesser d’appliquer ce qu’on enseigne à savoir que nos opinions peuvent nous mener au blâme…pour le moment. Que le devoir de réserve, que la discrétion est de rigueur, ne pas dire, ne plus dire ce qu’on pense, ne pas être ce qui fait l’essence même de nos disciplines à savoir la soumission à la critique permanente de ce que nous croyons avoir acquis…pourtant, on sait bien que le regard décalé sur nos principes est justement ce qui permet de ne jamais les perdre vraiment de vue…La caricature valable pour certains, interdites pour d’autres…on a juste le droit de ne plus rire : seul le rictus malheureux nous fend la joue : rire jaune ;-()

Et puis, il y a l’horreur du souvenir de la discrétion imposée puis consentie qui marque déjà le début de la fin, de la servitude volontaire, de la soumission voulue et totalement consommée.

RESET.

Non, vraiment la gosse doit faire du bruit sur le plancher et la S…et la M…pourront penser tout haut aussi et se plaindre de ses petits pieds bruyants.

Nous devons donc continuer à dire tout haut, à nous plaindre, à critiquer, à charrier, à incendier, à crier notre rage mais aussi notre joie…pour qu’humains nous le restions encore un tout petit peu.



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