La ZAP de Pertuis prépare son grand charivari



Dans la continuité des Soulèvemets de la Terre, la Zone À Patates, Zone à Défendre, lieu de résistance au projet d’artificialisation de 86 hectares en plaine de Durance à Pertuis.

Soutenue par de nombreuses organisations locales et nationales,la ZAP se prépare à accueillir plusieurs milliers de personnes, lors du Grand Charivari de la ZAP, revendicatif, festif et constructif les 14 et 15 mai prochain. Voici l’appel pour le week-end du 14 mai ainsi qu’une courte histoire de la ZAP de Pertuis.

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C’est quoi la ZAP ? Pourquoi un Charivari ?

Depuis 2019, plusieurs associations, collectifs, propriétaires et paysans s’organisent pour sauvegarder 86 hectares de terres habitées, cultivées ou en friches, en zone humide et inondable en bord de Durance. Des terres nivelées, irriguées (irrigation gravitaire), riches en biodiversité (présence attestée du papillon Diane, espèce protégée, et de l’Aristoloche, plante indispensable à sa reproduction).

Ces terres sont menacées de destruction par un projet d’extension de la ZAE, zone d’activités économiques. La création de la réserve foncière, déclarée d’utilité publique en 2020, est en cours, par le moyen de l’expropriation. Certaines terres et habitations ont déjà été rachetées par l’EPF, Etablissement Public Foncier PACA, chargé de constituer cette réserve foncière. Actuellement, la zone est inondable, et la prochaine étape est la modification du PPRI, Plan de Prévention des Risques Inondation, procédure qui devrait être lancée prochainement par la préfecture du Vaucluse, et qui comportera une enquête publique, et la publication d’une étude d’impact.

Nous nous opposons à ce projet par différents moyens, information et mobilisation des citoyens, recours juridiques, occupation des terres et bâtiments expropriés, mais aussi en faisant appel aux spécialistes indépendants sur les différents aspects problématiques du projet, : naturalistes, biologistes, hydrogéologues, juristes, journalistes d’investigation anti-corruption.

Nos actions ont commencé en 2019 par des manifestations et une large mobilisation à la première enquête publique. Un recours juridique est en cours contre la déclaration d’utilité publique de la création de la réserve foncière, recours porté par plusieurs associations dont Terres Vives Pertuis, la Confédération Paysanne, et France Nature Environnement. Ce recours étant non suspensif, d’autres tactiques se sont ajoutées à notre stratégie de résistance contre le projet.

En 2021, l’appel des Soulèvements de la Terre à multiplier les actions contre les projets d’artificialisation des terres a été entendu en Sud Luberon, et il a été décidé d’occuper et cultiver certaines parcelles des terres menacées, pour y planter collectivement des pommes de terre, culture historiquement réputée à Pertuis, mais en déclin. La saison 1 « Plus de Patates, Moins de Béton » s’est déroulée d’avril à août 2021, avec 4 rassemblements festifs, qui ont réuni jusqu’à 500 personnes.

Puis, voyant apparaître les premiers avis de démolition sur les maisons expropriées, l’occupation a commencé en novembre 2021, et se poursuit à ce jour. La Zone à patates est née, constituée pour l’instant de 4 maisons et 1 hectare de terres, transformés en lieu de résistance et de création autogéré, pépinière de projets alternatifs à la destruction et l’artificialisation. Des ateliers sont organisés chaque semaine, construction, permaculture, soin, chant, art, débats, ainsi que des évènements plus importants, concerts, chantiers agricoles collectifs (verger, potager), journée thématiques (transhumance des ânes, construction terre paille, autodéfense) et lundi dernier « La Commune de Pertuis » journée sur le thème de la commune avec conférence, lectures, chants, et concert de Dubamix.

L’autogestion du lieu, à la fois base de résistance contre l’extension de l’artificialisation, bulle d’expérimentation alternative, foyer de vie collective, quartier d’accueil militant, se construit jour après jour dans une dynamique en perpétuelle évolution, afin de respecter l’écoute et la parole de chacun, et d’élaborer progressivement une organisation reposant sur un processus de décision collective et une autonomie d’action.

