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Interview de l’appel aux Sans Voix



Voici une interview de Keny Arkana, rappeuse militante marseillaise et de Clem’, réalisatrice du film Un autre monde est possible.

On avait eu l’occasion de se cotoyer à diverses reprises au printemps dernier, notamment avec l’accueil à Dijon de la tournée de forum Appel aux sans-voix, puis avec le concert de soutien donné par Keny dans le cadre de la lutte des Tanneries et des dix ans du lieu. Cela a amené plein d’échanges passionants et l’envie de faire partager dans Blabla une part des histoires et visions politiques de l’Appel aux sans-voix. Il s’agit à la base de deux interviews séparés de Clem’ à la mi-juin, puis de Keny à la mi-juillet. Elles ont été refusionnées tant bien que mal ensuite, d’où la possibilité de quelques redites et décalages dans l’enchaînement des propos. Pour des questions de place, Il ne s’agit malheureusement que d’extraits très partiels. L’intégralité de l’interview est disponible en ligne sur le site de Blabla.

Quelle était l’envie politique avec les forums des sans-voix, comment c’était lié à votre action sur Marseille ?

Keny : on avait déjà commencé les assemblées populaires dans notre quartier avec la Rage du peuple et tout ça. L’idée c’était que les gens s’impliquent dans la vie du quartier. A Marseille il y a à balle d’expulsions de sans-papiers, et aussi de gens des quartier populaires qui se font virer du centre-ville avec la réhabilitation urbaine. Au lieu que les gens soient chacun parqués dans leur petite vie à avoir peur, on voulait qu’ils puissent commencer à discuter ensemble des différents problèmes et solutions envisageables. Après ce n’est pas si facile que ça dans un quartier où les gens ont peur, où il y a beaucoup de gens qui pensent que rien ne pourra changer, qui pensent « on est des exclus, on restera des exclus ». Mais on voulait quand même tenter de se réapproprier un peu tout ça, la parole, le quartier et puis notre gamberge à nous aussi. On part du principe que « moi j’ai pas la solution, toi non plus mais qu’ensemble on l’a ».

Clem : Il y a la dynamique d’assemblée populaire, le fait de se retrouver pour parler de politique. Nous on dit qu’étymologiquement ça veut dire « les affaires de la cité » et la politique ça regarde tout le monde. Pour nous personne ne peut dire : « je ne fais pas de politique » puisque la politique c’est juste savoir comment on va vivre ensemble. Donc nous on tenait vraiment à se réapproprier ce mot là et à montrer que le fait de se regrouper pour se parler, s’exposer nos différents problèmes, ça nous fait sortir de l’individualisme. C’est une démarche de base, super politique et qui ne se fait pas du tout parce que le système nous individualise. Ce qui nous a le plus détruis, c’est le fait de nous séparer les uns des autres ; c’est même plus de la division entre communautés mais entre individus, un truc où les gens vont pas se parler, rester chez eux sans même connaitre le prénom de leur voisin. Et on veut recréer ce lien social par des choses autonomes et sans que ça passe par des institutions, des machins qui ne le feront jamais parce que c’est pas dans leurs intérêts. Parce que pour eux le peuple, moins il en sait, moins il se regroupe et moins il parle et plus le pouvoir est tranquille. L’idée c’est donc des agoras, mais genre modernisées où les femmes ont le droit de venir (rire), de la démocratie mais dans le vrai sens, pas leur démocratie bidon qu’on sait même pas ce que ça veut dire.

Keny : Et puis il s’agissait de faire des ponts entre les gens, moi j’ai bien vu qu’il y a plein de petits jeunes qui écoutent ma musique et qui commencent à s’ouvrir sur des trucs, notamment grâce au film de Clem aussi, des gens qui commencent à se poser des questions et on s’est dit que ce serait bien d’arriver à discuter avec eux et faire des pont entre des militant·e·s et des jeunes de quartier ou les petites jeunes qu’écoutent du rap et qui ont envie de se bouger. À la base les forums c’était lié à ma tournée, parce que moi je recevais pas mal de messages de personnes qu’avaient envie de se bouger le cul et qui me disaient « qu’est-ce qu’on doit faire ? », « hé là attend moi je suis personne pour te dire ce que tu dois faire ! ». Maintenant, on pouvait aider à faire des forums dans différentes villes et faire que si des gens ont des projets à monter dans leur ville ils puissent se connecter entre eux. Et on s’était dit aussi que ça pressait de le faire quoi, que l’on aurait bientôt un dictateur au pouvoir... Et moi je me suis retrouvée dans le truc où j’ai bien vu que mes tourneurs ils en avaient rien à foutre de mes idées de forum, j’ai bien vu qu’il ont fait en sorte que tout ça ça s’étouffe et que finalement je me retrouve dans l’impossibilité de faire les deux et que je me retrouve à ne pouvoir faire que mes concerts. Alors moi je leur ai dit « allez vous faire foutre ! », puisque je n’ai pas les épaules assez larges pour faire les deux, nique sa mère les concerts je vais faire les forums. Donc on est partis pour un tour de france, on a checké plein de gens, c’était super.

