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Habiter collectivement les ruines du capitalisme au Terrain Vague



En vadrouille de l’autre côté de l’Atlantique, une habitante-jardinière du Quartier Libre des Lentillères a découvert la lutte qui se sème actuellement dans les quartiers Mercier-Hochelaga-Maisonneuve contre un autre de ces projets inutiles et mégalos visant, celui-là, à augmenter les flux de marchandises du port de Montréal.

Au grès d’une balade sur les chemins tortueux ou carrément inexistants d’une autre « friche urbaine », quelques anecdotes croustillantes sur des pied-de-nez à base de butte et de containers, des statues qui se déplacent et des sapins qui poussent sur du bitume viennent ponctuer l’exploration de cet espace hors-cadre. Au-delà des échanges tactiques et des discussions à propos des choix d’organisations collectives, c’est surtout la façon dont se vivent et se déploient les attachements à des territoires qui font écho dans cette rencontre. Pour preuve, cet extrait de la brochure « Histoires de Terrain Vague » qui fait étrangement penser au quartier libre dijonnais :

« C’est dans ce flou qu’on a trouvé refuge. Une indétermination, qui a permis à une multitude de formes de vie incompatibles avec la régulation urbaine de foisonner et de se répandre. Le terrain vague n’est à personne, c’est un appel à préserver cette imprécision. Tout le monde peut le faire sien, mais personne n’en fixera l’usage. Le terrain vague restera vague. »

Résister et Fleurir contre le monde industriel colonial

À Tiohtià:ke, territoire autochtone non-cédé, longtemps lieu de rencontre et d’échange de nombreuses Premières Nations, s’est construite la ville de Montréal. Son emplacement, sur un archipel à la jonction de plusieurs cours d’eau, et son importance comme espace d’échange, puis les luttes coloniales et les guerres européennes ont rapidement fait de Montréal le grand port international du monde colonial moderne. Aujourd’hui encore, le port de Montréal et son emplacement stratégique, si profond dans le continent nord-américain, perpétue cette course effrénée de la croissance à tout prix si chère au capitalisme et à la marchandisation des mondes.

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Au Terrain Vague, dans l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) une multitude de communautés et de résistances se forment contre un nouveau méga-développement industrialo-portuaire : Résister et Fleurir.

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Cité de la Logistique et Mobilisation 6600

Le cycle capitaliste colonial d’appropriation, de destruction et de valorisation recommence au Terrain Vague. Gouvernement et entreprises marchent main dans la main pour planifier dans ce secteur une « Cité de la Logistique ».
Au Terrain Vague, lieu hétérotopique pour le quartier Hochelaga-Maisonneuve et ses habitant·es, les trous dans les clôtures se multiplient signifiant la fréquentation et l’importance de cet espace. Lorsque l’entreprise Ray-Mont Logistiques (RML) acquiert 22 hectares, une superficie équivalente de 30 terrain de foot, la bataille s’engage et le Terrain Vague devient pour beaucoup la Friche à Défendre.

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Ray-Mont Logistiques, est le symbole du développement industrialo-portuaire et pilier du projet de « Cité de la Logistique » qui a joliment été renommée « Écoparc industriel de la grande prairie » en mémoire du ruisseau enfoui et canalisé sous ce terrain. Un greenwashing crasse. Rien ne change, à part le nom, et Ray-Mont Logistiques prévoit d’installer une plateforme de transbordement de marchandise en activité 24h/24 et 7j/7, impliquant plus de 10 000 conteneurs en mouvement permanent sur le site, 1000 voyages de camions par jour, 200 wagons quotidiens. Face à ce projet inutile s’installant à moins de 100 mètres des premières habitations, la population s’inquiète. Tout le monde est contre, même les élu·es et commerces locaux, mais rien d’autre que les mobilisations populaires ne bloquent les projets d’infrastructures qui font fonctionner le capitalisme.