Malheureusement cette utopie concrète est menacée d’expulsion depuis la fin de la trêve hivernale. Dès aujourd’hui, malgré la précarité de notre situation, nous avons décidé de continuer à faire vivre ces lieux et cette lutte, continuer à construire et expérimenter l’autre monde dont on nous parle toujours pour demain. Pour faire connaître notre lutte pour la sauvegarde des terres de Pertuis, nous lançons un appel à soutien et demandons aux collectifs et personnalités qui partagent notre résistance au béton d’envoyer, par mail, à lazapdepertuis@riseup.net, leur nom qui sera ajouté dans la liste des signataires.

Nous préparons un événement soutenu nationalement par la Confédération Paysanne et par les Soulèvements de la Terre, mouvement d’actions contre l’artificialisation des sols et l’accaparement des terres par l’agro-industrie. Un festival militant aura lieu les 14 et 15 mai prochain, avec un gros rassemblement le samedi 14 mai pour le Charivari, carnaval bruyant, revendicatif et festif, et qui se poursuivra jusqu’au dimanche soir par un marché paysan et militant, des concerts, des ateliers et des chantiers, des rencontres inter-lutte. L’accueil, le couchage en dortoir ou en tente, ainsi que les cantines seront organisés du samedi matin au dimanche soir. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui s’opposent à l’artificialisation des terres et qui veulent participer à construire un autre avenir pour ces terres menacées à nous rejoindre pour cet événement décisif dans la construction du rapport de force avec les promoteurs du projet, et ceux qui les soutiennent, (Mairie de Pertuis, Métropole, Préfecture du Vaucluse).

Pour nous contacter : lazapdepertuis@riseup.net
Pour en savoir plus :
Zone a Patates https://zappertuis.noblogs.org
Terres Vives Pertuis https://terresvivespertuis.wordpress.com/

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L’extension de la ZAE de Pertuis, une histoire ordinaire

Voilà maintenant plus de 10 ans qu’ITER [1] s’est installé dans la plaine de la Durance, à Saint-Paul-Lez-Durance, faisant miroiter aux collectivités locales un rayonnement inespéré. Le rêve du XXIe siècle : une industrie moderne, des emplois – donc un électorat – assurés (parce que bien sûr nous ne rêvons que de ça), dans une zone traditionnellement agricole et en voie de désertification, des projets d’aménagement en veux-tu en voilà, des investisseurs privés mais surtout publics généreux, une dynamique économique qui ne dynamise que les portes-monnaies déjà bien remplis. Car c’est ainsi que vont les choses : le développement économique d’un territoire nécessite toujours plus de foncier, toujours plus de ressources, de projets stupides qui amèneront plus de projets stupides, d’encouragement à la consommation et de main d’œuvre peu qualifiée. Face au rouleau compresseur de ces injonctions, aux pragmatiques « il faut bien », aux résignés « il n’y a pas d’alternatives » [2] martelés et intériorisés, nous viennent de lointains échos médiatiques d’un climat qui se dérègle, de pollution plastique, sonore, nucléaire, chimique, industrielle, de catastrophes qui se multiplient, de milieux naturels, espèces animales qui disparaissent, de biotopes qui s’effondrent, entraînant en cascades des conséquences sanitaires, sociales, humaines... Développement viable ? Avenir prometteur ? L’équation est impossible, un enfant de 5 ans s’en rendrait compte.