Ce qui devait être difficile, c’est que ça partait d’un projet de tournée où toi tu étais pas mal mise en avant et qu’au final c’était des forums où du coup vous arriviez comme un collectif et où toi t’essayais de moins te mettre en avant. Est-ce que c’était dur de gérer ça pour toi et les autres ? C’est quand même un sacré défi que tout ne tourne pas autour du blaze Keny Arkana.

Keny : Nous on essaie de s’organiser de la manière la plus horizontale possible que ce soit au sein de l’Appel aux sans voix, dans La Rage du peuple ou au sein des forums qui ressemblaient plus à des assemblées populaires qu’à des forums. C’était pas genre « y’a des intervenants, c’est nous en haut et vous vous écoutez ». C’était plus on est assis en cercle, on parle tous ensemble, on réfléchit tous ensemble. Pour moi c’est vachement important de déconstruire le pyramidal et d’essayer de commencer à fonctionner autrement avec un vaste réseau horizontal. Après oui y’a le paradoxe du fait qu’au sein de notre groupe, on essaie que ce soit super horizontal, et puis sur les affiches comme t’as pu voir y’a mon nom qu’est un peu mis en avant. Pourquoi ? Parce que c’est un peu le nom « biftek ». Ca va faire venir des gens qui viendraient pas forcément autrement, ça peut aider à sortir du truc où on est toujours entre convaincus et causer à d’autres personnes. Et malheureusement ouais aujourd’hui on est dans la société du spectacle, alors on a utilisé (rire) le blaze Keny Arkana et à mon avis, on continuera à utiliser le blaze Keny Arkana pour faire venir des gens et continuer à sensibiliser des gens à tout ça.

C’est que assez fou avec votre tournée c’est que vous êtes passé dans des lieux assez diversifiés aussi bien dans des squats, espaces autogérés que dans des cités et quartiers populaires. Souvent on a l’impression qu’une bonne partie du milieu militant « de gauche », y compris les milieux radicaux, et les gens qui vivent, luttent dans les quartiers c’est deux mondes assez éloignés, qui en tout cas ne se rejoignent pas vraiment. Y’a aussi un tas de clichés sur le fait qu’à part des révoltes sporadiques, il y ait peu de militantisme dans les quartiers. D’un autre coté, le fait que ces mondes puissent se rejoindre et trouver des solidarités peut avoir une portée politique énorme et fait d’ailleurs explicitement flipper Sarkozy. Vous, vous avez cherché à aller à contresens de ces barrières, quel bilan tu en tires ?

Clem : En fait je pense qu’il y a du réel dans le fait qu’il y a plein plein de barrières, mais c’est des barrières qui sont dans la tête des gens. Entre par exemple le milieu militant/squat tout ça un peu radical machin et les gens des quartiers, c’est sûr qu’il y a souvent pas beaucoup de liaison, parce que déjà c’est pas la même culture et c’est des milieux qui sont pas souvent amenés à se rencontrer. C’est vrai aussi que les milieux militants en général, la majorité ils viennent des classes moyennes. C’est faux par contre de dire qu’il n’y a aucune implication politique dans les quartiers parce que c’est clair qu’il y en a. Après la relation entre ces deux trucs-là se fait pas. Nous on avait la volonté de casser ces barrières-là, donc on a été faire des forums dans des squats pour essayer de faire venir des, allez on va dire « jeunes de quartier » (rires) la vieille étiquette, dans des lieux autogérés où il y avait plus le coté militant tout ça. A l’inverse on a été faire des forums vraiment dans des quartiers, en général c’était sur la pelouse, genre vraiment à l’arrache. Et là comme on avait déjà pas mal tourné ou que l’on avait déjà été hébergés dans des squats, on a réussi à faire venir des militants dans des quartiers et donc c’est clair qu’il y a eu des rencontres super intéressantes. Après il y a aussi que c’est pas forcément les même problème, enfin les causes du problème peuvent être les mêmes mais il y a des problématiques « socio-culturelles » dans les quartiers qui sont précises. Les quartiers reçoivent pas du tout le même traitement que les autres territoires de l’espace français. Et on est avec un gouvernement qu’a pas arrangé les choses dans les dernières années. Il y a toute une histoire derrière. Tout ça c’est issu de la colonisation et de la fausse décolonisation et enfin voilà... La majorité des gens ont aucune conscience de ça parce que tout simplement ils ne le vivent pas au quotiden. Ils ne vivent pas les inégalités sociales, le racisme, les contrôles de keufs à répétition, les bavures policières, les trucs qui ont une concentration particulière dans les quartiers. Après il faut travailler à cette union. Là on parle de quartierssquats. Bon nous vu que l’on a pas mal évolué dans ces deux milieux, on a tablé pas mal là-dessus mais bon y a pas que les quartiers et les squats, faut voir toutes les séparations entre toutes les cultures. Y’a d’autres milieux aussi, je veux dire, déjà le milieu de base classe moyenne, très peu politisé. Après les « quartiers » c’est aussi pleins de mondes supers différents. Par exemple, on s’est ramené aux Ullis. Les Ulis c’est une ville où c’est que des quartiers, c’est à 50 bornes de Paris et c’est complètement coupé du reste du monde. Y’a rien et justement on a eu une bonne surprise parce que l’on est tombé sur un endroit où c’est presque un village, où les gens sont super ouverts, se connaissent et sont cent fois moins froids et agressifs que dans certains quartiers plus proches de Paris on va dire.

