L’histoire banale d’un arrêt-pipi.
Les deux prévenus s’avancent à la barre face aux magistrats, se prêtant au traditionnel examen de personnalité. Eddy M., vingt-deux ans, domicilié à Dijon, chauffeur-livreur, casier judiciaire vierge, est le principal protagoniste de ce dossier. Reconnaissable par sa veste de marque Fred Perry et sa coupe très courte, le jeune homme s’explique avec assurance mais maladresse. Son ancienne copine, Julie D., vingt ans, qui n’a également jamais été en délicatesse avec la justice, au gabarit frêle, apparaît plus mesurée tant dans son implication que dans la forme de ses réponses.
Tout deux doivent s’expliquer sur de graves violences, commises dans la nuit du 6 octobre 2018 aux abords du bar « le Vieux Léon » rue Saumaise. La présidente déroule les faits, particulièrement glaçants. « Monsieur. En repartant d’un établissement où vous aviez passé la soirée, vous vous êtes arrêté dans une ruelle pour uriner. À ce moment là un riverain vous aperçoit, et excédé par ce type de comportement décide de vous sermonner. Il aurait ensuite pris son téléphone, pour capter l’infraction et ainsi récolter des preuves. C’est là que les coups commencent. »
Une brutalité presque indicible tant la victime est tabassée, et abandonnée agonisante sur la chaussée. Un moment. Car si l’agresseur feint de repartir, c’est pour mieux revenir quelques minutes plus tard accompagné de sa petite-amie de l’époque. Pour achever le travail ? Personne ne le sait. Toujours est-il, qu’entre-temps, des tiers se sont empressés d’assister le malheureux. Et que cette rencontre va donner lieu à de nouvelles velléités. Si Eddy M. marmonne des excuses, il décontenance aussi parfois en affirmant par exemple que certains de ses accusateurs « jouent la comédie. »
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Eddy M., militant faf de son état.
Si Eddy M. est un néophyte des prétoires, il n’est toutefois pas inconnu du milieu local d’après plusieurs sources concordantes. Une particularité absente de l’audience, l’information n’étant ni remontée auprès des différentes parties ni en jeu durant l’instruction. Toutefois et alors que Parquet et victimes se demandaient clairement les motifs d’une telle haine, cet aspect aurait sans doutes permis d’apporter quelques pistes. Le dijonnais est ainsi un ancien redskin qui se définissait « apolitique », avant de lentement dériver au sein de l’extrême-droite.
Ami d’enfance de Jeremy L., proche de Benjamin L., Matthieu M., ou encore Pierre-Antoine B., amitiés s’illustrant aussi sur les réseaux sociaux, le nationaliste navigue auprès des figures et cercles radicaux notamment soupçonnés d’avoir organisé l’assaut du 31 janvier dernier. « C’est un électron libre, avec un compagnonnage notoire chez les néonazis du coin » précise un antifa. Qui poursuit en ce sens : « Il a été mêlé à plusieurs descentes ces dernières années, et s’en prend systématiquement aux personnes qu’il juge plus faibles si possible en groupe. »
Un parcours préoccupant qui serait ainsi transcrit dans bien des dérapages, où il est directement cité sur ces seuls derniers mois. Le premier visait des colleuses d’affiches féministes en marge d’un cortège ; le second les participants d’un contre-rassemblement durant les « manifs pour Tous » ; le troisième un membre de la Fédération anarchiste croisé par hasard place de la République. Le passage à tabac de la rue Saumaise fin 2018 serait donc loin de constituer un acte isolé, mais en l’absence de plaintes peu de chance que l’intéressé en réponde un jour.
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