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L’écoterroriste, un ennemi intérieur de plus ?



Décryptage d’une propagande contre-insurrectionnelle depuis le buzz médiatique de l’attaque des méga-bassines [Enquête Critique]

Collectif Contre la Contre Insurrection - 18 janvier 2023

Le 29 octobre 2022, plus de 8 000 militant.es se sont rassemblé.es à Sainte-Soline afin de s’opposer au projet de méga-bassines qui menace l’écosystème local par la privatisation et l’artificialisation des ressources naturelles. Réussissant à déborder le dispositif policier inédit qui s’était alors déployé, les militant.es ont cependant fait face à une forte vague de répression et de criminalisation politique et médiatique qui s’est cristallisée autour de la notion d’"écoterrorisme".

Réinscrivant la figure de l’écoterroriste dans l’histoire de la doctrine contre-insurrectionnelle française, un collectif d’auteur.ices a soumis cet article au réseau d’Enquête Critique, qui en a accompagné la finalisation. Ses auteur.ices proposent une analyse de la stratégie de l’État et des classes dominantes face à des soulèvements qui ne peuvent plus être contenus. En combinant appareils médiatiques, politiques et policiers, à l’image des récentes menaces de dissolution des Soulèvements de la Terre, l’État cherche à écraser les perspectives révolutionnaires et à tuer dans l’oeuf toute proposition d’alternative au capitalisme néolibéral.

[ Cet article est écrit par des militant-es anarchistes, prenant part au mouvement écologiste depuis plusieurs années. ]

Le 29 octobre dernier à Sainte-Soline était une grande première pour le mouvement écologiste de ces dernières années. Pour s’opposer à la construction de méga-bassines dans la région (rétention d’eau au profit de l’agriculture industrielle), trois cortèges ont convergé en direction de l’un des chantiers en cours. Outre le fait que ces manifestations ont rassemblé des mouvements écologistes très divers (partis, syndicats, organisations citoyennistes, mouvement autonome, antifascistes…), on a observé de manière exceptionnelle [1] un ralliement autour des pratiques offensives de sabotage et de black blocs [2] organisés. De chaque côté du cortège central, prévu pour être pacifiste et familial, se sont déployés deux autres cortèges avec black blocs utilisant projectiles et pyrotechniques pour déborder les forces de l’ordre en présence. Cette diversité des tactiques a permis qu’une partie du groupe accède à la bassine et envahisse le chantier pourtant bien gardé. La tournure que prennent actuellement les Soulèvements de la Terre [3] (réseau ayant appelé à l’action et l’ayant revendiquée) est donc une réussite d’un point de vue massification des luttes écolo. C’est la première fois depuis longtemps que les pratiques de sabotage et d’affrontement avec la police met autant d’activistes d’accord. Les mouvements plus modérés reconnaissent enfin l’importance d’actions offensives, la diversité des tactiques prend la place du traditionnel débat stérile violence ou non-violence. Et ça... c’est clairement mauvais pour l’État capitaliste, qui veut à tout prix éviter que les désordres rallient de plus en plus de monde.

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Après l’attaque des méga-bassines du 29 octobre, une bonne poignée de médias se déchaîne ! On nous dénigre avec force dans Le Point, Paris Match, Marianne, Le Figaro, L’Express, Valeurs Actuelles... Mais pas n’importe comment : l’imaginaire et le vocabulaire de la guérilla, assimilée au terrorisme, nous présente comme des spécialistes de la violence, envahissant le mouvement écolo qui était "sain" jadis, car modéré et pacifiste... Cette diabolisation rappelle les tactiques contre-insurrectionnelles développées par les institutions politiques et militaires depuis la guerre d’indépendance de l’Algérie. On l’appelle la "DGR", pour doctrine de guerre révolutionnaire, et elle désigne toute une boîte à outils pour tuer les révolutions dans l’œuf, en coupant les rebelles du soutien de la population. L’analyse qui va suivre se base donc sur un parallèle entre la rhétorique propagandiste des médias cités plus haut, et la pensée issue de la DGR, encore bien présente à l’esprit de la classe dirigeante française.

Qu’est-ce que la DGR ?

Le credo de la guérilla révolutionnaire est « le·la guérillero·a doit se fondre dans la population comme un poisson dans l’eau ». Cette idée, avancée par Mao Zedong, se retrouve ensuite dans les grandes étapes de la DGR, qui dit combattre la guérilla par la guérilla. Première étape : filtrer l’eau, en coupant les rebelles de leurs soutiens civils. Cela comprend des mesures de contre-propagande fortes sur la population, ainsi que des mesures de surveillance, de fichage, de contrôle. L’objectif : trier les personnes « saines » des personnes « contaminées » par l’idéologie révolutionnaire. Deuxième étape : contaminer l’eau, en infiltrant les réseaux révolutionnaires, en incitant à la dénonciation, en ramenant les zones de non-droit sous la bonne « protection » de l’État. Puis, dernière étape : vider l’eau sale. Réprimer violemment tous les éléments perturbateurs qui refusent encore de se soumettre, démanteler leur réseau, les juger, les emprisonner, les supprimer. Voilà les grandes étapes d’une doctrine qui était officiellement celle de l’armée française lors de la guerre en Algérie. L’idée n’est pas de dire qu’elle est strictement appliquée contre les mouvements sociaux et écologistes d’aujourd’hui, mais que certaines de ces pratiques et manières de penser infusent toujours dans le maintien de l’ordre français. En particulier le concept d’ennemi intérieur, selon lequel il existerait des groupes ethniques et/ou idéologiques minoritaires capable de corrompre peu à peu la population pour faire sombrer la « civilisation occidentale ».

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Qui sont les « ennemis intérieurs » d’aujourd’hui ?



Notes

[1Les sabotages et affrontement de masse avec participation de partis politiques et organisations citoyennistes sont rares. La tendance ces dernières années était à la scission entre militant.es « violent.es » et autres organisations « non-violentes », notamment les syndicats, qui vont jusqu’à déployer leur propre service d’ordre pendant les manifs pour empêcher les débordements. Le dernier évènement massif qui nous vient à l’esprit et qui alliait les deux est sans doute la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, après les expulsions de 2012, où les organisations paysannes, le parti EELV et les squatteur.euses formaient un étroit réseau de solidarité (qui s’est ensuite délité).

[2Pour rappel, le black bloc n’est pas un mouvement revendiqué ni une organisation précise, mais une pratique adoptée temporairement par des militant.es aux profils variés. La tactique consiste à former des grappes serrées et homogènes de personnes masquées, vêtues de noir, équipées de projectiles et de protections, pour lutter contre les arrestations ciblées. Les membres ainsi impossibles à distinguer du groupe peuvent alors se livrer à des actions offensives risquées légalement, telles que le sabotage et l’affrontement des forces de police pour les repousser, leur causer des dégâts, faire diversion. Bien souvent les politiques et les médias se servent de cette violence physique pour invisibiliser les violences du système qui en sont l’origine.

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