Keny : Ben d’abord, c’est clair que les barrières elles sont toujours là même si certaines peuvent s’effriter petit à petit. C’est un travail de fond à faire qui est vachement important. A ce titre sur le site de l’Appel aux sans voix, il y a un forum internet interactif qui est vachement enrichissant dans le sens où il y a aussi bien des anciens, des militants, que des petits jeunes qui sont là parce qu’à la base ils sont fans de rap, que des ci des ça et que tous ils s’entreapportent et qu’il y a un espèce d’auto-apprentissage qui se fait par ce biais-là. De la même manière, je sais qu’il y a pas mal de gens dans les villes où l’on est passés qui ont gardé contact entre eux et ont envie de se bouger. Beaucoup de frères de quartiers, ils ont compris que c’est le moment qu’on arrête de se niquer entre nous et quand je dis entre nous c’est au sein même des quartiers et plus largement avec les autres gens comme les militants. Les quartiers tu vois, ils regardent les militants comme des extraterrestres. Les militants ils regardent les gens des quartiers commes des extra-terrestres... alors que bon, au bout du compte on a le même ennemi. Moi je vais te dire, je crois que c’est encore un problème de spiritualité, dans le sens où moi en tant que jeune de quartier j’ai été longtemps bloquée sur tout ce qui était « anarchisme », « communisme », « nanaisme » parce que « athée ». Parce que je me sens exclue d’entrée, peut-être c’est un détail et ça peut paraître con mais ouais « ni dieu ni maître », tu dis ça à un jeune de quartier, les jeunes de quartier beaucoup sont croyants, et ben déjà c’est une première barrière. Après la barrière elle est peut-être dans les deux sens. Au même titre que les militants pour moi, ils font un gros amalgame entre « spiritualité » et « institutions religieuses », les jeunes de quartier ils font un gros amalgame entre « politiques » et « politiciens », entre réappropriation du mot politique et de son sens et la politique spectacle d’aujourd’hui. Ce truc de la spiritualité, je vais pas dire que c’est ça LE problème mais disons que quand il commence à y avoir un dialogue entre les deux, ça peut sérieusement bugger à ce moment-là : si le militant il a pas la tolérance d’accepter le croyant et que le type de quartier il a pas la tolérance d’accepter l’athée, ça bloque, et c’est con. Après on peut parler de culture musicale, de manière de parler, de pleins de trucs, mais les jeunes de quartiers ils sont souvent très croyants et peut-être pas très tolérants par rapport à ceux qui croient pas, où ça risque d’être direct vu comme « blasphème ». Bon je vais pas commencer à partir dans tous ces problèmes-là parce que ça va me soûler vite fait, mais disons que le jeune de quartier a un problème avec le mot « politique » tout comme le militant a un problème avec le mot « spiritualité ».

Qu’est-ce que vous avez eu l’impression de retirer de vos rencontres avec les squats et lieux autogérés sur cette tournée ?

Keny : On a grave kiffé. Ca s’est fait très à la vibe encore une fois, on avait pas calculé. Ca s’est fait au fur et à mesure. On est allés dans un premier squat et puis tu vois bien comment ça s’est passé (rires), on nous a ditt « là-bas on a des potes », et puis une fois qu’on était dans le nouvel endroit, y’avait encore d’autres potes et un autre squat dans la ville d’après là-bas et ainsi de suite. Voilà ça tue et nous-mêmes ça nous a fait tomber pas mal de barrières. Nous en tant que jeunes de quartier, notre vision du squat, y’avait rien de politique, c’était les squats défonce et pas forcément la connotation lieu autogéré, espace de vie, espace militant. Nous, on avait la vision du squat, c’était le « squat » quoi, si tu vois ce que je veux dire. Avec les gens à l’intérieur, on a eu plein de discussions de ouf, forcément aussi, sur les athées et les pas athées, ce genre de trucs... Plein de chocs de cultures, mais qui sont vachement intéressants. Ouais les athées, les vegans... ouah c’est quoi tout ça (rires). des trucs genre : « la récup, c’est quoi ce nouveau mot ! »

Qu’est-ce que vous pensez des assos et groupes de rappers qui ont appelé à voter dans les banlieues ?

Clem : Nous on y avait réfléchi parce qu’on tournait en même temps que les élections et on s’est dit que la tournée s’inscrivait pas dans cette logique-là. Leur jeu c’est pas marrant, franchement il est nul, nous on veut un jeu vachement plus marrant. Eux ils veulent nous faire bouger des pions tous les 5 ans. Nous on veut faire bouger des pions tous les jours (rires). Donc c’est un truc qui a été vachement abordé dans les débats. Nous on s’est dit que d’un coté on ne marchait pas du tout dans cette logique-là et que d’un autre coté on profitait de ce moment-là et du fait que peut-être plus de gens se posent de questions sur la politique, où il y a peut-être une effervescence de débats parce que mine de rien même si c’est institutionnel et tout, pendant la période électorale, les gens se posent des questions.

