20 ans… ça fait 20 ans… ça fait 20 ans qu’une loi censée révolutionner nos vies a été adoptée. 20 ans de loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». Vous trouvez qu’on y est arrivé à « l’égalité des droits et des chances » vous ?
Cette loi devait, entre autres, amener à l’accessibilité de tous les bâtiments, l’inclusion des enfants à l’école et à l’obligation d’emploi des personnes reconnues travailleureuses handicapéEs.
En ce qui concerne l’accessibilité de tous les bâtiments recevant du public, des transports, des bâtiments d’habitation et des voiries, censée être effective dès 2015, cette mesure a été sans cesse repoussée. D’abord en 2014, sous la pression des groupes d’intérêts, notamment immobiliers, mais aussi pour que l’État se protège lui-même puisque nombre d’écoles ou de tribunaux ne sont pas accessibles. L’obligation de mise en accessibilité est alors reportée parfois jusqu’en 2024.
Puis en 2018, avec sa fameuse loi Elan, Macron finit d’achever toute volonté d’accessibilisation totale. La loi Elan stipule que seulement 20% des productions de logement doivent être accessibles, contre la totalité dans la loi de 2005. Le principe d’accessibilité universelle est remis en question. Quel beau cadeau fait aux promoteurs immobiliers ! Et quel immense doigt d’honneur fait aux PMR* !
Aujourd’hui, 20 ans après la première loi, sur près de deux millions d’Établissements Recevant du Public , seulement 900 000, même pas la moitié, seraient conformes en termes d’accessibilité.
Et n’oublions pas l’accessibilité à d’autres formes de handicap ! La vocalisation des transports publics, l’aménagement du mobilier urbain avec des revêtements podotactiles notamment, les traducteurices LSF* dans les bâtiments administratifs, les cours obligatoires de LSF à l’école, les traductions en Facile A Lire et à Comprendre des productions publiques, l’accessibilité numérique… On en est où ? Y a-t-il seulement une ambition politique pour y arriver ?
Autre point aveugle de cette loi, le droit à la vie autonome. Adolf Ratzka, pionnier de la vie autonome, disait : « il s’agit de bénéficier des options et du degré d’autodétermination que les personnes non handicapées considèrent comme allant de soi. » Personne ne pourrait nier ce droit élémentaire. Et pourtant, en ce moment même, 20 ans après la loi de 2005, des milliers de personnes sont encore en institutions où elles ne peuvent choisir de simples choses comme ce qu’elles veulent manger, qui peut venir les voir, quand elles peuvent sortir. Pire encore, certaines subissent fréquemment des traitements inhumains et des VSS*. L’ONU lui-même a appelé la France à légiférer pour interdire l’institutionnalisation fondée sur le handicap.
La désinstitutionnalisation* n’est pas une utopie militante, mais une exigence des droits humains.
Mais la désinstitutionnalisation, ça n’arrange pas les associations gestionnaires qui fondent leur business sur le parcage de personnes handicapées dans leurs institutions.
Pour avoir accès à la vie autonome, il faut aussi pouvoir avoir des aides humaines que techniques. Or les demandes d’aides se voient de plus en plus amoindries, voire même refusées, par les MDPH* qui souffrent du manque de moyens et sont tributaires des politiques départementales et les temps d’attente de plus en plus longs.
La loi de 2005 devait aussi garantir l’inclusion de tous les enfants dans des écoles en milieu ordinaire. Mais 20 ans plus tard, les pouvoirs publics Français travaillent toujours à maintenir l’existence des IME* et des ITEP*, alors même que l’ONU ne cesse de la condamner sur ce point. Comme l’affirme le CUSE*, la ségrégation des enfants et adultes handicapéEs est la politique de la France en matière de handicap.
L’ONU, dans son rapport de 2021, observait que les enfants handicapés sont exposés à des formes multiples et croisées de discrimination, notamment dans l’éducation, l’accès aux services sociaux, l’institutionnalisation dans des établissements médico-sociaux. Ils et elles y sont aussi exposéEs selon l’ONU à des mauvais traitements, de la violence et des abus, y compris la violence sexuelle.
