La Chartreuse, l’instersyndicale dénonce l’abandon total des moyens en psychatrie



Première quinzaine de juillet, le Centre Hospitalier la Chartreuse faisait la une des faits divers dans la presse locale. Dans ce communiqué du 16 juillet , l’intersyndicale fait un point sur la situation, les conditions d’accueil et de travail qui continuent à se dégrader, et une politique qui pousse à la disparition de la psychatrie.

Nous voulons dénoncer l’abandon total des moyens en psychiatrie. Il est urgent que le gouvernement prenne les responsabilités qui lui incombent :
L’arrêt de toutes les restructurations, fermetures de lits et structures.
Le renforcement des moyens humains.

Depuis une dizaine de jours, le CH de la Chartreuse fait la une des faits divers dans la presse locale.

  • Le 6 juillet 2019 , un patient hospitalisé sous contrainte ayant consommé de l’alcool menace l’infirmier de nuit (deux personnes soignantes par service la nuit) avec un tesson de bouteille. Après un appel aux renforts infirmiers de la Chartreuse, la police est intervenue grâce à l’appel de la cadre de santé (faisant fonction) de nuit pour maîtriser le patient. Un taser a été utilisé pour éviter le pire à l’infirmier.

Causalité : l’interdiction de contrôler ce que détiennent les patients.

  • Les 6 et 7 juillet 2019 , alors que toutes les chambres sont occupées, un détenu est accueilli dans un service ouvert, dans une chambre non sécurisée, obligeant le service à se transformer en service fermé.

L’accueil des détenus fait l’objet d’une convention entre le CHU , le SMPR ( service médico-psychologique régional ) de la maison d’arrêt de Dijon, et le CH de la Chartreuse. Le CH la Chartreuse doit en effet accueillir ces détenus dans des conditions de sécurité définies (chambre sécurisée et en unité fermée). Ces détenus ne sont accueillis à la Chartreuse que parce qu’il n’y a plus de place en UHSA.

Causalité : plus de chambres sécurisées dans l’hôpital, celles-ci étant toutes occupées ce jour là.

  • le 7 juillet 2019 , 2 tentatives de pendaison dans les services de la Chartreuse.

Problème : impossibilité d’exercer une surveillance requise des patients consécutive à une sur-occupation des lits et l’augmentation de la charge de travail qui en découle .

Manque d’effectifs soignants pour assurer une bonne prise en charge des patients.

  • le 10 juillet 2019, un patient met le feu à son matelas dans une chambre double, à l’aide d’un briquet . Après l’avoir isolé dans une pièce , il essaie de se réfugier dans le faux plafond, avant d’en tomber. L’équipe soignante n’a pas réussi à éteindre l’incendie et a dû évacuer l’ensemble des patients du service, (ainsi que les patients détenus) et une intervention des pompiers a été nécessaire. Des dégâts matériels estimés à 10000 euros sont à déplorer.

Causalité : l’absence de formation et d’exercices d’évacuation incendie, depuis plusieurs années au sein de l’établissement, contrairement à ce qu’exige le Code du travail.

  • le 12 juillet 2019, fugue d’un patient hospitalisé à la demande du représentant de l’état, par une fenêtre mal fermée du réfectoire. Il est à ce jour toujpurs en fuite.

Causalité : matériel non sécurisé, manque d’effectif suffisant pour pouvoir assurer une bonne surveillance et la sécurité des patients. manque de vigilance dû à un épuisement professionel des équipes.

  • le 13 juillet 2019, un patient s’agite et blesse un infirmier.
  • le 14 juillet 2019, c’est une infirmière qui se fait agresser.
  • dans la nuit du 14 au 15 juillet 2019, un patient en soins sous contrainte (péril imminent) dégonde une fenêtre et s’enfuit de l’hôpital.

Ces événements , bien que faisant partie de la vie d’un hôpital psychiatrique sont aujourd’hui devenus quotidiens. Les pathologies se sont complexifiées, apportant leur lot de violence, à l’image de la société.

Pour rappel , le CH de la Chartreuse est soumis à un contrat « de performance » depuis 2016.
Cela a entraîné les fermetures de trois services, la diminution des moyens alloués aux CMP, CATTP, malgré l’annonce d’un virage ambulatoire.

