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Garden State, mon cul !


Jardins de l’Engrenage

Plante un gland et il poussera un maire (proverbe bourguignon).

Ah ! Ce matin, je me sens bien car je me réveille dans une municipalité qui sait identifier ses vrais ennemis. Une guerre vient d’être gagnée qui restera dans les annales de la ville, celle qui oppose la carotte, le persil, la pomme de terre aux grosses légumes. Les grosses légumes poussent à la mairie, à la préfecture, sont nourris aux engrais et usent volontiers de pesticides lacrymogènes contre la vaillante carotte, le sauvage persil et la débonnaire pomme de terre. Dans leurs engins motorisés à pelles prêtés par les entreprises les plus florissantes du BTP dijonnais (atteintes du syndrome IG Farben), les grosses légumes ont eu la peau du dernier brin d’herbe hier, mardi 20 avril, au terme d’une bataille héroïque, saluée par un communiqué vertueux du général en chef des bulldozers « Pour Dijon, pour toutes celles et tous ceux qui ont besoin d’un toit ».

Ainsi donc, les véritables responsables de la pauvreté urbaine, les squatters du Jardin de l’Engrenage, ont été chassés (il y a un précédent célèbre) et c’est promis, les travaux pour loger tous les sans-abris de Dijon qui ont croupi dans la rue ou dans des foyers cet hiver, commenceront « dans la foulée » (sic) . La mairie fait valoir ses droits à la propriété, soutenue par la préfecture qui s’occupera de la décoration d’intérieur des futurs appartements. Je me suis réjouie trop vite. On me signale qu’il semblerait que les futurs logements ne soient pas tout à fait destinés à ceux qui en ont besoin mais à ceux qui peuvent les payer. Le placo a beau être mince, ça coûte !

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Alors, oui, le tilleul a été abattu, la terre végétale massacrée, les jardins arasés mais que l’on se rassure, le projet “Garden State” surgira bientôt de terre. C’est le nom grandiosement english, façon film de Georges Lautner, choisi pour le nouvel ensemble immobilier arboré avec jardins qui bientôt ouvrira ses portes aux hordes de dijonnais dépités qui, à cause de tous ces jardiniers et maraîchers chevelus prompts à s’emparer des friches, n’ont pu encore accéder à la propriété sur 30 ans. Il était temps que le grand Mamamouchi use de son autorité pour que cesse enfin le scandale à ciel ouvert de ces deux hectares conquis par des tubercules anarchistes. La carotte a remplacé le rom mais l’idée est la même. Qui se souvient de cette déclaration en 2010 du Grand Timonier bourguignon « Il est du devoir d’un gouvernement de reconduire à la frontière ». Et pourquoi ? Par volonté, pour son bien, d’obliger, l’étranger à renouer avec ses racines ? Non, pas du tout parce que « l’occupation illégale de terrains publics ou privés n’est pas permise ». Rebelote en 2021 sauf que là, il s’agit d’ennemis de l’intérieur (récemment identifiés et dénoncés, pêle-mêle, par Le Figaro, Frédérique Vidal, Darmanin, Zemmour, Bruckner, Blanquer et quelques autres), et non pas de va-nus-pieds métèques que l’on a bien du mal à raccompagner à la frontière car, dans le cas des roms, c’est un peu compliqué.
En revanche, l’ennemi de l’intérieur, il suffit juste de le gazer et de lui botter le cul pour qu’il aille jouer plus loin et puis, comme disent les avisés blogueurs du Bien Public « tous ces bobos gauchos jardinos écolos de mes deux, ils n’ont qu’à travailler pour se le payer leur jardin, comme moi et ma femme on a fait ».

Non, en fait, ce matin je me suis réveillée avec un goût de ferraille dans la bouche, cette ferraille qui, hier, a dévasté un jardin communautaire avec l’aide active d’une police qui n’accomplit plus une mission de sécurité publique mais une mise au pas sociale. Comment ne pas éprouver un vrai malaise au spectacle de policiers armés de bombes lacrymogènes de poche qui, visiblement, ne sont pas mécontents de casser du gaucho et de passer leurs nerfs sur ceux qu’ils identifient comme leurs ennemis de classe. De la haine à l’état pur. Le tout, au milieu d’engins de chantier complaisamment mis au service d’une œuvre de destruction par des entrepreneurs sans états-d’âme.
Quant à la mairie de Dijon, car il faut bien la nommer, la désigner, l’accuser, elle est, depuis des années, hostile à ce qui bouge, pense, jardine, respire, créé dans la ville. Il paraît que cela porte un nom « l’acte deux de la tranquillité publique » . Il fallait la trouver cette formule qui sent bon les années 60 et la France de De Gaulle. La lutte contre la chienlit est prévue à l’acte trois. On préfère, à Dijon, armer les policiers municipaux (contre les ennemis de l’intérieur ?) plutôt que de penser à l’urgence écologique. On bâtit, en toute hâte, des immeubles en forme de paquebots que l’on ceint de haies de thuyas en guise de nature sauvage, le tout fermé par une grille sécurisée à digicode. On se demande si le maire réélu avec de moins en moins de voix depuis 2001, accroché à son fauteuil comme si sa vie en dépendait, a entendu parler de ce qui attend l’humanité à brève échéance si lui et ses semblables continuent de penser qu’ils sont propriétaires à vie des villes qui leur sont confiées, et non offertes en pâture, par le biais des urnes. Des propriétaires, des notables, des édiles. De coupables crétins.

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Ce qui vient de se produire au Jardin de l’Engrenage est un scandale et, contrairement à ce qu’insinue une presse locale anémiée, cela ne concerne pas qu’un groupuscule d’anarcho-je ne sais quoi qui ne respecterait pas le droit à la propriété privée. La destruction violente, mécanique encadrée par des policiers armés, casqués, bottés n’est pas un spectacle admissible et celles et ceux qui en ont été les témoins ne sont pas prêts d’oublier ce qu’ils ont vu, même les moins concernés par les vieux légumes. Les maires lancent des bulldozers comme les chefs d’État lancent des chars. Si le maire de Dijon avait lu « Les Raisins de la Colère » de Steinbeck, il aurait peut-être évité de faire ce que font les puissants aux humbles quand ils veulent mécaniser l’exploitation des terres et pratiquer l’agriculture intensive. Des monstres de fer écrasent tout sur leur passage, on est en 1929, pas en 2021. Le maire de Dijon ne lit pas Steinbeck et il n’a pas non plus entendu parler de la ville de Détroit qui en 2013 a signé l’ordonnance de l’agriculture urbaine qui permet de se réapproprier les terrains en friche pour sauver une ville en déshérence.

La mairie de Dijon n’a plus de compte à rendre à personne, la mairie de Dijon n’en a rien à foutre de la nature, la mairie de Dijon vient de commettre l’irréparable en toute impunité, aidée et soutenue par la préfecture.

Le maire de Dijon n’est pas notre maire. En aucun cas, nous ne lui avons donné les clés de la ville pour qu’il la vende par lots et s’improvise agent immobilier, promoteur et soutien des entreprises de BTP.

Engrenage fatal, tristesse infinie.

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