Vous, vous mettiez à fond en avant cette volonté que les gens viennent sans étiquettes, en tout cas de partis politiques. Pourquoi cette volonté, pourquoi refuser les structures militantes encadrées par des partis politiques ?

Keny : Nous déjà, on est anti-institutionnels et horizontal. je vais pas t’expliquer pourquoi, tu sais déjà : on peut pas amener de changements à travers les institutions, elles sont rigides et au service d’intérêts mondiaux et il n’y a rien qui peut changer par là. Pour nous les partis et les syndicats, ça reste super cadré par ceux que l’on combat. En plus c’était la période pré-élections. De mon coté, j’avais pas mal de gens qui me courtisaient pour que j’aille chanter à leurs meetings ou que je leur donne un morceau comme hymne de leur truc. Surtout nous on veut pas se faire récupérer, on essaie de construire avec le peuple, pour le peuple et par le peuple et donc sans tout ce qui est parti politique et tout ça. Mais même si ça avait pas été les élections, on reste super réfractaires par rapport à tout ça. On aimerait vraiment que l’on puisse construire par nous-même, qu’un jour dans nos quartiers les gens ils arrivent à se rendre compte que c’est nous les compétences du système et qu’au lieu de crever dans nos quartiers, on peut construire, qu’au lieu d’attendre dix ans que la mairie répare l’ascenceur, on peut (le) réparer, repeindre les bâtiments de la couleur qu’on veut, qu’on peut faire des activités dans nos quartiers, des repas de quartier, du soutien scolaire, que l’électricien aide le plombier qui aide le docteur qui lui va aussi soigner gratuitement quand il y a besoin. Enfin généralement essayer de faire un échange de services, un échange de compétences. Et il faut amener une prise de conscience là-dessus dans nos quartiers qui sont des zones recluses, recroquevillées sur elle-même et où paradoxalement ce serait possible de commencer à construire ce type de rapport, peut-être même plus qu’en plein centre-ville. Mais pour ça il s’agit aussi de faire des ponts, parce que sur ces idées d’autogestion, y a des méthodes que des militants ont parce que cela fait des années qu’ils pratiquent ça, qu’ils réfléchissent et que dans les quartiers c’est plus la « mala trippa », mais avec aussi des envies de bouger et de faire changer les choses. Et je crois que les deux sont super compatibles et complémentaires.

Clem : Pour nous il s’agissait vraiment de pouvoir aborder toutes les questions d’autonomie, d’autogestion et quand je parlais des différentes expériences qui avaient été vécues c’était aussi ça. Nous notre vision politique c’est un peu que le système il est pyramidal et que si la base elle se retire et qu’elle s’autogère un maximum et ben ça tombe. Matériellement, pragmatiquement c’est super compliqué, mais l’idée c’est d’essayer de développer comme ça, sans rêver que tout le monde va arrêter de travailler direct. Il s’agit d’essayer en tout cas d’engranger un maximum de compétences, de réseaux de compétences à échanger, et qui ferait tout simplement que l’on aurait de moins en moins besoin d’eux... Pour être plus libre, avoir plus de temps pour soi et pas pour des patrons, être moins dans un rapport d’argent, recréer du lien social, enfin tous ces trucs-là. Nous on est partis sur des trucs tout cons, essayer de revaloriser le gratuit, de donner du temps à sa communauté...
Après, la communauté, c’est un terme qui englobe pleins de choses ça peut être un quartier, ça peut être un village, suivant ton environnement géographique parce que déjà si tu es dans une ville ou dans une campagne c’est pas du tout pareil. En tout cas il y a toujours des foyers de gens possibles, des regroupements en communautés possibles, pas du tout en communautarisme, hein ça n’a rien à voir. Le capitalisme il est fondé sur un truc pas éthique et pas moral de toute façon puisque pour amasser des richesses tu vas forcément devoir prendre à un autre et nous on pense que le travail de fond c’est là-dessus, sur le fait d’avoir envie de voir les gens autour de soi aussi heureux que nous et que ce jour-là la logique capitaliste elle s’écroule déjà à moitié. C’est un truc que le système met à l’intérieur de nous, depuis l’enfance on nous apprend la compétition, c’est le premier truc que l’on apprend à l’école, comparer les gens entre eux « regarde lui il fait mieux ça que toi ». On peut pas juste prôner une révolution sans passer par là. La quasi-totalité des contrefaçons de révolution qu’il y a eu dans le monde, elles se sont toutes foirées la gueule parce que les mecs qu’ont fait cette révolution-là ils ont retourné leur veste parce qu’ils ont pris goût au pouvoir et à la richesse. Donc on peut pas négliger l’aspect humain de la chose, et d’après nous ce serait une grosse erreur de penser qu’il y a un juste un rapport politique « extérieur » de pouvoir et tout. Le pouvoir et la domination, ils sont à l’intérieur de nous, même entre potes on les a et donc si on fait pas ce travail-là collectivement, c’est impossible, ça changera pas. L’autonomie, la responsabilité, c’est des points cruciaux. parce qu’on est totalement déresponsabilisés. Par rapport à la politique, on va te dire « holala, il y a des mecs qui ont fait 5 ans d’études dans une putain d’école de bourgeois, ils se connaissent tous et tout mais t’inquiète ils vont bien régler les problèmes pour toi parce qu’il savent le faire et de toute façon, c’est pas que t’es un peu bête mais même si t’essaies de lire les bouquins tu comprendras pas et c’est trop compliqué alors surtout t’en occupe pas ! » C’est de la déresponsabilisation, tout le temps comme ça dans tous les domaines de la vie.