Pourtant, à Pertuis, les rouages institutionnels fonctionnent parfaitement depuis une décennie, illustrant l’asservissement des collectivités au secteur privé et à ses intérêts. De la Métropole Aix-Marseille à la Commune de Pertuis, avec à sa tête Roger Pellenc, figure sur laquelle nous reviendrons parce qu’elle vaut son pesant de cacahuètes, en passant par la Préfecture qui avalise sagement chaque directive, depuis la création de la ZAD (zone d’aménagement différé) jusqu’à la déclaration d’utilité publique, la certification des digues (au coût faramineux) qui permettra la révision du PLU (plan local d’urbanisme) afin de rendre les terres jusque-là inondables, constructibles. Quelle que soit la contrainte : hydrique (la plaine de la Durance est inondable, c’est ce qui en fait une terre agricole riche et fertile), habitation et activités (de nombreux logements existent encore sur cette zone, ainsi que des entreprises en activité), administrative (plusieurs recours ont déjà été amenés devant le tribunal), les porteurs du projet, avec à leur tête M. Pellenc, semblent prêts à tout pour le mener à terme. Comme si rien n’était plus désirable qu’une « vallée des énergies nouvelles » (sic), un pôle techno-industriel polluant, moche et inutile, à proximité de Pertuis et de ses 20 000 habitants.

Il semble que partout en France, comme ici, au nom du développement économique (notion fort arbitraire), la priorité soit donnée systématiquement à des projets d’aménagement (urbain, routier, ferroviaire, industriel, commercial) contre les sols, l’eau et le vivant. Le schéma de développement économique de la Métropole ayant « identifié la nécessité de produire environ 1500 hectares de foncier destinés à l’économie productive », on se demande à peine quels critères ont été retenus, et surtout qui nécessite autant d’espace, et pourquoi. A Pertuis, on parle d’une zone commerciale déjà existante de 75 hectares, à laquelle s’ajouteraient 86 hectares de béton, d’entrepôts et d’usines. L’artificialisation des sols privera la commune de 46 hectares de terres agricoles alluviales, une trentaine de familles seront expropriées ainsi que plusieurs entreprises en activité. Les sols rendus imperméables, c’est tout le fonctionnement hydraulique de la zone (crues de la Durance et eaux de pluie) qui sera déséquilibré. A cela, il n’existe à ce jour aucune réponse viable, c’est-à-dire qu’ils s’en foutent. Il suffit de bricoler un peu avec les contraintes légales, réviser le PPRi (Plan de prévention des risques d’inondation), bâcler les enquêtes publiques, balayer d’un revers de main les réserves timidement émises en conclusion d’une enquête publique, rien d’insurmontable quand on a le bras assez long et des intérêts à défendre. Et c’est partout pareil. Partout, nous retrouvons les mêmes appétits cupides, le même contrôle implacable des processus de décision, le même mépris pour qui ne se reconnaît pas dans les promesses d’un avenir toxique et les mêmes surfaces de béton à perte de vue.

A qui profite le crime ?

Nous pourrions détailler l’ambiance d’entre soi et de manigances qui existe au sein du petit complexe institutionnel et industriel de la géographie Pertuisienne. Il suffit d’énoncer quelques faits assez simples : Roger Pellenc, maire de la commune de Pertuis depuis 2008, vice-président du conseil de territoire du pays d’Aix chargé, entre autres, du développement économique et commercial, est aussi le fondateur du groupe Pellenc, un des leaders mondiaux dans le domaine de la mécanisation agricole (viticulture et arboriculture) [3], premier employeur de Pertuis et moteur du projet d’extension de la zone puisque ouvertement intéressé par 30 hectares de la future zone pour les entreprises Pellenc. Difficile de cumuler plus d’intérêts personnels dans l’histoire. Juge et partie. On touche à l’indécence pure.

Il s’agit donc bien pour Pellenc, l’homme et le groupe, ainsi que pour l’ensemble des acteurs déclarés pour le futur projet, de mettre le grappin sur ce lopin de terres pour leurs propres intérêts. On retrouve ici tous les ingrédients d’un monde toxique : une filière nucléaire irresponsable, qui opère une fuite en avant sans se soucier des déchets multimillénaires qu’elle produit, la promotion d’un modèle d’agriculture industrialisée et mécanisée, la promesse d’emplois d’un côté, la précarisation de travailleurs/euses mal payé.es de l’autre, sans parler de tout ce que nous avons cité plus haut. Car c’est bien là l’argument principal pour faire avaler la pilule. Un dernier rempart bien fragile qui nous met le dos au mur. Puisque ce projet nous est imposé, avec lui le système asservissant qui le justifie, il reste bien peu de moyens face à une telle pression économique : bosse et tais-toi, estime toi heureux.se que nous t’offrions des miettes.

