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Lille : La lettre brûlante des précaires en colère au président du département du Nord

Ce 9 mars le Collectif des Précaires en colère s’est adressé directement à Christian Poiret, le président du Conseil du département du Nord par une lettre que le syndicat SUD Solidaire a tenu à lire en conclusion de leur intervention. Ils & elles nous ont fait parvenir ce document sonore accompagné de leur texte :

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Les précaires en colère du Nord, organisé.es en coordination nationale ont tenu à rappeler aux président du conseil général du département, sa clique et à l’ensemble des « partenaires sociaux » et syndicaux représentants du personnel, leur détermination à dénoncer l’harcèlement des plus précaires par les différents services et sous-traitants du conseil départemental qui exercent un flicage avec l’objectif de mettre en place la phase test d’une mise au travail s’apparentant au TIG (travail d’intérêt général) pour les bénéficiaires du RSA.

En effet désormais sur la ville de Tourcoing le RSA sera conditionné par 15/20h de travail qui ne porte pas son nom, puisque non-soumis au code du travail qui est régit par un contrat comme dans un CDD ou un CDI classique (pas de droit de se syndiquer par exemple …).

Le syndicat majoritaire SUD a tenu à nous offrir l’occasion de leur adresser notre plus grand mépris (de classe) par une lettre – à défaut de ne pas avoir pu être invité à notre propre procès car après tout, nous ne savons toujours pas à quelle sauce nous allons être mangé, dans ce bouillon au goût amer du travail forcée et gratifié en dessous du seuil de pauvreté.

Voici donc la bande son du plaidoyer de Sud qui termine par notre lettre adressé à Christian Poiret le nouveau président du département et sa team de lèche-merde (ouais ça c’est gratuit 😉 ) :

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Monsieur le président du département, Christian Poiret, Messieurs-dames les collaboratrices et collaborateurs, Bonjour la « Team » comme on dit chez vous,

Vous êtes pour nous, précaires, les petits gestionnaires d’un monde indéfendable, et vous le savez bien !

Votre programme d’expérimentation d’un «accompagnement renforcé» pour personnes au RSA comme nous, ça ressemble plutôt à une mise au travail forcée qui ne dit pas son nom. 15/20h de taf dissimulé sans contrat ni possibilité de se syndiquer, fallait l’oser. Vos chantages à nos allocations en échange d’«activités» gratos façon TIG (Travaux d’Intérêt Général), on n’en veut pas et on se laissera pas faire. On les connaît vos «accompagnements», vos «dispositifs d’insertion», et les prestataires à qui vous faites appel pour nous foutre au turbin. On a du y aller à ces rendez-vous pour pas qu’on nous suspende nos droits, et on s’est rendu compte à quel c’est un mélange de bullshit, de psychologie positive et de flicage pour nous foutre la pression et nous pousser à accepter des conditions de travail toujours plus minables, des emplois usants, inutiles, absurdes, et bien souvent néfastes pour l’environnement.

Qu’on soit au chômage ou au RSA, on est traité au mieux comme des personnes malades, mais le plus souvent comme des délinquant.es. Alors, nous, précaires du département du Nord, on a aussi pensé à un dispositif pour vous : l’immersion. Un espèce de « vis ma vie » de notre condition de prolos mal adapté.es, réfractaires, profiteuses, faignants.

Ça commence dès l’école….

On nous fout au SNU pour nous faire gober de la propagande bien nationaliste, puis dans des missions locales ou dans des garanties jeunes pour nous faire avaler vos discours méritocrates, ou bien on nous sort des parcours scolaires généraux pour nous mettre en apprentissage, une main d’œuvre pas chère ! Tout ça pour gagner trois cachou pour faire le même taf qu’une personne majeure qu’aurait été embauchée en CDD ou en CDI. « Tiens, prends ces 300balles contre tes 20h de taf semaine, c’est tout c’que tu vaux, c’est tout c’que tu mérites ». C’est déjà faire croire à nos chtiot.es qu’avoir le droit de vivre, ça se mérite, et qu’en tant que minot, tu devrais déjà être bien heureux qu’on te file trois miettes.

