Lundi 3 juin, deux personnes arrêtées pendant la manifestation du samedi 1er juin passent en Comparution Immédiate.
Il s’agit d’une procédure expéditive, visant à distribuer des peines à tour de bras. Elle allège les tribunaux, et remplit les prisons.
Comme toujours, un ou une journaliste du Bien Public assiste à l’audience pour en rendre compte dans l’édition du lendemain. Pour l’occasion, c’est Jean-Luc Brenot qui signe l’article de l’édition du 4 juin.
Voilà ce qu’il écrit :
Désormais moins virulents que dans les rues dijonnaises, les deux hommes dans le box ne dérogent finalement pas au comportement de leurs précédesseurs des autres éditions. Discours puéril, voire immature, sans aucune argumentation audible,...
Mais qui est donc Jean-Luc Brenot pour se permettre un tel jugement ? A-t-il seulement déjà été dans une situation aussi humiliante et anxiogène que ces deux jeunes hommes ?
On resitue.
Les arrestations hebdomadaires à la fin des manifestations sont extrêmement brutales. Les scènes de policiers nombreux, frappant des manifestant·es parfois déjà immobiles et à terre sont de plus en plus fréquentes sur les réseaux sociaux.
Une fois trainé dans un fourgon, il faut subir l’humiliation des flics, les remarques insultantes, les menaces de finir enfermé.
Les gardes-à-vue peuvent durent maintenant 48h. 48h d’ennui profond, que l’on traverse sans téléphone, sans livre, sans musique, sans personne avec qui parler. Personne ne peut imaginer cette expérience avant de l’avoir vécu. Rien ne nous y prépare. C’est une période d’angoisse profonde, où l’on pense à toutes celles et ceux qui s’inquiètent pour nous, à ce qui pourrait nous arriver. On ressasse les mensonges des flics et leurs menaces pour essayer d’y voir clair. On perd nos repères horaires, affectifs, rationnels. Parfois on a été blessé par les flics, et le médecin que l’on voit s’en contre-fiche.
Pendant plusieurs auditions désagréables, les flics fouillent notre vie, notre page facebook, prennent nos empreintes, notre adn, nos photos. On est à poil, souvent on ne sait même pas ce qu’on a le droit de faire ou de ne pas faire [1].
Après ces 48h, on est envoyé en Comparution Immédiate, devant trois juges, une procureur qui veut notre peau et un journaliste du Bien Public qui va nous pourrir le lendemain. À part éventuellement le regard de notre avocat·e ou du soutien dans la salle, tout est parfaitement hostile.
On porte les vêtements qu’on avait l’avant-veille, l’odeur du gaz lacrymo et de la cellule dégueulasse du commissariat, on a pas pris de douche, on a pas dormi, on a du mal à réfléchir.
Là, il faut parler fort, et dans la langue légitime du tribunal, c’est-à-dire celle des dirigeants, et répondre à la question, lancée avec dédain : « Qu’est-ce qui vous est passé par la tête pour avoir alimenté un feu de poubelle ? »
Jean-Luc Brenot ne connait pas les deux prévenus, mais il a l’air de s’être rapidement fait un avis sur ces « deux lascars » qui « fanfaronnaient en prenant des selfies ». Et lorsque les peines tombent, c’est sans compassion qu’il se moque des condamnés « paniqués, cherchant soudain impuissant du soutien », « devenu blême », « pathétique, les yeux embués ».
Ces deux jeunes hommes se sont pris respectivement 4 mois de prison ferme et 210 heures de Travaux d’Intérêt Général.
Pourquoi est-ce qu’il est devenu normal d’aller en prison pour rien, voilà la question que Jean-Luc Brenot aurait pu creuser, dans cette édition lamentablement au service du ministère de l’intérieur.
Mais peut-être ne veut-il pas risquer ses bonnes relations avec le tribunal... et sa place confortablement installée à côté du greffier et de la procureure.
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