Et pourtant...

Nous refusons de plier, et nous ne nous résignons pas. Puisque l’accaparement du processus démocratique par les personnes qui détiennent le pouvoir politique et économique joue en notre défaveur, nous jouons, nous, sur un autre terrain. Nous avons occupé des terres et planté des patates l’année dernière, c’était festif et rassembleur. Puis nous avons décidé d’occuper les maisons vidées par les premiers propriétaires qui avaient accepté de partir. Depuis le mois de novembre maintenant la Zone à Patates est en pleine ébullition, des collectifs solidaires, des individus ont convergé à l’appel de la défense de ces terres. Face aux inégalités qui se creusent, au racisme ordinaire, au mépris affiché pour les « marginaux » que nous sommes, nous choisissons de nous organiser collectivement. A la promesse d’emplois médiocres, nous opposons des activités riches. Des rencontres, des ateliers et des moments de partage pour construire un lien social qui se délite. Des propositions artistiques et culturelles, face au désert créé par la politique sanitaire du gouvernement. Des ateliers pratiques : jardinage, grimpe, plantes médicinales, construction, … pour apprendre ce que l’école ne nous apprend plus, pour prendre soin de notre santé et de nos liens. Des manifestations dans la ville pour porter une parole forte contre ce projet de bétonisation. Cette zone peut être tout ce que nous voulons qu’elle soit. Un espace de coopération et d’expérimentation entre différent.es habitant.es, diverses dynamiques.

Nous savons que l’insatisfaction est généralisée, que le sentiment d’impuissance règne et que la colère boue. Que chaque tentative de s’éloigner des routes tracées est réprimée par la violence, institutionnelle, économique, policière. Mais nous avons des forces et beaucoup d’ami.es. Nous ne sommes pas au bout de nos ressources, et plus nous les gênons, plus nous sommes déterminé.es. Nous soutiendrons toutes les personnes qui subissent la violence du capitalisme, nous ne cesserons jamais de la dénoncer et nous nous battrons toujours pour construire des alternatives réjouissantes.

La ZAP est expulsable depuis le 1er avril, et l’intervention policière plane comme un mauvais corbeau au-dessus de sa tête. Pour autant, la résistance s’organise sur place et ailleurs, nous ne nous laisserons pas faire !

Pour montrer notre détermination, notre force et notre nombre, nous invitons toutes les personnes qui souhaitent nous rencontrer, faire des choses avec nous, défendre la ZAP, apporter du soutien… à nous rejoindre le 14 et le 15 mai pour un gros week-end de mobilisation, avec au programme un carnaval revendicatif, des concerts, des discussions, des constructions et plein d’autres petites surprises.

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Notes

[1ITER, projet international de réacteur nucléaire de recherche civil à fusion nucléaire, est le plus grand projet scientifique mondial. Les subventions publiques dépassent 19 milliards d’euros à ce jour. Son objectif est de construire et commercialiser, à l’horizon 2050, un nouveau type de réacteurs nucléaires civils.

[2There is no alternative, slogan de Margaret Thatcher qui signifie que le marché, la mondialisation et le capitalisme sont nécessaires, que toute autre tentative de fonctionnement est vouée à l’échec.

[3Son chiffre d’affaire en 2020 dépassait 130 millions d’euros. Le siège social du groupe, son centre de recherche et ses principales unités de production se trouvent à Pertuis. S’il tente aujourd’hui, à bientôt 80 ans, de prendre ses distances avec son affaire, M. Pellenc n’en reste pas moins actionnaire, et reste même à la tête de plusieurs des entreprises qu’il a fondées.

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