Squats de Rroms : mobilisations collectives et double-jeu de la Mairie



Retour sur l’expulsion avortée des Rroms de la rue de Langres et sur la possibilité de solidarités collectives face aux hypocrisies institutionnelles.

Un communiqué du collectif « un toit pour toi », trouvé sur brassicanigra.org.

Suite à l’annonce en plein hiver de menaces d’expulsion de plusieurs familles Rroms installées depuis un an dans deux maisons laissées à l’abandon par la société Gessy-Verne, une trentaine de soutiens se sont mobilisés dans l’urgence le mercredi 3 décembre au matin devant les maisons. Il s’agissait de militants de RESF 21, du collectif « un Toit pour toi » ou d’ami-e-s des occupant-e-s. Leur présence visait à empêcher la mise en œuvre de la démolition par la société Pennequin dépêchée par M. Pereira, patron de Gessy-Verne.

Une mobilisation s’était mise en place la veille après que les occupant-e-s, une trentaine de personnes dont une dizaine d’enfants, avaient fait savoir que M. Pereira les menaçait d’expulsion pour cette semaine.
Suite à divers messages d’alertes envoyés par les collectifs de soutien en direction des autorités publiques, une commissaire est venue le mercredi matin confirmer que le propriétaire n’avait pas mis en œuvre de procédure d’expulsion.
De ce fait et en raison de la période hivernale, la préfecture voulait bien s’engager à ce qu’il n’y ait pas d’expulsion des familles avant le printemps et à ce que la procédure soit respectée.

L’entreprise Pennequin est néanmoins venue poser des grilles pour entourer la maison en vue d’une démolition vers 8h30. Cependant, les personnes présentes ont fait comprendre que ce n’était pas possible et les grilles sont reparties dans le camion.

Si la solidarité a payé pour cette fois, une mobilisation forte reste de mise car il arrive malheureusement régulièrement que des personnes soient mises à la rue dans le silence le plus total et sans pouvoir bénéficier des mêmes soutiens.

Rappelons que dans le cas d’une occupation sans droit ni titre, le droit au logement rend obligatoire une décision du Tribunal d’Instance pour autoriser l’expulsion. Des occupants en situation de précarité peuvent bénéficier de divers délais, d’autant plus comme c’est le cas ici s’il n’y a pas de projets de construction urgent et pendant la période hivernale.

Mais de plus en plus souvent, les propriétaires et pouvoir publics abusent de leurs droit et mettent de force les gens dehors, avec l’aide de la police ou en démolissant directement les bâtiments, et ce sans respecter aucune procédure. Cette répression concerne notamment des populations comme les Rroms, stigmatisés et criminalisés de toutes parts, moins à même de faire valoir leurs droits et encore couramment expulsés vers la Roumanie alors que celle-ci fait maintenant partie de l’Union Européenne.

Tandis qu’il existe plus de 2 500 logements vides à Dijon et plus de 8 000 dans le grand Dijon, que les foyers d’accueil sont surchargés ou parfois inadaptés et que les délais d’attente pour obtenir des logements sociaux sont souvent extrêmement longs, nous ne pouvons accepter que des personnes en situation de précarité se retrouvent brutalement sans toit du jour au lendemain. Il est vital que des bâtiments laissés à l’abandon souvent sans projet à court terme puissent servir à ceux et celles qui en ont besoin.

Commentaires d’un participant au rassemblement :

En complément du communiqué ci-dessus, il faut préciser que c’est la Mairie de Dijon et la préfecture qui avaient d’abord fait pression sur le propriétaire pour qu’il mette fin aux deux squats.

Après avoir fait visiter les squats par leurs services, ils avaient avancé divers prétextes sanitaires fallacieux, pour le « bien des Rroms ». Le propriétaire s’était vu menacé d’être mis en cause juridiquement en cas de problème... et intimé de soit mettre sa maison aux normes pour les squatters, soit les faire partir. Une bonne blague, surtout quand on sait que les deux maisons en question sont plutôt en bon état et ne posent aucun danger particulier... surtout si l’on compare ce danger à celui de se retrouver à la rue en plein mois de décembre. Mais bon on est dans une ville « socialiste » et il important de toujours mettre en avant que l’on se soucie des pauvres gens, même quand on les enfonce par derrière.

La Mairie avait d’ailleurs mis en avant divers fantasmes criminalisants sur les femmes et enfants forcés par quelques caïds à la mendicité dont les fruits reviendraient ensuite à la mafia. Inutile de préciser que les familles avec qui nous avons agi cette semaine étaient loin de correspondre à ces fantasmes xénophobes et sécuritaires. Sans faire d’angélisme ni de misérabilisme, il s’agit de personnes qui vivent différemment par nécessité mais aussi par choix, qui s’organisent collectivement et entretiennent malgré tout une culture singulière, riche et débrouillarde dans une monde aseptisé où n’ont de droit d’existence que les individus isolés, lisses et rentables. C’est cette différence qui vaut aux Rroms aujourd’hui et autant en France qu’ailleurs d’être méprisés et traités aussi durement, d’être assimilé de force ou rejetés en permanence le plus loin possible.