Vous disiez que les formes d’engagement, d’intervention dans les quartiers sont pas les même. Estce que vous pourriez donner des exemples de formes d’interventions politiques dans les quartiers que vous avez connus à travers les forums et qui vous ont marqués ?

Clem : La majorité des trucs que l’on a vu dans les quartiers, ça va être des associations. Alors après il y a des trucs où tu vas vachement retrouver cette idée de l’importance du local et de s’occuper de sa communauté. Moi je me souviens d’un mec au CICP, d’un jeune d’Argenteuil qui était venu nous parler de son assos et qui disait « voilà, dès fois je me rends compte que je lis Le Parisien, je vois que des gens ont eu des problèmes et c’est mes voisins qui habitent le bloc d’à coté et je les connais même pas » et donc lui voilà il a monté son assos pour essaier de régler les problèmes vraiment dans sa cité quoi, et de faire ça de manière autonome. Cela reste sous la forme association tout ça mais il traite vraiment les problèmes de fond de chez lui. Ils ont fait un gros travail sur les familles monoparentales, pour aider les meufs qui sont toutes seules avec leur gamin, pour faire les démarches, pour aider les gens dans des démarches qui leur facilitent la vie et forcément par là recréer des liens entre les jeunes, les vieux, tout le monde, faire des activités de quartier.
Il y avait aussi une autre assos avec qui on a fait un forum a Stains dans le 93. C’est des jeunes qui ont monté une assos qui s’appelle Génération Palestine. Ils font des échanges et s’organisent pour que des gens puissent aller en Palestine. Parce qu’il faut savoir que c’est compliqué, c’est pas n’importe quel pays du monde où tu vas, tu prends un billet d’avion et tu arrives. Non il ya plein de stratagèmes, il faut feinter tous les contrôles, ne pas prononcer le mot Palestine ou Cisjordanie quand tu arrives en Israël sinon tu repars direct. Ils font des stratégies pour partir en mettant en homme et une femme ensemble. Ils font des stages pour mettre les gens en situation genre « qu’est-ce que tu fais quand tu arrives face à un checkpoint », « qu’est-ce que tu fais si tu te retrouves face à un soldat israelien qui défonce un papa palestinien ». Comment réagir parce que c’est encore une autre réalité qui n’a rien à voir avec ce que l’on connait et qui est vachement plus hardcore. Alors eux ils emmènent des jeunes là-bas et un jeune il peut pas revenir avec la même mentalité quand il est parti un mois en Palestine et qu’il a bossé un mois dans un camp de réfugié avec les enfants. Ce que l’on a kiffé chez eux c’est qu’ils se sont spécialisés sur la Palestine qui est un des exemples les plus concrets du néo-colonialisme qui est encore largement répandu sur terre, mais qu’ils ont aussi vraiment une vision globale de la lutte. Nous on est dans une perspective de lutte globale qui passe par le local et eux ont vraiment ce truc-là aussi.
Après il y a le MIB. Ils ont fort lutté pour ne pas se faire récupérer. Nous on les connaissait pas et on croyait que c’était un peu les potes à SOS Racisme. Le MIB c’est un mouvement né genre dans le début des années 80 qui a été créé par des types de quartiers : Noredine nous a fait un super témoignage à Stains, des gens qui ont grandi à l’époque où c’était encore les bidonvilles, qui ont déjà lutté à l’époque pour que leurs parents soit relogés dans des trucs décents ce qui a abouti aux cité HLM. Depuis vingt ans ils luttent contre les violences policères parce qu’ils les vivaient au quotidien tout simplement, parce qu’ils avaient des potes qui mouraient dans des commisssariats, parce qu’il voyaient le racisme tous les jours et qu’ils ont vu des espèce de grosse machines comme SOS Racisme venir récupérer par exemple la Marche pour l’égalité des chances. À la base c’était une marche contre les violences policères et le racisme où SOS Racisme est venu faire ce qu’a fait Ni putes ni soumises il n’y a pas longtemps, c’est-à-dire bien aseptiser une lutte pour enlever tout ce qu’il y a de rageur dans l’histoire et surtout tout le contre-pouvoir qui pourrait se former. Eux ont lutté, leurs locaux c’est un squat, pourtant on leur a proposé des thunes et subventions et ils ont refusé. Enfin peut-être que ça leur est arrivé dès fois, je sais pas non plus dans le détail. Mais en tout cas il me semble que dans la plupart des cas ils ont toujours refusé d’être affilié à qui que ce soit, à aucun parti et tout.
On a aussi croisé ce type Brahim, spéciale dédicace, qui a pris 5 mois juste pour avoir couvert son pote. C’est magnifique (rire jaune), un type que l’on a croisé et qui a fait deux de nos forums. Lui il allait voir les assos dans plein de cités pour monter un espèce de réseau d’associations de banlieues de l’Ile de France. Il part du principe qui s’il y a un problème, toutes les assos devraient bouger : que ce soit pour les sans-papiers, l’histoire de Cachan, quand il ya une bavure Lui il fait un travail très appréciable. Enfin il fait... là il a été un peu ralenti parce qu’il a été jugé, pourquoi ? parce que son pote était en train de se faire défoncer par les keufs. Il s’est mis sur son pote pour prendre les coups à sa place parce qu’il s’est dit « ils vont le tuer ». Il a paniqué. Il a même pas touché les flics hein. Il aurait pu y aller à la bourrine pour défendre son pote et tout mais même pas. Il a été jugé pour entrave et s’est pris 5 mois ferme.

