Cette traduction n’est pas officielle, elle a été réalisée par des membres de notre collectif avec l’accord de l’auteur. Nous trouvons cet article intéressant pour formuler une critique de l’olympisme. Nous rejoignons l’auteur sur plusieurs de ses constats anticapitalistes. Ce texte montre la “face cachée” du capitalisme de fête, qui instrumentalise notre engouement pour les athlètes olympiques au service d’une machine capitaliste, autoritaire et militarisée. Nous nous revendiquons inscrites et inscrits dans l’héritage des précédentes luttes anti-olympiques à travers le monde. Bonne lecture !
Introduction
De nos jours, les Jeux Olympiques (JO) sont un énorme évènement sportif, médiatique et marketing, un festival de l’athlétisme de haut niveau qui bénéficie de l’argent des entreprises et d’une popularité généralisée. Les Jeux de Londres 2012 ont été l’évènement le plus regardé de l’histoire de la télévision États-Unienne (Chozick, 2012). Les Jeux de Rio 2016 ont cumulé presque 200 millions de téléspectateurs et téléspectatrices, alors que seulement 100 millions disposaient d’un signal pour les regarder (Deggans, 2016).
Pourtant, les JO n’ont pas toujours été aussi gigantesques. Quand les Jeux ont été ravivés dans les années 1890, ils étaient totalement différents. La forme moderne des Jeux Olympiques est le fruit de l’aristocrate français, le baron Pierre de Coubertin, qui a travaillé durement à ressortir les Jeux de l’histoire Grecque et les raviver sous une forme nouvelle (Coubertin, 2000). Les JO ont d’abord été très timides, luttant pour trouver une audience. C’est avec l’arrivée de la télévision que les Jeux ont gagné une popularité mondiale qui fut renforcée par les rivalités de la Guerre Froide, le sport devenant un champ de bataille par procuration pour la suprématie globale. Les JO se sont finalement liés au capitalisme d’entreprise, sous l’œil bienveillant du président du Comité International Olympique (CIO) Juan Antonio Samaranch, qui fit prendre un tournant majeur aux Jeux en 1984 pour devenir le business géant que nous connaissons aujourd’hui (Barney, Wenn and Martyn, 2004).
Le Capitalisme de fête
Le tournant eut lieu au milieu des années 80 lorsque le CIO établit “le programme Olympique”, qui devint plus tard « le programme de partenariat mondial » (M’Bodj,1995 ; Chappelet and Kübler-Mabbott, 2008). Cela a tracé la voie à une transformation progressive des JO jusqu’à nos jours, où les marques et les sponsors sont devenus omniprésents dans cet événement.
Un autre moment important pour l’histoire fut les JO de Los Angeles 1984 : les premiers Jeux que l’on connaît à fonctionner de manière entièrement capitaliste. Les Jeux de LA ont été les premiers à être largement sponsorisés par le secteur privé (Ueberroth, Levi and Quinn, 1985). Ils ont généré un profit bien connu de 222 millions de dollars, qui ne prend toutefois pas en compte le surplus de dépenses publiques dissimulées, comme les infrastructures de transport, la police ou la sécurité.
Cependant, je soutiens que les Jeux de Los Angeles 1984 ne doivent être vus que comme un moment néolibéral dans une histoire plus large des Jeux. Ceux de 1984 et « le programme de partenariat mondial » ont conduit beaucoup de personnes à défendre l’idée selon laquelle les JO représentent le parfait exemple du capitalisme néolibéral (ou néolibéralisme). Le capitalisme néolibéral est défini par la privatisation, la dérégulation et la financiarisation de l’économie. Son idée est de démanteler délibérément l’état de droit social en détruisant les programmes et les principes Keynésiens. Le mantra le plus récité du capitalisme néolibéral est : « laissons le marché décider. » (Harvey, 2005).
Toutefois, les JO ne sont pas nécessairement, en eux-mêmes, une affaire néolibérale. Certes, les Jeux Olympiques modernes transpirent le capitalisme néolibéral sur bien des aspects. Les Jeux sont devenus bien plus commerciaux à mesure que les capitaux privés ont pris une place plus importante dans les sponsors, et les entreprises privées de sécurité ont joué un grand rôle comme police des Jeux. Cependant, plutôt que de les privatiser, c’est le public qui paye pour une grande majorité des coûts olympiques. De plus, les sponsors partenaires tiennent une position privilégiée dans l’obtention des futurs contrats : ce n’est pas le marché qui décide. Plutôt que la dérégulation néolibérale, nous obtenons un régime rigoureux de règles et de régulations provenant du CIO (Comité International Olympique). Et plutôt que la financiarisation économique, où des fonds fictifs sont détournés dans des configurations abstraites, nous obtenons la dette publique et ses calendriers strict de remboursement. En fait, les JO sont un parfait exemple du capitalisme de fête, une forme spécifique du capitalisme, qui de bien des manières va à l’encontre de l’air du temps néolibéral.
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