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Videosurveillance : l’invasion continue dans les rues de Dijon



Il y a une douzaine d’années, la videosurveillance s’est immiscée dans le quotidien des dijonnais·es. Depuis de nouvelles caméras sont installées chaque années. Faisons le point sur les nouveautés de ces 12 derniers mois en matière d’espionnage de la population.

"Deux hommes interpellés pour avoir découpé à la disqueuse un poteau avec une caméra de surveillance", ainsi titrait un article de France tv info en février dernier. Quelques jours plus tot, deux jeunes hommes de 21 et 15 ans avaient en effet été interpellés par la BAC alors qu’ils s’attaquaient au pylone d’une caméra de surveillance dans le quartier des Grésilles. Les deux jeunes, qui furent déférés devant le parquet et placés sous contrôle judiciaire, étaient "déjà connus des services de police", dont l’un pour des faits de stupéfiants. Comprenez : c’était des dealers qui s’en prennent à du mobilier urbain pour protéger leurs traffics. D’ailleurs qui d’autre que des délinquants pourraient en vouloir à ces bienveillants dispositifs de « videoprotection », comme on les désigne dans la novlangue sécuritaire ?

Malgré l’inquiétante prolifération des dispositifs de surveillance dans la rue, sur le net, et même dans l’espace domestique, on peut encore régulièrement entendre des discours type « je ne suis pas concerné, je n’ai rien à me reprocher ». On ne va pas s’attarder sur la question mais sachez tout de même que parmi les dernières trouvailles répressives expérimentées pendant le confinement, des manifestant·es ont été videoverbalisés début mai à Millau, pour avoir participé à « un rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l’État d’Urgence sanitaire est déclaré. » [1]

Si vous n’êtes pas un·e habitué·e des manifs, sachez aussi que sont « videoverbalisables » depuis 2016 :

  • le non-respect des signalisations imposant l’arrêt des véhicules (feu rouge, stop...),
  • le non-respect des vitesses maximales autorisées,
  • le non-respect des distances de sécurité entre les véhicules,
  • l’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules comme les bus ou les taxis.
  • le défaut du port de la ceinture de sécurité,
  • l’usage du téléphone portable tenu en main,
  • la circulation, l’arrêt, et le stationnement sur les bandes d’arrêt d’urgence,
  • le chevauchement et le franchissement des lignes continues,
  • le non-respect des règles de dépassement,
  • le non-respect des « sas-vélos »,
  • le défaut de port du casque à deux-roues motorisé.
  • ainsi que le délit de défaut d’assurance depuis 2018. [2]

Rien à vous reprocher, vraiment ?


Le point sur le déploiement de la videosurveillance à Dijon ces derniers mois.

Pendant les 12 derniers mois plusieurs secteurs ont vu le remplacement ou l’installation de nouvelles caméras. Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive, il s’agit simplement des nouvelles installations que nous avons remarqué.

Surveillance municipale

Le centre-ville, en tant que « plus grand centre commercial de Bourgogne à ciel ouvert » [3] se doit d’être un véritable panoptique [4] : aucun angle mort ne doit être toléré. Ce quartier qui compte déjà une densité de caméra à peine croyable (certains croisements sont dans le champ de vision de 5 ou 6 caméras à la fois), a donc vu l’installation de plusieurs nouvelles caméras notamment :

  • Aux alentours du palais des ducs : une au croisement des rues Longepierre et Musette sur le Musée des Beaux-Arts et une au croisement des rues Jeannin et Lammonoye en novembre 2019. Une au croisement de la rue Vauban et de la rue Amiral Roussin. Une d’un modèle différent sur le portail principal du palais.
  • Dans le quartier République : une au croisement de l’avenue Garibaldi et de la petite rue de Pouilly, et une rue Claus Sluter.
  • Plus récemment autour des Halles (car qui dit piétonnisation dit videosurveillance), une au niveau du Casino et une au niveau du Bar Le Quentin.
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Rebsamen is watching you (en bleu les caméras privées, en rouges les caméras publiques - dont certaines sont juste les caméras de surveillance de batiments publics). Capture d’écran de dijon-sous-surveillance.