Keny : Ben malheureusement il n’y a pas tant de luttes organisées dans les quartiers à l’heure actuelle. Le peu qui ont l’impression de lutter ça va être souvent des assos sur-subventionnées qui finalement travaillent avec la mairie. Il y a un manque de culture politique et c’est pas en ravaillant avec la Mairie que tu vas changer quoi que ce soit. Après dans les faits tu as l’impression que tu vas avoir un peu d’argent et que tu vas pouvoir acheter un studio ou faire des activités, le centre aéré, faire un voyage au ski. Alors ouais tout ça c’est bien, c’est cool. Mais le fond des choses c’est pas comme ça que l’on va le changer. Parce que les mairies elles endorment avec des subventions, des petits voyages, des petits trucs, pour calmer tous les nerfs et la colère qu’il peut y avoir dans les quartiers. Mais il manque une réelle prise de conscience à la racine du problème : on changera pas les choses avec les institutions, avec leurs subventions et avec la mairie. Avançons ensemble mais ne comptons que sur nous. Après il y a aussi un tas de réactions spontanées de révolte comme il y a pu avoir pour les émeutes ou après il rentre là-dedans aussi tout un truc de rivalité typique des quartiers. Ca crame d’abord à un endroit et après à la télé il y a de plus en plus de villes où ça pète. Moi je sais comment ça résonne « t’as vu là, ça a pété 4 bagnoles, ben nous on va en péter 5 plus un bus comme ça nous aussi on passe à la télé ». « On va faire » c’est qui le plus ouf, c’est qui le quartier le plus ouf. Mais si demain, je te sors un exemple : un quartier arrive à s’autogérer de A à Z : ha ouais eux ils arrivent à s’autogérer jusque-là, jusqu’à leur bouffe, jusqu’à leur électricité, ben nous on va faire çi, on va faire ça, il se peut qu’il se passe le même truc. Ca peut être positif aussi dans cet d’esprit, ce côté de rivalité de quartier. Enfin c’est pas rivalité/rivalité, mais ce côté « on peut faire mieux que vous tu vois », parce qu’en vrai il y a un peu un coté comme ça. Mais sinon les émeutes c’était pas quelque chose de réfléchi, c’était un gros boum « maintenant on en a ras le cul, maintenant on va tout cramer ». C’est là où aussi il y a une différence entre la révolte et la révolution. C’est : « Ok t’as ta révolte, maintenant poses toi des questions, ta révolte c’est un putain de moteur, un putain de truc, tu vois. Mais si t’as pas un minimum de connaissances, de travail derrière, tu peux pas passer à l’étape supérieure, pas juste cramer pour cramer mais construire aussi ». Nous on part du principe que le système tu le niques pas juste quand tu essaies de le détruire mais aussi quand tu essaies de construire sans lui. Venez on les nique bien comme il faut, ce qui veut dire aussi qu’on essaie de construire sans eux, sans leur mairie, sans leurs partis, sans leurs syndicats, sans leurs assos sur-subventionnées, et cette prise de conscience elle manque encore dans les quartiers.

Sur les forums, j’avais l’impression que c’était hyper important pour vous qu’il y ait des gens venus de luttes d’autres pays qui participent, est-ce que tu peux parler d’autres luttes qui vous ont influencé et comment vous les voyez en lien avec ce qui se passe ici ?

Clem : Penant la tournée on fait venir Arturo du Mexique que Keny avait rencontré lors d’une intergalactique au Chipas. En ce moment, tout le monde a les yeux un peu rivés sur l’Amérique du Sud, parce que, que ce soit le mouvement zapatiste au Mexique, que ce soit le mouvement qu’il y a eu en Argentine, après la crise de récupération des usines, des piqueteros et tout ça, que ce soit des voies plus institutionnelles avec Chavez, bon après je connais pas trop Chavez et j’ai tendance à me méfier des institutions mais pourquoi pas. En tout cas ces luttes en Amérique Latine, c’est des trucs dans lesquels on se retrouve vachement. En ce qui concerne les modes d’organisation, pour tous les mouvements dont je viens de parler, il y a cette idée d’assemblée populaire qui est vachement présente. Après, chaque localité a ses spécificités et que l’on peut pas prendre le cas des zapatistes et l’appliquer comme eux partout. Souvent, eux ils sont partis de situation désespérées, d’enjeux de vie ou de mort et de confrontation directe. Nous c’est un peu différent au sens ou ça se durcit mais de manière plus aseptisée et en voulant nous faire croire que tout va bien quand même. La population est pas du tout dans le même état d’esprit quand elle subit une répression quotidienne et sans pitié que par exemple en France où ça reste vachement ciblé sur les jeunes et les pauvres et avec tout un travail médiatique pour que ça s’ébruite pas.

