Du mercredi 27 février au vendredi 1er mars, le groupe fasciste « Génération Identitaire » a annoncé sa présence à Dijon pour une « Tournée d’implantation ». En cette période difficile pour les groupuscules fascistes, après leurs multiples expulsions des cortèges de gilets jaunes [1] [2], les procès pour violence [3] [4] [5], les dissolutions [6] et les fermetures de plusieurs de leurs locaux (à Lyon [7], et à Clermont-Ferrand [8]), il est important de ne pas les laisser espérer ouvrir une antenne locale à Dijon. Pour mieux les combattre, commencons par mieux les connaitre.
Rajeunir l’extrême-droite
Aux origines du mal
Comme expliqué dans cet article de La Horde, les identitaires sont issus de groupes nationalistes révolutionnaires, comme Unité Radicale, dissous après une tentative d’assassinat sur Jacques Chirac en 2002, mais aussi du MNR de Mégret. Leur ambition est alors d’avancer leurs pions dans la bataille pour la succession du Front National, qui vient d’atteindre le second tour de la présidentielle pour la première fois de son histoire, mais dont le chef, le « Vieux » Le Pen, semble en fin de course.
Pour y parvenir, ils misent sur la « dédiabolisation ». Cela passe notamment par des coups médiatiques (on y reviendra), mais surtout par un ravalement de façade complet. Les symboles de l’extrême-droite à l’ancienne, comme la croix celtique, sont ainsi abandonnés au profit du lambda spartiate, et les références antisémites sont abandonnées au profit d’une réthorique de « choc des civilisations » avec le monde arabo-musulman.
Leurs références idéologiques restent néanmoins très vagues : préférence nationale et défense des identités européennes face à "l’invasion migratoire" et au "Grand Remplacement".
FN : je t’aime, moi non plus
Presque 20 ans plus tard, qu’en est-il de leurs ambitions au sein du FN, récemment maquillé en RN ? Après avoir mué en un parti politique, le "Bloc Identitaire", en 2009, et quelques aventures électorales peu concluantes, les identitaires ont du se résoudre au constat que leur tentative de prendre la succession du FN est un échec. En juillet 2016, les identitaires abandonnent la forme-parti et les ambitions électorales, ils reprennent leur ancien nom "Les Identitaires". Leur chef Fabrice Robert annonce qu’ils cessent « toute confrontation électorale avec le Front national ». Une bonne partie de la classe politique, du FN aux Vallsistes, ont de toute façon déjà repris leur interprétation islamophobe de la laïcité.
Après des années à chercher à se démarquer, les identitaires vont donc à la gamelle au FN. Damien Rieu, porte-parole de Génération Identitaire (la section jeune des Identitaires, aujourd’hui autonome), est actuellement le collaborateur à l’Assemblé Nationale du député Gilbert Collard. Philippe Vardon, un des leaders historiques des Identitaires est maintenant Vice-Président du groupe RN de la région PACA et Membre du Bureau National du RN.
Romain Espino, autre leader de GI, s’est quant à lui affiché récemment avec Marion Maréchal Le Pen.
Les liens entre Génération Identitaire et le Génération Nation (la section jeunes du RN, successeur du FNJ) sont parfois étroits, allant du soutien pendant les campagnes électorales, à de l’aide matérielle (voir plus bas le reportage d’El Jazeera sur les Identitaires lillois).
Coups de com’ et ratonnades
Derrière la communication...
Dés leur origine, on l’a vu, les identitaires se sont démarqués d’une extrême-droite vieillissante en développant de nouvelles références visuelles. Ils ont aussi su se donner une grande visibilité médiatique grâce à une communication savamment maitrisée. Depuis les premières « soupes au cochon » en 2004, jusqu’à leur opération médiatique au col de l’Échelle, où à grand renfort d’hélicoptère et de doudoune logotypées, une centaine d’identitaires sont allés « bloquer » le passage de migrants, ils ont su jouer de l’appétance des médias pour le sensationnel.
« Apéro saucisson-pinard » pendant la mode des apéros facebook en 2010, occupation du chantier de la mosquée de Poitiers en 2012, campagne contre l’installation d’un Starbucks à Montmartre en 2013, milices en gilet jaune dans les métros lillois et parisiens en 2014, les médias se laissent systématiquement berner par des annonces d’évènements qui ne voient parfois jamais le jour, si ce n’est le temps d’une photo.
Plus récemment c’est eux qui sont à l’origine du fiasco de l’opération Defend Europe en Méditerrannée, de l’occupation des locaux de l’ONG SOS Méditerrannée à Marseille (qui leur a valu une vingtaine d’arrestations), ou de la tentative de récupération du meurtre d’un jeune Grenoblois, malgré l’opposition de sa famille.
...la haine
Derrière cette communication soignée, ce déploiement de moyens (bateau, hélicoptère), ces visuels léchés, la réalité est moins reluisante, et les vieilles habitudes de l’extrême-droite sont toujours là. Un reportage en deux partie réalisé par la chaîne Al Jazeera, qui a réussi à infiltrer un journaliste dans la Citadelle - le local lillois de GI - est là pour en témoigner.
Les propos des militants identitaires, lorsqu’ils se croient loin des caméras, laissent peu de place au doute sur leurs intentions réelles, ainsi que leur rapports avec les membres des forces de l’ordre et du RN.
Les militants antifascistes de Lutte en nord résument la situation :
« Dans ce reportage, on apprend entre autre que :
- Remi Falize, un membre de la Citadelle et proche de Aurélien Verhassel [dirigeant de la Citadelle], a planifié en détail un potentiel attentat à la voiture bélier sur le marché de Wazemmes.
- Les identitaires ont commis en direct une agression gratuite et ultra-violente contre des jeunes filles rue Solférino. La seule raison de cette agression est que les jeunes filles sont identifiées comme arabes par le groupe. L’une des jeunes filles est rouée de coups avec des gants de frappe par Remi Falize, les identitaires font aussi usage de gaz lacrymogène.
- Les identitaires, et leurs proches membres de la LOSC Army sont les auteurs de très nombreuses agressions dans la métropole (qu’ils racontent eux-même), sans même parler des nombreux saluts nazis et des références incessantes au 3e Reich qu’ils profèrent.
- Aurélien Verhassel et d’autres membres de Génération Identitaire sont employés par le Rassemblement National pour écrire les discours, en tant qu’attachés parlementaires ou encore pour assurer la sécurité du parti.
- Sébastien Chenu et Philippe Eymery, deux responsables du Rassemblement National élus au conseil régional travaillent en collaboration étroite avec les identitaires : le premier est proche de Verhassel tandis que le second emploie comme assistant un cadre de la Citadelle.
- Des policiers, y compris des commissaires, fréquentent assidûment le bar nazi.
Verhassel et ses sbires déclarent également de manière on ne peut plus claire qu’ils sont un groupe fasciste (« la forme a changé mais pas le fond »), qu’ils sont une milice au service du RN, qu’ils ont des armes, que le jour venu ils seront prêt à descendre les immigrés… » [9]
Illustrations via La Horde
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