Ensuite, quand on trouve pas de taf ou qu’on refuse vos boulots de merde sous payés et absurdes, on nous convoque pour nous rappeler à notre condition de « chair à patron ». À ces rendez vous, on se retrouve face à des coachs qui ont l’air de dire : « si t’est pauvre, c’est pas à cause du système pourris ou parce que les riches t’exploitent, c’est parce que tu manques de prestance, parce que tu sais pas mettre en valeur tes qualités ou tes compétences, parce que t’as pas l’air confiante et optimiste ». Bref, rentrer dans le moule de la bonne ptite employée docile, qui se pose pas trop de question et qui serait prête à aller au burn-out pour le patron : c’est ce que vous appelez « l’insertion », la lutte contre l’exclusion.

Dans ces programmes, il doit y avoir deux trois génies expert de l’innovation parce qu’il en fallait de l’imagination pour inventer ces dispositifs infantilisants et bidons, à base de « JO d’hiver et JO d’été »de l’emploi, d’escape game des métiers d’la cuisine, de foot pour voir « comment tu gères la défaite ». Ça, c’est quand on nous prend pour des débiles ! Et y’a aussi les autres rendez-vous, où on considère que si t’es allocataire de longue durée, c’est que tu es de mauvaise volonté. « Bah ouai, ce temps partiel d’auxiliaire de vie payé 7e de l’heure, il est à 50km de chez toi ! Bein t’as qu’à dormir dans ta bagnole sur le parking, comme ça t’économises les frais d’essence ! Les gosses ? Tu les laisses chez ta mère ! Ah t’as pas d’mère ? Bon bas pas d’bol, tu restes à la maison pour t’en occuper. Par contre, ça signifie que t’es improductive, et l’improductivité, c’est traité comme un handicap. Alors ça y va à coup de « diagnostiques sociaux » : on cherche à déterminer qu’est ce qui, chez toi, fait frein pour retourner au turbin. On nous envoie chez le psy, chez le médecin. De précaire, tu deviens une personne malade.

C’est comme ça qu’on voit les choses…

Vos rêves de croissances, on les méprise. Vos boulots qui détruisent les gens, la vie collective, et le vivant dans son ensemble, on les refuse ! À force, dans le Nord, on a capté que le chômage n’est pas le résultat d’une crise passagère mais le rouage d’un système qui utilise la peur de perdre son boulot pour faire accepter aux travailleuses et travailleurs des conditions de travail indignes dans tous les secteurs et peu importe la nature de l’emploi (qu’il soit salarié, ubérisé ou en auto-exploitation). Le RSA est une mini bouée de sauvetage qui peut permettre de refuser ces pures conditions d’exploitation, et c’est exactement pour ça qu’il est attaqué, comme l’assurance chômage.

NOUS dénonçons…..Le flicage et le harcèlement des plus précaires, et ce, dès le plus jeune âge.

NOUS ne voulons ni mourir au travail avant la retraite, ni être mis au travail de force.

NOUS n’avons pas besoin de leçons de morale au nom d’une « méritocratie » ou d’une « valeur travail » qui n’intéressent que ceux qui nous exploitent.

NOUS refusons les discours de culpabilisation individuelle permanente.
NOUS n’avons pas besoin des boîtes de prestataires privées qui ramassent des millions d’euros d’argent public chaque année pour fliquer les allocataires de pôle emploi.
NOUS refusons d’être réduit.e.s à des données traitées par des algorithmes, à des catégories administratives renseignées dans des logiciels informatiques, que ce soit auprès de la CAF, de pôle emploi ou pour des projets ciblant les habitantes et habitants des QPV (Quartier Prioritaires de la Ville).
Vous allez nous répondre…

Que «  les affaires sont les affaires  », quitte a dévaster les corps à coup de stress, d’ennui, de petites humiliations et de burn-out, d’accidents et de maladies professionnelles.

Ce dont nous avons besoin, c’est de liens collectifs réels, pas de rendez-vous bidons dans des bureaux. De travail vivant, pas d’emplois pourris où nous perdons nos vies au profit de quelques puissants. NOUS sommes sorti.es de l’isolement, nous sommes organisé.es, et nous ne vous laisserons pas détruire nos vies, nos corps, nos espaces.

Collectif des précaires en colère du nord,
membre de la coordination nationale de précaires.
• toute la saga :
épisode 1                            épisode 2                  to be continued…