Le rapport musique/militantisme. La musique semble importante pour vous et votre engagement passe pas mal par ce biais-là. Toi des fois, tu te dis plus militante que rappeuse mais que les deux sont liés. Est-ce qu’il y a encore un rap militant pour toi en France et porté par qui ? Votre démarche d’aller faire des forums en tant que personne qui font du rap, est-ce que ça semble extra-terrestre ou pas ?

Keny : Ouais, je pense que c’est quand même un peu extra-terrestre. Après, je sais que dans les squats et les milieux militants il y a des rappers mais qui sont vraiment dans cette case « militant et squat » tu vois. Mais moi je viens du rap de rue et dans ce milieu de rappers de rue, ouais je suis un peu extra-terrestre. Je crois qu’il y en a qui me regardent un peu bizarre d’ailleurs qui se disent « elle est complétement ouf elle ». Mais maintenant, ouais tu vois la tête qu’il a le rap aujourd’hui : pro-matérialiste, pro-capitaliste. On a jamais vu une culture se prostituer autant au capitalisme que le rap. Je dirai pas le hip-hop mais au moins le rap. j’avoue que les Fifty Cents et compagnie nous ont pas trop rendu service. Après je me dis que chaque extrême appelle son contraire et que là il y a toute la vague rap super-spectacle blingbling, supermatérialiste, sexiste et tout ce que tu veux mais qui va forcément appeller une réaction dans l’autre sens aussi, une vague contestataire. Moi je vois dans l’underground des petits groupes qui commencent à être militants, pareil à vouloir faire des forums, à s’intéresser au zapatisme. et puis ouais ça va avec l’air du temps aussi, avec l’époque, où tu te dis : « wesh quel genre de rappers qui se voilent la face comme ça ? Quel genre de rappers qu’engrainent les petits frères alors qu’eux ils ont jamais mis un pied dans la rue tellement c’est des mythos quoi ? Si y connaissaient un gramme de la rue, jamais ils en parleraient de cette manière-là. Ca y est ils font deux jours de garde-à-vue, ils vont raconter dans leurs morceaux qu’ils ont fait dix ans de prison ».
Et après ça, y’a quand même une conscience et tous les jeunes de quartier sont pas dans la Fifty Cents attitude, aussi parce que ce qui les tient justement, c’est la spiritualité qui fait qu’ils disent « ça c’est pas bien ». Et finalement ce qui peut tenir en dehors de ça pas mal de mes frères et mes soeurs de quartiers c’est souvent justement ce coté spirit ou religieux. Y’a pas que le coté religieux religieux hein, y’a pas mal de musulmans mais des rastas aussi et pour beaucoup c’est aussi plus le côté philosophie de vie. Et puis il y a la culture hiphop avec les vrais principes de base aussi. Y’a plein de philosophie comme ça, tu vois un peu spirituelle mine de rien, mais qui fait aussi que heureusement quand on essaie de tirer mes frères vers le bas et que les frères qui s’en sortent continuent de tirer les frères vers le bas et bah ça les tient. C’est con mais c’est vrai. Tu vois quelqu’un qui est dans la religion ou la spiritualité, ben il va trouver la richesse dans la simplicité et quand il va voir les Fifty Cents arriver avec leur truc ben il va se dire, ben non ça c’est pas bien, ça c’est sheitan. Je stigmatise un peu mais c’est un peu ça.
Et après il y a quand même pas mal de rap, je vais pas dire militant mais conscient. Moi je me suis pas trop mélangée non plus parce que j’ai pas eu envie de passer à la sphère où à partir du moment où tu sors un album, puis deux albums que ton clip il passe à la télé, ta musique à la radio, d’un coup tu peux cotoyer d’autres gens que eux aussi ils font des trucs un peu comme ça et que tout à un coup tu te retrouves dans une bulle où le confort il arrive et où tu commences à te dire : « oh ben finalement le système il est cool quand on est de ce coté-là, pourquoi je me battrais ». Et moi ma rage, je l’ai trop viscérale pour ça, et je mettrais même pas un pied même pas un orteil chez eux. Moi je reste bien en bas, tu vois. Si ma musique elle passe dans leurs canaux, ben c’est bien pour eux mais c’est moi qui les utilise et pas eux qui m’utilisent. Et je me méfie vachement parce que ça va trop vite aujourd’hui. Tu vois, combien de gens avant moi sont arrivés à fond, super contestataire, le poing levé et ils se sont fait broyés, vite fait. Moi j’ai pas la prétention de dire « non moi tranquille », donc je préfère ne pas changer de monde en fait. Je fais de la musique, je suis dans la lutte, comme y’en a ils sont maçons, ils sont dans la lutte, comme y’a des gens qui font pleins d’autres trucs et sont dans la lutte. Et je me sers de la musique pour faire passer le message de la lutte aussi. Mais j’essaie de bien voir où est ma place et où je mets ma priorité parce que t’inquiète pas, le système il est bien fait pour que l’artiste qui commence à percer et ben il soit dans un minimum de confort pour que finalement il soit détaché de la base. J’ai vu le mécanisme de loin et je me suis dit jamais. Bon après faut jamais dire jamais, mais bon j’ai aussi un entourage qui fait que t’inquiètes, je crois que si je me mange, je me prendrai des tartes. Moi tu vois d’un autre coté, je me la suis posée longtemps cette question avant. Moi à la base j’étais très radicale, mon manager il s’arrachait les cheveux, il avait envie de se tirer des balles. Moi à la base, c’était « même pas on presse un CD », je voulais partir en camion, faire des concerts à la roots partout, vendre des cds gravés à deux euros de la main à la main. Enfin tu vois, moi y’avait pas moyen, j’étais super extrême. Après j’ai réfléchi au fait que ce soit un outil qui peut me permettre de toucher un maximum de gens et les réveiller un peu à la manière que la plupart de la musique elle les endort. A ce moment-là pourquoi pas ? Je l’ai pas fait dans un intérêt personnel, mais comme un moyen de réveiller les frères.
Quand je vois le rap, la force qu’il peut avoir chez les plus jeunes, je me demande pourquoi je laisserais que des Fifty Cents emboucaner les petits frères et les petites soeurs, s’il y a moyen de leurs transmettre autre chose. Maintenant on a pas trop le temps de faire des chichis de bourgeois, faut se bouger. Et c’est pour ça que je me suis dit qu’il fallait moi aussi que j’arrête de psychoter en permanence sur des détails. Moi tant que je reste intègre, je me suis dit qu’il fallait aussi que j’arrête de faire ma bourgeoise : « là pour la lutte on a plus le temps ». Le plus dur tu vois aujourd’hui, c’est de sensibiliser les gens. Parce que rester entre convaincus c’est cool, on peut faire plein de trucs entre convaincus, mais c’est très facile de nous détruire.

