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À la Méandre, 10 ans à construire des mondes au fil de l’eau


Saône-et-Loire

Dans le langage courant, depuis quelques années déjà, on ne va plus au Port Nord à Chalon sur Saône, mais « à la Méandre ».
Pour le futur, nous l’écrivons ici comme une promesse que l’on se fait à nous-mêmes en même temps qu’à vous : NOUS VOULONS TOUT ! Nous, avec d’autres, continuerons à créer et à vivre ici, entre les grues et le pont de Bourgogne, « à La Méandre ».

Vu du pont, il y a de quoi se demander ce qu’il se passe depuis plus de 10 ans sur ce quai. Ce qu’on peut observer depuis le dehors, au fil des saisons, c’est le ballet incessant des véhicules mais aussi la succession des fêtes, les entraînements physiques sur le quai, les gardes-corps étendoirs à linge, les grandes tablées joyeuses à l’heure des repas, les tuyaux de poêles qui crachent leur fumée les jours de grand froid, les montagnes de palettes et d’objets qui prennent la pluie et disparaissent du jour au lendemain.

Régulièrement, à la saison des crues, le Port Nord prend les allures d’une île, encerclée par la Saône qui monte, monte, mais jamais plus haut que le quai. Dans cette forteresse occasionnelle, depuis 14 ans, une vie s’est construite, bien réelle. Elle laisse échapper quelques indices pour le monde extérieur, mais si par souci d’aventure il vous arrivait de franchir l’un de ces rideaux métalliques bleus, vous pourriez bien vous perdre dans les méandres des hangars...

Cette aventure a surgi là où habituellement rien ne pousse. Dans cet interstice entre deux époques, entre la gauche et la droite municipale, entre un ancien port qui rouille et la construction d’un nouveau, de l’autre côté de la ville. Ici, au lieu de tout détruire, quelqu’un.e a oublié d’agir et les mauvaises herbes ont fait leur travail. C’est sous la peinture, entre les différentes strates, que notre groupe est né.Il a grandi jusqu’à faire éclater la peinture, jusqu’à se rendre visible au yeux du monde.

Pendant toutes ces années, planqué.e.s dans ces hangars, nous fomentions de petites et grandes choses.

D’abord, des projets qui ressembleraient à du quotidien, mais dans une vie que nous aurions choisie, faite de rencontres, de partage, d’inventions, de musique, de chorégraphies, d’anniversaires surprises, de karaokés, de conférences, de fêtes, de radios pirates, de repas, d’entraide et d’autonomie. Chaque année, nos vieux hangars voient se succéder près d’une soixantaine de projets artistiques. On les accueille, on les chouchoute, on croise nos pratiques, on questionne, on fantasme, tout ça avec les moyens du port. On organise aussi une trentaine d’évènements publics. Parfois, nous sommes 15 personnes dans la salle de concerts à observer quelqu’un.e faire jouer un orchestre d’aspirateurs branchés à l’envers pour qu’ils soufflent dans des tuyaux produisant une mélodie délicieusement aléatoire. Un autre soir, le quai est noir de monde : les corps fatigués célèbrent la fin d’un festival ; 2000 personnes traversent à l’unisson une fête libre et sauvage comme on en voit rarement.

Notre histoire s’ancre dans celle des arts de la rue. Il y a 20 ans, certain.e.s d’entre nous pirataient Chalon dans la rue en Off de Off pour tester de premières formes hybrides tard dans la nuit. Nous avons inventé par la suite une succession d’univers à l’intérieur de caravanes, des micros-mondes comme des métaphores poétiques d’un réel menaçant : nous pouvions le réécrire à notre manière. Nous nous sommes aussi frotté.e.s au bitume, à l’espace public. Nous y avons performé, dansé, construit, testé ses limites. Et, comme notre appétit n’a jamais cessé, nous avons choisi de remplir des places entières, pour déployer la poétique d’un imaginaire de résistance et de révolte. Il résonne avec la vie que nous menons sur notre île, mais aussi dans les rues de Chalon, lorsque l’étau se resserre et que quelqu’un.e oublie que derrière ses décisions, ce sont des vies qui souvent chavirent.

Notre histoire est profondément ancrée dans ce vieux port industriel : il nous a façonné.e.s, forgé.e.s, construit.e.s. Nous avons toujours eu conscience du privilège que cela représentait. Nous nous sommes attaché.e.s à le partager autant que nous le pouvions et en avons fait un mode de vie. Nous pensions qu’il s’agissait d’une crise d’adolescence qui finirait par s’éteindre, mais plus le temps passe, plus nous nous rendons compte qu’elle est devenue permanente.

Aujourd’hui, quelqu’un.e nous annonce que les choses vont changer avant la fin de l’année 2024.

Quelqu’un.e, c’est le temps qui passe, c’est la volonté qu’ont les humain.e.s de vouloir tout maîtriser. C’est aussi sûrement une échéance électorale ou encore une opportunité immobilière, un projet de rénovation ... Quelqu’un.e, qui s’était montré très distant les 10 dernières années, se réveille aujourd’hui et se rend compte de l’évidence qui nous anime quotidiennement depuis tout ce temps : ce site du Port Nord est exceptionnel ! Voilà déjà un premier point commun.

Dans le langage courant, depuis quelques années déjà, on ne va plus au Port Nord mais « à la Méandre ».

Pour le futur, nous l’écrivons ici comme une promesse que l’on se fait à nous-mêmes en même temps qu’à vous : NOUS VOULONS TOUT ! Nous, avec d’autres, continuerons à créer et à vivre ici, entre les grues et le pont de Bourgogne, « à La Méandre ». Nous vous laissons ici et retournons discuter avec quelqu’un.e d’un avenir commun. Pour la suite, vous pourrez lire de nos nouvelles sur les murs de la ville ou de votre ordinateur.

Les Méandres



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