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Historique post industriel et Wasted Land

Le « Terrain vague » apparait au début des années 2000, au moment où l’usine de la Canadian Steal Founderies ferme et sera démantelée, laissant sur place un sol contaminé aux métaux lourds et des fondations de béton armé qui se remplissent de l’eau de l’ancien ruisseau enfoui. Ces résurgences deviendront les piscines. À la même époque, la gare de triage ferroviaire du Canadian National Railway Company (CN) cesse aussi son activité et, bien qu’une ligne de chemin de fer reste en activité, la vingtaine d’autres lignes est à l’abandon. Apparait alors un décor post-apocalyptique surnommé le « waste land » rapidement occupé par des personnes en situation d’itinérance, des populations marginalisées et quelques curieux-ses .

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Le Terrain Vague et sa biodiversité

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À mesure où la faune et la flore se redéveloppent et où les habitats se recomposent, ces endroits deviennent de plus en plus vivants et essentiels. Le Terrain vague prend vie. Accueillant une diversité d’usages, les habitant·es du quartier s’approprient les lieux et explorent les friches, boisés, prairies, marais. Si on y trouve tant de milieux humides c’est qu’on est dans le delta d’un ruisseau enfoui, le ruisseau de la Grande-Prairie, qui était dans le passé l’un des plus grand bassin versant de l’ile de Montréal. On y rencontre renards, marmottes, pluviers kildir, éperviers et beaucoup de campagnols. On y croise même parfois des hiboux Grands-Ducs, des Harfang des neiges, des Grands Hérons, des bécasses d’Amérique, des dindons sauvages et la visite de cerfs de Virginie.

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Les espèces exotiques envahissantes comme la phragmites et l’anthrisque de bois sont celles qui prolifèrent le plus facilement dans ces milieux perturbés par les activités humaines. Nous apprenons à les voir comme des alliées plutôt que comme des ennemis de la biodiversité ! C’est leur résilience qui a permis de proliférer rapidement dans cette zone industrielle abandonnée et a favorisé la création de plusieurs milieux, offrant une diversité d’habitats importante aux populations animales, humaines et non-humaines. Il nous parait donc très important de refuser le narratif scientifique des milieux d’origines, de la nature originelle et des espèces rares qui, elles seules, méritent protection. Ces espaces « sans valeur écologiques » sont les seuls espaces qu’il nous reste et n’importe quelle phragmites qui offre un refuge est plus importante que leur bétonisation !

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Notre monde est détruit, habitons la destruction !

Les consultations publiques et pétitions ont été nombreuses. Les actions plus directes commencent aussi à émerger. Ce qui est certain, c’est qu’une communauté diversifiée tisse des liens et se met en place collectivement contre ce projet destructeur. Notre communauté nait de ces ruines du capitalisme. Peu importe la destruction faite, nous habitons et jouons dans ces ruines en apprenant à les aimer !

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Quand Ray-Mont apporte ses premiers conteneurs de manière illégale c’est pour nous l’occasion d’afficher notre amour de la friche.

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Quand Ray-Mont pose des clôtures, c’est l’occasion de s’afficher pour mieux les faire tomber.

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Quand Ray-Mont créé une butte écran pour soustraire le chantier à notre vue, elle devient le Mont Starfox, piédestal d’une sculpture animale faite de rebus de la société pétrochimique.

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Quand la sculpture apparue comme par magie est détruite, elle revient sous forme d’Esprit de la Forêt. Plus grande, plus forte et faite à partir de ce qui compose le terrain vague, cette nouvelle puissance accompagne les habitant·es qui profitent des plus beaux couchers de soleil en ville.

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Peu importe la destruction proposée, nous nous y adapterons pour faire vivre des possibles collectifs, faire naitre des communautés tissées serrées avec leur territoire pour cohabiter, ensemble, dans les ruines du capitalisme.

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P.-S.

Cet article a été écrit par des habitant.e.s du quartier Mercier-Hochelaga-Maisonneuve impliquées dans le collectif « Résister et Fleurir » pour la défense du Terrain Vague.


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