Sale temps pour les capitalistes : Rabasse.info rejoint le réseau Mutu pour relayer les luttes de Franche-Comté !

La fRance d’après promet d’être agitée...



Dimanche 6 mai, Dijon. Il fait beau, et je prends un malin plaisir à me promener et aller rendre visite à quelques amis, tandis que les citoyen-ne-s grouillent autour des bureaux de vote. Combien sont-illes, parmi la foule qui se presse dans les urnes à en faire péter les statistiques, ceux et celles qui croient ainsi « faire barrage à la droite extrême » ?

Sarkozy va gagner, tout le monde le sait au fond ; il est l’homme politique parfait, celui dont le moindre geste est soumis à une étude de marché, pour répondre aux attentes d’une « opinion publique » que ses amis patrons de presse travaillent quotidiennement à produire. Et face à lui, la gauche la plus mauvaise du monde — entendons-nous bien, je ne le regrette pas. Alors nos voix, à nous qui trouvons moyennement judicieux d’aller désigner les pantins qui sont censés décider pour nous, elles ne changeront pas la donne.

20h15. Alors que je marche en direction du centre ville, je me rends compte que ça y est, les résultats sont tombés. Par curiosité, je cherche les signes extérieurs qui permettraient de confirmer la victoire du teigneux de Neuilly, mais il faut bien dire que dans les rues des quartiers résidentiels que je traverse, il ne se passe pas grand chose. Le premier indice, c’est la voiture de flic à l’angle de la rue du Petit Potet, et la confirmation immédiate, c’est la liesse au local de l’UMP Alors maintenant, tout·e·s celleux qui clamaient qu’on devait battre Sarkozy le 6 mai, est-ce qu’on les retrouvera prêt-es à l’affronter, lui et sa police et son monde, dans les jours, les mois et les années qui suivent ? Pour l’instant, je décide de rester un moment au centre ville, pour sentir l’ambiance. Ambiance bizarre, avec des caisses de bourges qui circulent drapeaux tricolores aux fenêtres. Je croise un ami, qui m’annonce que les MJS appellent à un rassemblement à 21h place de la Lib’. Au moins, s’il ne se passe rien d’intéressant, je pourrai toujours me réjouir des têtes déconfites des perdants de la grande finale. Un petit tour au local libertaire, où des camarades chopent quelques drapeaux, et je file au rendez-vous des jeunes socialos.

Sur place, plus de monde que je le pensais, peut-être une cinquantaine, et ça continue à arriver. La situation se tend un minimum, quand un drapeau français se fait arracher des mains d’un sarkozyste en bagnole ; petite embrouille, les flics peu présents bougent un peu mais pas trop, un type commence à ramener des pavés de je-ne-sais-où, on est bien 250 à ce moment-là, bordel, mais pourquoi je suis venu comme un con tout seul et les mains dans les poches alors que la soirée promet d’être animée ? Mais des camarades ont été prévenu·e·s, et ils·elles se ramènent avec un peu de matos, banderole et bombe de peinture, et je peux récupérer un sweat à capuche et une écharpe, peu désireux de retrouver ma gueule dans le BP ou les fiches des RG.

La banderole « Rage Sociale » se place sur la chaussée, un cortège suit. Un gestionnaire des MJS veut absolument nous balader vers la pref’, mais on décide plutôt d’aller faire un tour au local de l’UMP. « Face au déroulement du mouvement, le Comité de campagne jeunes pour Ségolène Royal a quitté le cortège place du Théâtre et se désengage de tous les actes violents qui ont pu être menés par la suite », c’est le communiqué des jeunes soc’ qui le dit... Devant l’UMP les quelques condés présents (une douzaine) ont monté une barricade avec une barrière de chantier pour nous stopper. On s’arrête devant, lançant quelques amabilités aux sarkozystes (tous des gueules de bourges, polo rose et cheveux mi-longs pour les jeunes, costards et tailleurs pour les autres) et aux flics. Quelques tags, « insultants ou appelant au soulèvement contre la police » comme dit le BP : « face aux violences policières, autodéfense populaire », « chassons la racaille policière », « quand les urnes mènent à l’impasse, reste l’insoumission ». Un énervé pète la vitre d’une cabine téléphonique. On fait le tour du pâté de maison, pour voir si par hasard les flics nous laisseront passer par l’autre bout de la rue, mais évidemment c’est la même. Un type sort d’un immeuble avec un trombone à coulisse et joue l’Internationale, sans qu’on sache bien si c’est vraiment du soutien ou si c’est juste pour délirer.