Le quartier des Grésilles, commes tous les quartiers populaires des alentours de Dijon est lui aussi sous haute surveillance. Au moins quatre nouvelles caméras y ont été installées :

  • Au croisement de la rue Volta et du boulevard des Martyrs de la Résistance
  • Au croisement de la rue Réaumur et de la rue Joliot-Curie
  • Au croisement de la rue Réaumur et de la rue Henri Chrétien
  • Au croisement des rues Henri Chrétien et Docteur Julie (la caméra ciblée par les deux jeunes que nous évoquions au début de cet article)
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Le quartier des Grésilles. Capture d’écran de dijon-sous-surveillance.

Deux autres caméras ont été installées aux alentours du centre de supervision OnDijon, quai Nicolas Rolin - une au croisement avec la rue Hoche et une au niveau de de l’écluse de Larrey.

Mise à part celle située sur le portail du palais des ducs, toutes ces caméras sont des modèles Bosch Autodome IP starlight 7000i. D’après la plaquette du concepteur, ces caméras « permettent de localiser et suivre des objets, et de zoomer dessus, rapidement et facilement. Leur résolution [est] de 1080 p, associée à un zoom optique 30x. »

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Ces caméras, tout comme celles du réseau Divia, sont branchées sur le centre de supervision OnDijon, la pièce centrale de la « smart-city » de Rebsamen.

Nouveaux modèles

Les caméras de videosurveillance coûtent cher. L’installation coûte cher, la maintenance coûte cher, toutes les infrastructures annexes et les opérateurs coûtent cher, et évidemment le matériel coûte cher, d’autant plus qu’il doit régulièrement être changé. Le piètre rapport coûts/ bénéfices est d’ailleurs un des arguments contre la videosurveillance avancé par les politiciens libéraux dits progressistes.
Ces derniers mois plusieurs caméras ont ainsi dû être remplacées par des modèles plus récents. La caméra au croisement de la rue Berbisey et de la rue de la Manutention, a ainsi été remplacée deux fois dans l’année, puisqu’elle était jusque là équipée d’un ancien modèle qui a d’abord été remplacé par un modèle Bosch Autodome IP starlight 7000i, puis par un tout nouveau modèle...
La principale nouveauté c’est en effet l’installation d’un nouveau modèle très différent développé par l’entreprise sud-coréenne Hanwha Techwin (Wisenet) : les caméras PNM-9320VQP, capables de filmer à 360° en permanence, avec une caméra supplémentaire pour zoomer. [5]. Un premier de ces modèles a été installé courant décembre place de la République, et courant août 2020 au moins neuf de ces caméras ont été installées :

  • place Jean-Macé (à l’intersection de la rue du Bourg et de la rue Berbisey)
  • rue de la Chouette
  • avenue de Langres, vers l’arrêt de tram Europe
  • à l’intersection du boulevard Kir et de l’avenue Albert 1er (devant la Chartreuse)
  • avenue Albert 1er (vers l’intersection avec le boulevard de l’Ouest)
  • à l’intersection de la rue des Perrières et de la rue Guillaume Tell
  • à l’intersection du boulevard Gabriel/ Jeanne d’Arc et de la rue de Mirande /Sully
  • à l’intersection de la rue Berbisey et de la rue de la Manutention
  • à l’intersection du boulevard Clémenceau et de la rue François Mauriac
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    Place de la République, notez que plus c’est gros, plus c’est facile à viser... La plus petite caméra noir est une caméra du réseau Divia (voir plus bas)
La préfecture

En même temps qu’ils s’enferment dans une fuite en avant libérale autoritaire, les pouvoirs publics se claquemurent dans leur palais. Effrayée par les émeutes qui ont eu lieu devant ses portes en décembre 2018, la préfecture est désormais bardée de caméras. Au moins 7 ont été installées sur tout le pourtour dont quatre sont des caméras multi capteurs qui filment en permanence à 360°. Au total il y en a maintenant plus d’une vingtaine en incluant un batiment annexe du conseil départemental. Difficile de dire avec certitude lesquelles de ces caméras sont reliées au centre de supervision OnDijon.