Est-ce que vous pouvez parler de la continuité des forums après ces trois mois ?

Clem : Nous on a voulu lancer le truc que des gens puissent prendre l’habitude de se rencontrer. Aussi le fait de pouvoir se réunir dehors sans demander aucune autorisation particulière parce que ça c’est pareil, on insiste là-dessus, on a le droit de le faire et je vois pas pourquoi on irait demander à une mairie l’autorisation de se rassembler. Nous c’est un des premiers trucs qui s’est posé à Marseille quand on a commencé à faire des assemblées populaires, c’est que normalement quand tu veux faire une réunion dehors tu es censé demander une autorisation à la mairie quelle que soit la manifestation, qu’elle soit ambulante ou pas. Si tu veux obéir à la loi il faut demander une autorisation. Après nous on part du principe que si on se réunit sur une place et que les voisins sont invités ou qu’on les dérange pas, les rues nous appartienent et qu’il y a pas de raison qu’on leur demande. C’est pas le maire qu’est propriétaire de toutes les rues d’une ville, normalement c’est le peuple. La première des réappropriations c’est la parole, je pense que la deuxième c’est de se réapproprier la rue et c’est vachement important parce que l’on y va plus dans la rue. On reste chez soi et on regarde la télé et on te dit tellement que c’est dangereux la rue que mieux vaut mettre des cadenas à double-tour « des caméras pour nos villas ! » (rire en référence aux slogans de certaines fausses « manifs de droite »).
Nous ce que l’on va essayer de faire mais ça dépendra des forces vives du collectif, c’est que dans les villes où on sent qu’il y a un mouvement possible, on essaie d’aider à monter des structures autonomes qui vont continuer de se réunir. Alors nous on garde le même nom Appel aux sans voix mais il y a des endroits où des assemblées populaires ont germé, certaines qui n’on rien à voir avec nous comme à Nantes et qui sont dans la même logique. Moi-même c’est ce que les gens sont venus nous dire qui m’a fait rendre compte de l’importance de la démarche. On l’a fait à la vibe sans trop penser le truc dans les détails et on s’est rendu compte que les gens kiffaient grave de se retrouver dans un espace de parole horizontal sans un mec qui fait une conférence et les autres qu’écoutent, on va laisser le débat se dérouler même si doit y avoir des prises de tête entre des gens... Y’a un paquet de gens qui sont venus nous dire « je me sentais chez moi » et c’est un peu ce qu’on voulait faire « genre on est comme à la maison, on se cause mais avec plein de gens que l’on ne connait pas », on laisse un peu son ego de coté, nos histoires à deux balles, nos « ha ouais t’as une casquette, toi t’as une crête, on va pas se parler ». On a vu des gens se parler genre c’était clair qu’ils se seraient pas rencontrés ailleurs, genre des rastas avec des daronnes tout ça et ça c’est kiffant.



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