Les représentants de la Mairie et de la préfecture ont ensuite changé de position in extremis face à la mobilisation rapide et à la menace d’un scandale public en voulant hypocritement apparaître alors comme les protecteurs des Rroms face au propriétaire.

Il est utile aussi de préciser que la Mairie de Dijon est dans une politique d’éradication systématique des squats, quitte à casser ses propres maisons vides en l’absence de tout projet plutôt que de prendre le risque qu’elles soient occupées. Leur culot est tel qu’ils n’hésitent quelquefois pas à se contenter de casser le toit, montrant bien ainsi que le seul but est de rendre la maison inhabitable. Le mât noir, le toboggan ou encore le withe noise, trois squats appartenant à la mairie et tous expulsés depuis plus de 8 mois ont tous finis en terrain vague. Quand les maisons ne lui appartiennent pas, la tactique de la Mairie est alors comme dans le cas présent de faire pression sur le propriétaire pour qu’il agisse.

Depuis, un collectif informel de soutien sans nom pour l’instant, s’est créé. Ce soutien passe par des aides matérielles, l’organisation d’une soirée de solidarité, et des accompagnements pour être plus fort dans des démarches sociales et juridiques pour les papiers ou la défense des squats. Ce soutien passe aussi par des échanges, et repas partagés chez les uns et les autres pour mieux se connaitre, ne pas tomber dans un assistanat paternaliste et univoque. La limite est en effet toujours fragile entre une solidarité qui préserve l’autonomie des familles et une intégration forcée aux normes de vie républicaine qui se draperait de bonne conscience humanitaire. D’ailleurs la Mairie qui semble peu apprécier que des gens s’organisent de manière indépendante n’a pas invité ce collectif à la réunion organisée en février. Autant discuter du sort des familles sans elles et sans les personnes avec qui elles se battent au quotidien face aux rouages racistes de l’administration et des patrons. La Mairie ne voudrait sûrement pas par ailleurs prendre le risque de se concerter avec des personnes qui viseraient à préserver des habitats squattés qu’elle tient à voir disparaître au plus vite pour ne surtout pas que cela puisse donner d’idées à d’autres et contaminer.

D’autant plus que la ville de Lyon, autre fief socialiste, mène une politique brutale d’éradication des squats et camps de Rroms. Certains cherchent donc des refuges possibles dans d’autres villes aux alentours. Au-delà du cas de ces familles, il existe divers autres squats de Rroms, autour desquels il s’agit de faire front commun pour empêcher les expulsions à l’arrivée du printemps.

A Dijon, l’OPAC a d’ailleurs demandé l’expulsion de deux autres familles Rroms, squattant depuis le début de l’hiver un maisonette aux volets en coeur et pleine de framboisiers, rue de Longvic. En ce qui concerne la rue de Langres, le propriétaire a poursuivi les squatters au tribunal pour obtenir le concours de la force publique et l’expulsion, mais celle-ci ne devrait pas survenir avant le 15 mars.

Un témoignage

" On sent que la discrimination est très présente également en France. Les services sociaux de la mairie de Dijon (CCAS) n’assurent par exemple aucun suivi social.

le CCAS estime « ne rien avoir à faire pour eux » parce qu’ils n’ont pas une vraie domiciliation sur la commune du fait qu’un squat n’est pas une vraie domiciliation selon le CCAS qui les considère comme des SDFs. Alors qu’en réalité, ce squat représente un logement stable sur la commune depuis plus d’un ans. Depuis le début de la mobilisation sur dijon pour dénoncer leur situation inacceptable et les soutenir plusieurs représentants de la mairie ou de ses services ont tenté de décourager tout soutien des Rroms avec des arguments culpabilisants du style : « leur procurez du pétrole pour se chauffez c’est etre irresponsable et mettre leur vie en danger » ou « »en les aidant vous leur faites courir plus de risque d’expulsion " !!! . Pourtant cela n’a pas empêché la Mairie d’organiser une réu au CCAS à leur sujet, en excluant la participation des familles et aussi des membres du collectif sous prétexte que celui-cin’était pas une instance officielle.

Pourtant depuis la mobilisation du 3 décembre, qui a permis de retarder leur expulsion, nous nous organisons pour apporter des couvertures, des vêtements, de quoi se chauffer et faire de l’accompagnement pour toutes sortes de démarches très difficiles pour eux seuls lorsqu’il s’agit de faire respecter leurs droits.

Les médias comme le BP laissent systématiquement entendre qu’ils préfèrent mendier que travailler. Déjà mendier dans le froid et tout , même si c’est pas un choix, c’est pas comme si c’était pas du boulot, et c’est pas forcément plus humiliant ou inutile qu’un certain nombre de boulots faits pour maintenir les pauvres au travail, ou que des tafs d’esclaves non déclarés... Mais de toute façon, c’est pas comme si ils avaient le choix vu les lois discriminantes à l’égard des ressortissants roumains et bulgares, qui rendent quasi-impossible l’accès à un emploi rémunéré en France, malgré l’entrée de ces pays dans l’UE. Ces lois ont été levées par d’autres pays de l’UE comme l’Espagne, le Portugal, la Grèce et la Hongrie, mais pas en France."



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