[Montceau-les-Mines] Incendies, couvre-feu, et tir policier


Saône-et-Loire

Dans la nuit de samedi à dimanche, un policier de la brigade anticriminalité a tiré sur un automobiliste en fuite à Montceau-les-Mines. Depuis dimanche soir, un couvre-feu a été imposé aux mineurs de moins de 17 ans dans quatre quartiers de la ville.

Dans la nuit de samedi à dimanche, un policier de la brigade anticriminalité de Chalon-sur-Saône a tiré sur une voiture qui refusait de se soumettre à un contrôle routier. Le Bien Public rapporte qu’un des agents aurait eu le bras coincé dans la fenêtre du véhicule en tentant de l’intercepter pour un contrôle. Son collègue aurait alors tiré sur la voiture pour tenter de l’immobiliser. Le véhicule et « les jeunes » qui s’y trouvaient ont réussit à prendre la fuite.
Une enquête a été ouverte pour déterminer s’il s’agit d’un tir de sommation ou d’un cas de légitime défense, les deux seules situations où les policiers sont autorisés à faire usage de leurs armes. Cependant, bien que la description des évènements ne corresponde ni à de la légitime défense - le fonctionnaire n’étant pas menacé -, ni à un tir de sommation - le véhicule étant directement visé -, il y a bien peu à attendre de cette enquête menée par les policiers de la brigade de sûreté urbaine de Montceau et parquet de Chalon contre leurs collègues ou leurs propres hommes.

Couvre-feu

Ce nouveau dérapage d’un membre des forces de l’ordre intervient dans un contexte pour le moins tendu. Depuis plusieurs jours, la ville de Montceau-les-Mines est en état de siège : suite à une série d’incendies, la brigade antricriminalité de Chalon-sur-Saône, ainsi qu’une demi compagnie de CRS ont été envoyées en renfort, et un couvre-feu de 22h à 6h pour les mineurs de moins de 17 ans a été mis en place ce dimanche dans quatre quartiers de la ville par la maire Marie-Claude Jarrot (LR).

JPEG - 123.1 ko
JPEG - 117.8 ko
L’arrêté municipal et le périmètre du couvre-feu

Cette série d’incendies de véhicules, que la plupart des médias ramènent à de la violence sans cause, dans un contexte de psychose suite aux appel à la « purge » pendant la nuit d’Halloween [1] remonte au moins au début du mois de février. Par ailleurs, le nombre d’incendies a surtout augmenté depuis le début du mois d’octobre, marqué à Montceau par un évènement qui a provoqué l’émoi d’une partie des habitants de la ville. Dans la nuit du 6 au 7 octobre, une bagarre éclate entre Jamal un habitant de Montceau, et le mari de son ex-femme. Jamal est retrouvé mort, probablement des suites d’une tentative d’étranglement. L’homme qui a frappé Jamal est interpellé, placé sous contrôle judiciaire, et remis en liberté après 10h de garde-à-vue, ce qui provoque la colère des proches de Jamal.
Sans rentrer dans un débat sur l’institution judiciaire, cette décision ne pouvait qu’entrainer un fort sentiment d’injustice, que les proches du défunt ont exprimé le lundi suivant en se rassemblant devant le commissariat.

« C’est une justice à deux vitesses », « Les autres vous les gardez 96h, hein ! », « Pour un chien il a prit deux ans de prison », peut-on entendre sur cette vidéo du rassemblement devant le commissariat.

La nuit suivante, le centre social « Le trait d’Union » était incendié, et recouvert de tag réclamant « Justice pour Jamal ».

