Squid Game fait ressortir le cauchemar capitaliste contemporain



Le thriller de survie de Netflix Squid Game met en lumière les horreurs de l’inégalité et de l’exploitation en Corée du Sud aujourd’hui, déboulonnant le mythe capitaliste selon lequel le travail acharné garantit la prospérité.

Au mois d’octobre, j’ai publié une analyse de la série Squid Game. Je suis très heureux de constater que des anarchistes grecs ont eu la même envie d’écrire sur ce sujet pour en tirer les mêmes conclusions. Cependant, leurs angles d’attaques et leurs références sont différents, très enrichissant...
La lutte est internationale, vive l’Anarchie !
Loral Aitken

Article paru sur Rosa.gr et traduit du grec par le collectif Rempart Noir (rempartnoir@riseup.net).

Squid Game fait ressortir le cauchemar capitaliste contemporain

Le thriller de survie de Netflix Squid Game met en lumière les horreurs de l’inégalité et de l’exploitation en Corée du Sud aujourd’hui, déboulonnant le mythe capitaliste selon lequel le travail acharné garantit la prospérité.

Si de nombreux Européens et Américains sont entrés en contact avec l’industrie du divertissement de la Corée du Sud principalement par le biais de la K-Pop, ces dernières années, une série de films et de séries télévisées coréens ont attiré l’attention internationale. Les productions cinématographiques commencent à aborder la sinistre réalité de la vie quotidienne en Corée tantôt de manière directe, tantôt allégorique.

L’entrée la plus récente dans ce genre est le drame-thriller de survie dystopique Squid Game de Netflix, qui est en passe de devenir la série la plus regardée sur la plateforme. Comme Parasite, le film oscarisé de Bong Joon-Ho en 2019, et Extracurricular, le drame de Netflix en 2020, Squid Game reflète le mécontentement croissant d’une partie importante de la société coréenne face aux inégalités et aux impasses du capitalisme.

L’économie de la Corée du Sud, qui était autrefois désignée comme l’un des quatre « tigres asiatiques », a connu d’énormes changements au cours des dernières décennies. En 1960, le revenu par habitant de 82 dollars de la Corée du Sud la plaçait derrière une longue liste de pays économiquement faibles et pauvres comme le Ghana, le Sénégal, la Zambie et le Honduras.

Ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir du dictateur Park Chung Hee en 1961 que la Corée a commencé à connaître une énorme croissance économique - toujours en termes de « croissance capitaliste ». La Corée du Sud est passée d’un pays à faible revenu à l’une des économies les plus importantes et les plus dynamiques du monde en quelques décennies seulement.

La société du stress et le contrôle oligarchique de l’économie

Bien que la croissance économique ait permis de faire évoluer le niveau de vie moyen, beaucoup ont été laissées pour compte.
Le taux de suicide en Corée du Sud est l’un des plus élevés au monde, dont près de 50 % des personnes vivaient sous le seuil de pauvreté. Les jeunes ont leurs propres luttes et désillusions, notamment la conscription obligatoire et les tensions continues liées aux relations avec la Corée du Nord, l’intensification de la pression académique et le chômage élevé (en 2020, le taux de chômage des jeunes était de 22 %).
Alors que des millions de Coréens luttent pour survivre, l’élite du pays maintient un contrôle absolu sur l’économie. L’économie coréenne fonctionne sur la base des chaebols [1], des conglomérats d’entreprises appartenant à un petit groupe de familles riches et puissantes. Autrefois loués pour avoir « sorti la nation de la pauvreté », comme les dirigeants politiques ont coutume de le souligner, les chaebols sont l’incarnation du capitalisme monopolistique en Corée du Sud, trempés dans la corruption et sans aucun contrôle de la part de leurs dirigeants. Parmi les plus grands chaebols du pays figure Samsung, dont le PDG Lee Jae-Yong a été libéré de prison en août 2021 après avoir purgé la moitié de sa peine de deux ans pour corruption et détournement de fonds. Pour justifier sa libération, le gouvernement du pays a invoqué « l’importance de Lee pour l’économie du pays ».

Inégalités extrêmes et désillusions du capitalisme

L’extrême inégalité de la Corée du Sud est le thème central de Squid Game, dont le trait dominant est l’adhésion sans détours à la dimension de classe de l’inégalité.
Le pays a une longue histoire de pratiques anti-ouvrières, souvent extrêmes et parfois violentes.
Pas plus tard que le mois dernier, le président de la plus grande confédération syndicale du pays, la Confédération coréenne des syndicats (KCTU), a été arrêté et emprisonné sous prétexte d’avoir enfreint les règles de sécurité pour le coronavirus lors d’un rassemblement de travailleurs dans la capitale, Séoul. Comme il dénonce lui-même, il a été ciblé parce son militantisme ouvrier a inquiété le gouvernement. Il est le 13e président consécutif de la KCTU à être emprisonné.
Bien que Squid Game fasse référence à la dernière grève de Sangyong Motors en 2009, la lutte des classes violente traverse l’histoire de la Corée depuis des décennies.

En 1976, par exemple, les travailleuses de l’usine textile Dong-Il ont lancé une lutte pour des élections syndicales équitables et démocratiques qui a duré près de deux ans, où elles ont dû faire face à une vague de violences policières et à des attaques brutales de briseurs de grève.
La lutte a culminé avec l’attaque des miliciens soutenus par la RG coréenne, qui ont jeté des excréments sur les travailleuses qui tentaient de voter aux élections syndicales.
Dong-Il est l’un des exemples majeurs de répression dans l’histoire contemporaine du travail en Corée et une référence pour les politiques étatiques anti-ouvrières, la guerre du capital contre les travailleurs et la violence contre les femmes.
L’idéal de la méritocratie a une résonance particulière dans la culture coréenne, qui puise ses références dans le confucianisme. L’idée que le travail acharné est payant reste courante en Corée du Sud, même si de plus en plus de jeunes Coréens qui ont suivi le « bon chemin » du système éducatif coréen, extrêmement concurrentiel, sont aujourd’hui confrontés au chômage, à la domination des chaebols et aux inégalités.

Les messages portés par Squid Game sont importants, la série provoquant des « fissures » dans le mythe capitaliste du pays.

Article provenant du site collaboratif Rosa



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