On a donc la confirmation que ces enfants sont abandonnés à leur sort, à l’abri des regards, dans un huis clos qui protège les agresseureuses.
L’Etat est au courant. Maintenant que l’ONU l’a prévenu, il ne peut pas prétendre le contraire. Mais il ne fait rien et ne compte pas changer sa politique en la matière. C’est une honte !
OK, l’accessibilité c’est raté, la désinstitutionnalisation, c’est raté, les écoles inclusives, c’est raté… Peut-être que la loi de 2005 a au moins permis une meilleure intégration des personnes handicapées au monde du travail ? Ça semble un objectif plus simple à atteindre !
La loi prévoyait que toutes les entreprises qui emploient au minimum 20 salariés, sont soumises à l’obligation d’emploi des travailleureuses handicapéEs dans une proportion d’au moins 6 % de leur effectif… 6%, ça semble raisonnable. Pourtant, beaucoup préfèrent payer une cotisation reversée à l’AGEFIPH* plutôt que d’employer des handiES.
Cette obligation d’emploi ne produit en rien de l’inclusion réelle. Le validisme est une oppression présente dans toutes les strates de l’organisation sociale et très fortement au niveau du travail. Même lorsqu’elles arrivent à se faire embaucher avec une Reconnaissance en Qualité de Travailleureuse Handicapée, les besoins de la personne sont peu respectés. Ce sont souvent les employéEs handicapéEs qui doivent elleux même chercher les fonds pour financer leurs aménagements. Et souvent, iels doivent continuer à performer la validité au risque de voir leur santé se détériorer.
De plus, pour éviter de payer l’amende lorsqu’elles n’emploient pas les 6% de travailleureuses handiEs règlementaires, beaucoup d’entreprises sous-traitent certaines de leurs tâches les plus ingrates à des ESAT.
Les ESAT* sont des institutions médico-sociales qui exploitent le travail de personnes handicapées. Le statut des travaillaureuses est celui d’usager.ère du médico-social, iels ne sont donc pas encadréEs par le Code du travail, n’ont pas de cotisation à l’assurance-chômage. A 35h/semaine, iels ont un salaire d’à peine un demi-SMIC, subissent des cadences soutenues, ont des problèmes de santé professionnels peu pris en charge etc. En résumé, iels sont exploitéEs et tenuEs de dire merci.
Pour quiconque défend le droit fondamental de chaque être humain à vivre dignement, il y a de quoi être en colère. Près de vingt ans après son adoption, le bilan de la loi de 2005 pour l’égalité des chances est loin, très loin d’être satisfaisant. Mais Macron nous pond en dernière minute un arrêté nébuleux sur le remboursement des fauteuils roulants dans l’intention, peu mystérieuse, de nous faire oublier ce bilan catastrophique. Mais on te le dit, Macron, tu ne nous auras pas !
Nous sommes Les Dévalideuses, une association de militantEs handiEs et nous sommes en colère. Mais nous savons qu’ensemble nous aurons plus de poids. Nous promettons à Macron et à ses sbires que nous serons dans la rue tous les ans tant que nous n’observons pas une réelle volonté politique d’inclusion des personnes handiEs ! Parce que la rue est aussi à nous !
Nous vous invitons toustes à mettre la pression sur vos représentants politiques, à imposer votre parole et à rejoindre ou soutenir des collectifs de personnes handiEs !
Parce qu’il est urgent de repenser les politiques du handicap en s’attaquant aux angles morts et aux limites de cette loi.
On veut une véritable politique de désinstitutionnalisation !
On veut la reconnaissance du validisme comme étant une oppression systémique.
On veut que les associations gestionnaires sortent de nos luttes.
On veut une réelle politique d’inclusion scolaire par une mise en accessibilité des écoles et des matériels pédagogiques.
On veut la formation du corps enseignant et la revalorisation du métier d’AESH*.
On veut une réelle égalité en droits et en chances.
On ne veut plus de leurs miettes, on se fout de leur charité, On veut des droits ! Maintenant !
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