Coup d’état
Le 20 octobre dernier, Evo Morales remporte le élections générales de l’état plurinational de Bolivie dans un contexte très tendu. L’armée et la droite boliviennes menacent Morales. Elles créent une instabilité politique, appuyées par une contestation de rue, l’accusent de fraude électorale et obtiennent son exil au Mexique puis en Argentine. C’est le troisième coup d’état libéral mené ces dernières années en amérique du sud après le Brésil (2016) et le Vénézuela (2019). Les erreurs du gouvernement de Morales et la déviation de ses principes idélogiques ont offert un terrain propice au coup que préparaient ses adversaires depuis 2016. En juin 2020, le rapport d’enquête sur les élections prouve qu’il n’y a pas eu de fraude, trop tard, les événements ont pris une autre tournure. Après une mutinerie de la police, Jeanine Áñez, représentante de la droite radicale, prend le pouvoir le 10 novembre. Elle prête serment sur la bible alors que le pays est laïcisé depuis 2009 et recompose le gouvernement en excluant les indigènes. Jeanine Áñez soutient Juan Guaido, putschiste vénézuélien, rétablit les relations avec Israël, rompt les relations avec le Venezuela et Cuba et expulse la coopération médicale cubaine. Les États-Unis se félicitent de sa prise de fonction. La Russie la qualifie de coup d’État mais lui offre sa reconnaissance.
Géopolitique du Lithium
Elon Musk, fondateur de la société Tesla, le plus grand fabricant de voitures électriques au monde, a besoin d’une quantité considérable de lithium pour produire les batteries de ses voitures. Près de 85% des réserves mondiales de lithium, le nouvel or blanc, sont situées dans un triangle entre Argentine, Bolivie et Chili. La plus grande réserve de lithium en saumure se trouve au Salar de Uyuni dans le Potosi, au sud de la Bolivie. Sa demande explose, utilisé pour fabriquer téléphones portables, montres électroniques, smartphones, ordinateurs portables, appareils photos, caméras, batteries, verre, avions, bateaux, médicaments, voitures électriques, panneaux solaires ...
Evo Morales déclare dans son exil que le principal motif du coup d’état est le fait que les États-Unis soient exclus du projet national d’industrialisation du lithium. Le 25 juillet dernier, Elon Musk, confirme ces propos dans un tweet provocateur. La veille, quelqu’un l’interpellait au sujet de son commentaire sur le plan de relance de Trump : "You know what wasnt in the best interest of people ? the U.S. government organizing a coup against Evo Morales in Bolivia so you could obtain the lithium there." [1] Elon Musk répond : "We will coup whoever we want ! Deal with it." [2]. Voilà qui est clair. Il a depuis retiré son tweet et l’a remplacé par un discret : "Also, we get our lithium from Australia." [3]. Entre-temps Evo Morales a le temps de lire le tweet et de répondre : "@elonmusk, dueño de la fábrica más grande de autos eléctricos, dice sobre el golpe de Estado en #Bolivia : “Nosotros golpearemos a quien queramos”. Otra prueba más de que el golpe fue por el litio boliviano ; y dos masacres como saldo. ¡Defenderemos siempre nuestros recursos !" [4].
Il se trouve que le 1er octobre 2019, Evo Morales présentait comme un événement historique la fabrication du premier véhicule électrique fabriqué en Bolivie par Quantum avec des batteries au lithium provenant du Salar de Uyuni. Deux jours après il promet d’installer à Potosi une fabrique de batteries au lithium qui alimentera les voitures boliviennes de Quantum. Elon Musk a-t-il pris comme un affront cette nationalisation de l’industrie du lithium ? Il semble ne reculer devant aucun obstacle pour produire ses voitures. Et il a l’art de s’associer avec les plus belles crapules de l’époque. En effet, Bolsonaro révèle qu’il s’est arrangé avec Elon Musk pour implanter une usine Tesla au Brésil. Le 19 février 2020, Samuel Doria Medina, binôme de Jeanine Áñez, déclare sur twitter son intention de remettre le lithium bolivien à Elon Musk. Il propose de faire un projet Brésil-Bolivie pour alimenter les batteries des voitures Tesla produites au Brésil avec le lithium bolivien d’Uyuni.
Soulèvements
Dès le 13 novembre, des barrages routiers et de grandes marches sont organisés contre le nouveau gouvernement autoproclamé. Les ayllus [5] font preuve de retenue dans une démonstration de force impressionante mais pacifique. La nouvelle présidente réagit violemment et prend un décret le 15 novembre pour couvrir les massacres policiers et envoyer l’armée réprimer les manifestations. Après de grandes marches sur La Paz, les manifestants acceptent le 25 novembre de mettre fin à leur mouvement contre le retrait des forces de l’ordre. Les manifestations reprennent en janvier et 70.000 militaires sont à nouveau déployés. Les mois qui suivent sont agités et le gouvernement de transition continue son œuvre destructrice. Les bloqueos (blocages) et les cabildos [6] se multiplient, leurs images circulent entre les différents groupes de terrain. Il semble que la chute d’Evo Morales laisse reparaître les dynamiques communautaires dans le mouvement paysan et ouvrier qui réaffirme des résolutions d’auto-organisation. Ce n’est pas Evo Morales qui est défendu mais la wiphala [7] qui représente l’état plurinational et que la droite radicale et la police décrochent des bâtiments publics et brûlent. L’enjeu est la démission de la présidente autoproclamée et l’unité du peuple indigène en vue de nouvelles élections.
En attendant, Jeanine Áñez est encore au pouvoir. Le MAS [8] toujours confortablement installé en première place des sondages. Les élections qui devaient se tenir en février ont été reportées en mai, puis au 6 septembre. Le 23 juillet, le gouvernement autoproclamé repousse de nouveau les élections au 18 octobre. Cela déclenche la fureur des Boliviens qui lancent un ultimatum de 72 heures au Tribunal suprême électoral pour qu’il abandonne l’ajournement des élections. Ils menacent de bloquer les routes et appellent à la grève générale illimitée à partir du 3 août. Le 28 juillet des centaines de milliers de personnes descendent dans la rue et enchaînent depuis blocages routiers et manifestations massives. Leur mot d’ordre : 6 septembre. Rien n’est encore joué.
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