Des diminutions importantes d’effectifs, des augmentations du nombre de lits dans les services restants (passés de 21 lits à 27 par service) . Ces lits sont d’ailleurs des lits de camp, et sont installés dans les vestiaires du personnel, des salles de visites, des bureaux médicaux. Les conditions d’accueil et de sécurité connaissent une dégradation devenue inacceptable.

L’hôpital a des difficultés à recruter, que ce soit des personnels médicaux et non médicaux ( par manque d’attractivité de ces métiers et de la spécificité psychiatrique ). les patients sont les premiers à en pâtir, et cela s’aggrave de jour en jour.

Le CH de la Chartreuse n’arrive plus à accueillir tous les patients, dans des conditions acceptables et à trouver des solutions d’orientation pour des patients au long cours ne relevant plus du soin psychiatrique, mais du médico-social, lui-même bien sinistré.

Avec tous les efforts ramarquables des personnels du Centre Hospitalier de la Chartreuse , qui ont toujours effectué leur travail avec professionnalisme, ils sont épuisés, en souffrance et n’ont plus confiance dans l’institution. Ils sont contraints d’agir en permanence contre leurs valeurs éthiques.
La politique de santé donne des orientations qui tendent à uniformiser les pratiques selon les modalités quasi industrielles. Cette rigidification et la protocolisation à outrance ne répondent pas à la diversité des problématiques auxquelles nous sommes confrontés .

Au quotidien, ils sont confrontés à des patients sous l’emprise de produits illicites ou licites, rendant les traitements inefficaces et favorisant la violence. Ils sont également confrontés à des patients violents, parfois munis d’armes, ce qui les expose à des situations de violence extrême. Ils sont impuissants à assurer leur sécurité et celle des patients du fait de contraintes légales ( interdiction de contrôler les biens détenus par les patients).

Les agents ont pourtant été en grève pendant plus de 130 jours en 2018, alertant sur une situation qui se dégradait. Cette grève a permis d’éviter la fermeture d’un quatrième service. Aujourd’hui nous en sommes arrivés à une situation dramatique. Le nouveau directeur, arrivé le 23 avril 2019 devra assumer les conséquences de plusieurs années de mauvaises décisions et de dysfonctionnements dans la gestion de l’établissement, et des contraintes budgétaires plus fortes chaque année.

La Ministre de la Santé poursuit le projet de disparition de la psychiatrie en la noyant dans les hôpitaux généraux. Pour la Ministre, l’hôpital ne dispenserait pas de soins somatiques et aurait un fonctionnement autarcique, imperméable à toute évolution. Quel mépris de notre travail !

Partout les condittions d’hospitalisation se dégradent jusqu’à devenir inhumaines, laissant les familles en détresse seules face à la maladie de leur proche.

Pourtant l’organisation en secteurs de psychatrie a fait preuve de sa modernité privilégiant la proximité des soins, accompagnement au plus près des lieux de vie et limitant les hospitalisations à temps complet.

Nous réaffirmons l’urgence de construire une psychiatrie publique moderne, accessible et financée par la Sécurité Sociale.

Le médico-social n’ a pas pour vocation de se substituer au sanitaire, cette considération n’ a de fondement que la finance et la politique.

Nous réaffirmons la nécessité de s’appuyer sur uen équipe pluridisciplinaire en capacité d’apporter un cadre soignant, contenant et rassurant. Ce qui impose des moyens suffisants et aussi des formations spécifiques.

Aucun professionnel ne peut supporter seul les effets psychiques de la rencontre avec un patient atteint de troubles psychiatriques. Les politiques successives ont tenté d’enfermé la psychiatrie dans sa seule dimension sécuritaire en favorisant l’amalgame entre maladie mentale, délinquance et violence.

Il est imprératif que la psychiatrie reste ouverte sur la société et de rappeler que les personnes atteintes de troubles psychiques sont statistiquement moins dangereux que la population générale et plus souvent victimes de violences .

La situation que vit l’hôpital de la Chartreuse aujourd’hui : des patients et des personnels en insécurité, une qualité des soins et d’hébergement qui se sont dégradés, un épuisement de l’ensemble des professionnels.

Faudra-t-il qu’il arrive un drame dans cet hôpital pour que nous soyons enfin entendus ?

Le communiqué en version pdf

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