JPEG - 59.7 ko
JPEG - 146.9 ko

Emballement

Pour revenir à ces derniers jours, retraçons le fil des évènements. Pendant les nuits de mercredi à jeudi et de jeudi à vendredi, plusieurs feux de poubelles sont constatés dans le bassin minier (Montceau-les-Mines, Saint-Vallier, Blanzy et Sanvignes), mais c’est durant la nuit de vendredi à samedi que les évènements prennent une autre tournure. Vers deux heures du matin, les occupants d’une BMW tentent d’échapper à un contrôle de police. Comme relaté par France 3 Bourgogne, une course-poursuite s’engage, mais les occupants de la BMW perdent le contrôle de leur véhicule qui heurte un mur, et qu’ils abandonnent sur place. Un garagiste est donc appelé pour remorquer le véhicule accidenté. Une heure plus tard, les caméras de surveillance du garage surprennent deux personnes cagoulées qui s’introduisent dans les locaux de l’entreprise pour incendier le véhicule remorqué plus tôt dans la nuit. L’incendie se propage alors rapidement aux autres véhicules. Bilan : 13 véhicules détruits par les flammes. Plus tard dans la nuit, d’autres véhicules sont incendiés, pour un total d’une "petite vingtaine" selon le garagiste interviewé par France 3. Le lendemain, dans la nuit de samedi à dimanche un nouveau départ de feu, sur un parking public situé impasse Louis Jouvet, entraine l’incendie de 6 autres véhicules. C’est cette même nuit qu’un membre de la BAC a tiré sur un véhicule en fuite. Le couvre-feu et l’appel de renforts de CRS a lieu le lendemain.

En s’en tenant aux faits on constate donc que ce qui est décrit comme une flambée de violence aveugle est en partie nourrit par un sentiment d’injustice commun à beaucoup de quartiers populaires et de populations racisées [2]. Par ailleurs, sans nier les conséquences de ces incendies sur des propriétaires qui ne roulent certainement pas tous sur l’or, les évènements sont montés en épingle. Le nombre de départ de feux est bien plus faible que le nombre de véhicule incendié, deux départ de feux ayant provoqué l’incendie de 19 véhicules à eux seuls. Pour ce qui est de l’incendie du garage, il n’avait probablement pour objet que d’empêcher l’identification des propriétaires du véhicule. Reste que, à quelques mois des éléctions municipales, la maire républicaine en profite pour montrer les muscles, celles et ceux qui en patissent sont là encore les habitants des quartiers populaires.
Dans un tel contexte d’exception le sentiment de toute puissance et d’impunité des forces de police est galvanisé, avec les conséquences qu’on connait : ce week end, un drame a été évité de justesse. Le tir de cet agent de la BAC, s’inscrit aussi dans un contexte national de « hausse significative de l’usage de l’arme à feu » par les policiers. En octobre dernier, Le Monde rapportait ainsi que dans une note interne, l’IGPN [3], pourtant réputée pour son laxisme et son manque de zèle, constatait une augmentation nette de l’usage de armes à feu par les policiers (65% de plus pendant le premier semestre 2017 que pendant la même période de 2016). Plus précisément, près de la moitié de ces tirs ont été effectués... sur des véhicules en mouvement, comme ce fut le cas ce week-end à Montceau.



Notes

[1Dans la semaine précédent Halloween, un appel à une « purge » le soir du 31 a été diffusé sur les réseaux sociaux et monté en épingle dans la plupart des médias nationaux

[2« Le mot »racisé« désigne les personnes (noires, arabes, rroms, asiatiques, musulmanes, etc.) renvoyées à une appartenance (réelle ou supposée) à un groupe ayant subi un processus à la fois social et mental d’altérisation sur la base de la race. » Autrement dit les personnes subissant le racisme.

[3la « police des polices »

Articles de la même thématique : Banlieues, quartiers populaires

Articles de la même thématique : Armements de la police

Contre les obsessions sécuritaires, attaquons les JO du contrôle !

Les JO sont une bonne occasion de mettre tout le monde au pas, et de déployer pour cela des équipements sécuritaires à chaque fois plus inédits. Pour avoir une petite idée de qui participe à ce jeux morbide, voici la liste des entreprises qui se font de la maille avec le business du réarmement et de la surveillance.

1312 raisons d’abolir la police : entretien avec Gwenola Ricordeau

Le mercredi 6 septembre, la caisse de solidarité contre la répression invitait Gwenola Ricordeau aux Tanneries pour qu’elle présente son livre 1312 raisons d’abolir la police.
Pour faire suite à cette invitation, nous vous proposons de réécouter les grandes lignes de son intervention au travers de cet entretien avec Radio Sauvage réalisé en janvier dernier.