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Une préfecture sous haute surveillance. Capture d’écran de dijon-sous-surveillance.
Les caméras Divia

Du côté de Divia c’est l’ensemble du parc de caméra qui a été remplacé pendant les semaines qui ont suivi le confinement : les caméras dômes qui se trouvent sur les abris de tram, et celle situées sur des pylones aux abords des voies. Au passage au moins deux caméras orientables ont été ajoutées à l’intersection boulevard de Brosses / rue Bannelier et à l’intersection boulevard de la Trémouille / rue Suzon / rue Prud’Hon. Ces caméras sont reliées au centre de supervision OnDijon et sont donc utilisables par les services de police en temps réel. Ce renouvellement concerne plusieurs centaines de caméras. Quand on connait le prix d’un seul de ces engins la facture s’annonce salée, ce n’est pas cette année que Divia devrait baisser ses tarifs...

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Caméras Divia : l’ancien modèle...
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...et le nouveau

Des nouvelles caméras un peu partout, des nouveaux modèles toujours plus puissants... qui ne font que s’ajouter aux déjà très nombreuses caméras installées ces douze dernières années, au centre de supervision OnDijon qui centralise toutes les videos sous le regards de policiers, ainsi qu’aux caméras embarquées dont les policiers de la métropole sont dotés depuis 2016. On aurait aussi pu évoquer les drones espions, expérimentés à Quetigny pendant le confinement.

La video-surveillance n’est qu’une des pièces de l’appareil répressif, mais comme chacun de ses rouages, son développement amenuise les possibilités pour le peuple d’accomplir « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » [6] face à un pouvoir qui deviendrait despotique. La possibilité du fascisme [7]est aujourd’hui une réalité, en France comme au Brésil, aux États-Unis ou en Hongrie. Dans cette situation, développer de tels dispositifs c’est potentiellement les mettre demain entre les mains des héritiers de pouvoirs autoritaires présents ou à venir. Même en dehors de cette perspective, le simple fait de rendre la rue totalement inoffensive délie le pouvoir du souci de l’opinion publique et encourage la sécession des élites. Comme chaque élément tendant à renforcer le pouvoir répressif, la video-surveillance est un danger pour celles et ceux qu’un État, même démocratique, ne représente pas.

Dans ce concert de nouvelles inquiétantes pour les libertés publiques, les deux jeunes des Grésilles viennent nous rappeler que la videosurveillance n’est pas invulnérable, d’autant que ce genre de sabotage est en réalité courant [8] [9]. Ces dernières années, plusieurs fait-divers nous ont aussi rappelés que les caméras ne sont pas infaillibles [10], et que leur coût exorbitant ne semble guère se justifier par leur efficacité [11].
Pas sur pour autant que l’opposition au techno-autoritarisme puisse se contenter de sabotages isolés et de défaillances techniques.


Contribuez à
https://dijon.sous-surveillance.net/
une cartographie participative de la videosurveillance à Dijon et ses alentours.

Plus d’infos sur les technologie policières et les mobilisations qui s’y opposent :
https://technopolice.fr/



Notes

[3C’est ainsi qu’une campagne publicitaire de la mairie le vantait il y a quelques années, voir ici

[4« Le panoptique est un type d’architecture carcérale imaginée par le philosophe utilitariste Jeremy Bentham et son frère, Samuel Bentham, à la fin du XVIIIe siècle. L’objectif de la structure panoptique est de permettre à un gardien, logé dans une tour centrale, d’observer tous les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour, sans que ceux-ci puissent savoir s’ils sont observés. Ce dispositif devait ainsi donner aux détenus le sentiment d’être surveillés constamment et ce, sans le savoir véritablement, c’est-à-dire à tout moment. Le philosophe et historien Michel Foucault, dans Surveiller et punir (1975), en fait le modèle abstrait d’une société disciplinaire, axée sur le contrôle social. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Panoptique

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