La longue attente devant la rangée de boucliers est une occasion de discuter avec une bande de lascars bien motivés pour en découdre, (y en a même un avec un casque de moto sur la tête), et qui étaient dégoûtés que personne ne soit allé foutre le bordel au meeting de Sarkozy le lundi précédent. Finalement, quelques bouteilles partent, malgré les éternels pacifistes qui sont deux ou trois à courir dans tous les sens pour empêcher les jets de projectiles. Les flics sont relativement longs à la détente, mais finissent par charger « gentiment » (quelques coups de matraques, mais la personne qui s’est fait arrêter est presque immédiatement relâchée). Pas grand chose dans la rue pour faire une barricade, alors les arbustes et leurs bacs y passent, tandis que des jeunes communistes dialectisent sur l’intérêt politique de la casse (« toi, je te revois casser un truc, je te fous mon poing dans la gueule ! », « ouais ben si tu fais ça je vais le dire à mon père et y viendra te choper »). Première, deuxième, troisième sommation, nous sommes tous et toutes lacrymogénisés. Repli stratégique dans la rue de la Charrue, et là bizarrement les flics nous laissent tranquilles, ils ne doivent pas être en nombre suffisant pour intervenir. Quelqu’un pète la vitrine de la boutique Hugo Boss avec un djembé ! (je ne verrai plus les wawash de la même façon désormais !), puis c’est la Société Générale à l’angle de la rue Berb’ qui voit sa vitrine étoilée. Après, estimant avec les camarades que c’est un peu le bordel, que tout le monde est désorganisé et que les flics vont quand même bien finir par arriver en nombre, on se casse, espérant que l’agitation va prendre partout en France et durer...

Par la suite, on a appris que 11 personnes avaient été arrêtées en centre-ville, notamment pour la dégradation du McDonald, et deux à Quetigny, qui ont été placés en préventive (pas de nouvelles d’un éventuel procès). La défense juridique s’est organisée par la suite tant bien que mal, puisqu’il a été assez difficile de connaître l’identité des inculpé-es. Pour un d’entre eux·elles, grâce notamment aux témoignages recueillis par la legal team improvisée, cela s’est soldé par une amende de 500 avec sursis. Même aujourd’hui, des témoignages peuvent être utiles, puisqu’on n’est pas sûr que tout le monde ait déjà été jugé, contactez la legal team si vous avez des infos.

Dans le reste de la France aussi ça a pété, à commencer par les banlieues de Dijon, où selon la presse, on a retrouvé des cock’ prêts à l’emploi... Le journal Cette Semaine fait un recensement national des évènements que vous pouvez consulter sur leur site. Quelques chiffres tout de même pour le dimanche 6 mai : 730 voitures incendiées, 78 policiers et gendarmes blessés et 592 manifestants interpellés.

La presse mainstream hésite entre occultation, minimisation ou sensationnalisme, en faisant usage de son nouveau joujou-produit d’appel : les anarcho-autonomes. Localement, ça donne un article putassier dans un journal qui ne l’est pas moins, qui cherche à attribuer tout le « mérite » des évènements aux Tanneries (ce qui a donné lieu à un intéressant droit de réponse).

Le début de mouvement qui commençait à prendre était plutôt prometteur : d’abord, il rassemblait contre la personne de Sarkozy tous les mécontentements et luttes qui d’habitude restent séparés : monde du travail, étudiant·e·s, jeunes des quartiers populaires, sans oublier les fameux « anarcho-autonomes ». Il était aussi placé d’emblée sur le terrain de la critique radicale des institutions, c’était une réappropriation du politique hors et contre le petit jeu démocratique : on ne reconnaît plus la légitimité de la majorité, et on ne proteste plus dans les formes acceptables (pétitions, élections, manifs plan-plan). En bref, par son côté offensif dans la rue et par l’absence de revendications « raisonnables », ce mouvement était irrécupérable (toute la gauche institutionnelle a désaprouvé, tant mieux), et a laissé planer pendant quelques jours un parfum d’insurrection.

Malheureusement, tout est vite retombé. À Dijon, il y avait quand même encore 300 personnes à la manif du 16 mai, mais pas la même énergie. Il y a eu la répression bien sûr, encore plus intense que lors du mouvement dit anti-CPE ; il y a eu aussi la difficulté à s’organiser en dehors des manifs sauvages (comme ça a été tenté à Nantes avec les agora ou à la fac de Tolbiac) ; et surtout, il y a eu l’hésitation à s’y impliquer, à y croire, par peur de ce que ça pourrait vouloir dire, de réellement faire démissionner Sarkozy.

Quoi qu’il en soit, ç’a été une chouette expérience, et on sera un peu plus fort la prochaine fois...



Proposer un complément d'info

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document