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La Mairie est-elle vraiment « LGBT+ friendly » ?



La Municipalité de Dijon est réputée pour sa considération avant-gardiste quant à l’accès et à la défense des droits LGBTQIAP+, disposant du label « diversité » et multipliant les actions symboliques comme le déploiement de drapeaux arc-en-ciel en mai 2021. Mais derrière les bonnes volontés, certaines résistances semblent persister.

C’est ce que nous expose T.R., qui le 14 juin dernier a été particulièrement mal reçu par un agent dans le cadre d’une procédure d’état civil. Exigence de documents optionnels, propos méprisants et discriminatoires, demande d’explications se soldant par une intervention de la police… si la Mairie indique avoir depuis présenté ses excuses et rappelé à l’ordre son fonctionnaire, deux courriers ont été envoyés au Maire François Rebsamen alors qu’une saisine du Défenseur des Droits et de la Justice est désormais envisagée.

« Allez déposer votre demande ailleurs. »

T.R. est né à Dijon, mais vit en région parisienne depuis plusieurs années. En transition, le jeune homme souhaite alors faire modifier son état civil ainsi que la loi le permet. Après s’être informé sur la procédure, il décide de revenir en Bourgogne muni d’un rendez-vous et des pièces nécessaires. « Un choix évident » pour lui, la cité des Ducs « garantissant à priori un réel espace d’écoute et de suivi » là où « d’autres contrées sont notoirement plus réticentes. » Toutefois, à cette étape, un balbutiement de blocage fait déjà jour : « au téléphone, mon interlocuteur m’a d’abord vivement conseillé de plutôt aller sur ma commune de résidence… en insistant un peu j’ai été finalement entendu, mais ça donne de suite un mauvais pressentiment. » Le mardi 14 juin 2022, il se présente donc à l’Hôtel de Ville accompagné de sa maman. Malheureusement, les choses ne vont pas s’arranger.

Outre « une attitude glaciale », mère et fils doivent faire face à une transphobie déconcertante. Le fonctionnaire C.R. multiplie les dérapages : il mégenre volontairement T.R., communique de fausses informations sur la modification du livret de famille, prescrit l’ajout de « preuves médicales » au dossier qui « sera refusé » autrement… Une option pourtant facultative depuis la loi « de modernisation de la Justice », mais que l’agent assène comme indispensable malgré les protestations puis les pleurs. « Si vous ne vous pliez pas à cette nécessité, allez déposer votre demande ailleurs » lance l’intéressé, avant d’expliquer « s’être déjà fait avoir, car des gens corrigent leur prénom mais après ils ne changent même pas de sexe ! » Alors que la maman de T.R. dénonce ses propos choquants, C.R. va jusqu’à répliquer « qu’il y a des gens pour qui c’est plus difficile, qui vivent plus de violence. »

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« Pas de féminisme sans les putes et les trans » – pancarte lors d’une manifestation à Dijon, le 27 novembre 2021 – crédit Toufik-de-Planoise

Excuses policières.

T.R. et sa mère sont dépités mais ne se démontent pas, l’entretien se concluant par la proposition de « pouvoir repasser le lendemain avec une attestation psychiatrique pour finaliser la procédure. » Quand bien même imposer cette pièce est désormais illégal, nonobstant le risque de violation du secret médical. Mais le mercredi 15 juin, surprise… aux cotés de T.R. et sa maman, la sœur du premier et deux membres de l’association « Aides » sont également là. Le groupe sollicite et obtient d’être entendu par Véronique Freitag, responsable du pôle État civil, ainsi que Christophe Bertier, adjoint au Maire délégué au personnel et à la lutte contre les discriminations. Lesquels prennent immédiatement la mesure du problème, présentant leurs excuses, indiquant avoir fait le nécessaire quant aux démarches en question, et proposant même une aide concrète pour les suites.

Véronique Freitag nous précise aussi avoir « reçu l’agent en cause à qui j’ai rappelé ses obligations d’accueil, d’écoute et de neutralité absolue, et fait part des conséquences que cette affaire aurait sur son dossier administratif. » C.R. n’en étant pas, selon nos informations, à sa première bévue. M.R., la sœur de T.R., tente de confronter l’employé à ses responsabilités. Elle le retrouve alors dans une salle dédiée au personnel, où il est avec d’autres collègues. « La hiérarchie a bien réagi, mais on ne pouvait pas s’en contenter. Je voulais que tout le monde sache ce qu’il en était, ce que cette personne avait dit et fait. Qu’elle s’excuse, devant mon frère mais aussi toute l’administration qu’elle avait bafoué. » Gagnés par la peur d’un dérapage, les spectateurs font appel à la police municipale… qui intervient de suite, bien que se limitant un simple contrôle d’identité.

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Drapeau « arc-en-ciel » sur la façade de l’hôtel de ville de Dijon, le 17 mai 2021 – crédit Dijoncter

Un « label diversité » délivré le 30 mars 2018.

T.R. et sa mère ont écrit deux courriers au Maire François Rebsamen, exposant dans le détail leur expérience et vœux. « Je sais que d’autres demandes de changement de prénom ont été déposées à la mairie de Dijon par d’autres de mes camarades transgenres qui ont très probablement été tout aussi mal reçu-e-s. D’autres viendront encore après. D’autres n’osent même pas engager la démarche, anticipant la violence à laquelle iels s’exposeraient. Pour cela, il me semble essentiel qu’une telle situation ne puisse jamais se reproduire » résume t-il. Il n’écarte pas la possibilité de saisir le Défenseur des Droits ainsi que la Justice, mais espère surtout une prise de conscience. S’il faut relativiser le cas d’un agent sur les plus de 3 000 que compte la Municipalité, le placement d’un profil aussi problématique à ce poste-clé pose question sur les sensibilisations et formations internes.

Rappelons que les articles 225-1 et 225-2 du code pénal stipulent bien que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur identité de genre », la sanctionnant de « cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende » lorsque ces faits sont commis « dans un lieu accueillant du public. » Depuis le 30 mars 2018, la Municipalité de Dijon bénéficie du « label diversité » ; un titre censé honorer son engagement en matière de prévention des discriminations, d’égalité des chances et de promotion de la diversité. Gage significatif, auxquels s’ajoutent par exemple la signature d’une charte LGBT le 7 novembre 2020 ou le déploiement de drapeaux « arc-en-ciel » sur la façade de l’hôtel de ville le 17 mai 2021. À quelques heures d’une « marche des fiertés », cette polémique risque d’entacher une communication jusqu’alors sans ombre.



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