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Retour sur la méga-manif contre les méga-bassines dans le Puy-de-Dôme



À l’appel de la Confédération Paysanne 63, BNM 63 & 79, les Soulèvements de la Terre, XR Clermont-Ferrand et des Faucheurs volontaires, plus de 6000 personnes marchent contre deux projets de giga bassines en Limagne et retiennent les eaux dans les terres.

Le projet

Depuis plusieurs années, une poignée d’agro-industriels tente de s’accaparer l’eau un peu partout dans le pays. C’est maintenant au coeur de l’Auvergne, dans la plaine céréalière de la Limagne (à l’est de Clermont-Ferrand - 63), qu’avance le plus grand projet de giga-bassines jamais conçu en France : 2,3 millions de m3 d’eau sur 330 000 m² de bâche plastique !

Officiellement, le projet est porté par l’ASL des Turlurons, composée de 36 exploitations agricoles dont font partie le président de la multinationale Limagrain (4e semencier mondial) et 5 de ses administrateurs. Officieusement, c’est donc bien Limagrain qui pousse ce projet, dans l’intérêt de sécuriser sa production de maïs semence destinée à l’exportation, le tout financé à 70% par de l’argent public !

Ces giga-bassines se rempliront directement par pompage dans un des affluents de la Loire, l’Allier. La zone est pourtant classée Natura 2000 et supporte localement l’alimentation en eau potable de plus de 200 000 habitant·es. Cet accaparement va de pair avec la dégradation des sols, l’assèchement des écosystèmes, l’anéantissement de la biodiversité et la pollution des eaux par l’usage intensif de la chimie agricole.

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Semis paysan

Ce vendredi 10 mai, à la veille de la journée de mobilisation contre les giga-bassines dans le Puy de Dome, une centaine de personnes, paysan·nes comme habitant·es du territoire, se sont retrouvées pour semer du maïs population sur une parcelle d’un camarade paysan.

Poser ce geste collectif ici en Limagne, où, comme ailleurs en France, l’eau est accaparée par l’agro-industrie, participe en acte à montrer qu’un autre modèle agricole est possible, plus respectueux des sols, du partage de l’eau, moins couteux pour les agriculteur·ices et privilégiant leur autonomie plutôt que leur asservissement aux grandes firmes.

Alors que la région connait depuis plusieurs années des épisodes de sécheresse hivernales, les deux bassines privatiseraient 2,3 millions de m3 d’eau pour 36 exploitations, dont la plupart sont liés à Limagrain, 4e semencier mondial (le président du groupe ainsi que plusieurs de ces administrateurs en seraient bénéficiaires).

L’élaboration du maïs hybride Limagrain détourne le phénomène par lequel les générations de plantes se renforcent et se mélangent en choisissant comme critère de sélection la résistance aux herbicides et aux fongicides. Cela produit un maïs standardisé, au service d’un système dépendant aux intrants, et dont la reproduction est contrôlée.

Le maïs population qui a été semé collectivement est issu de la sélection par les agriculteur·ices de variétés de maïs non stériles qui sont croisées pour aboutir à des semences adaptées aux milieux locaux, nécessitant moins d’eau et très peu d’intrants. Les graines récoltées à la fin de l’été peuvent être replantées l’année suivante et permettent aux agriculteur·ices de se réapproprier la production de leurs semences.

La Limagne est aujourd’hui largement asservie à Limagrain, qui pour produire des cultures stériles prend en otages les agriculteur·ices du territoires, les empêchant de produire tout autre type de maïs sur des zones de plus en plus étendues.

Alors que l’agro-industrie finance massivement la recherche génétique, très peu de moyens ont été mis sur l’étude d’alternatives comme le maïs population. Des expérimentations sont toutefois menées chez quelques paysans dans le Puy de Dôme comme ailleurs.

Parce qu’une culture du maïs au sein d’un modèle de polyculture-élevage est possible et économiquement viable pour les agriculteur·ices, cette première action ouvre des perspectives pour les mois et années à venir.

En vue de partager ces perspectives d’alternatives paysannes, des personnes sont venus des 4 coins de la région. Après un pique nique partagé sur la ferme, les gestes sont expliqués pour que chacun.e puisse participer. La première parcelle, en pente, a été labourée la veille. Au cordeau, la première ficelle est tirée, puis les suivantes, pour tracer les sillons, à la pioche.

Les semeurs et semeuses, les mains remplies de grains de maïs, se suivent le long des sillons pour déposer à la main les graines les unes après les autres. Derrière eux, d’autres personnes referment les sillons pour recouvrir les graines. D’ici quelques semaines, les plans de maïs sortiront de terre.

Ce chantier est la première étape d’une mise en culture qui réunira les personnes engagées dans les semaines et mois à venir, de la levée des plans qu’il faudra désherber à l’égrenage des épis pour les semences de l’année prochaine. Ces semences seront stockées en vue de démultiplier ces gestes et afin que le maïs population prenne le pas sur le maïs industriel. Là où l’agro-industrie sème la stérilité, nous propagerons la fertilité des semences paysannes.

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Méga manif

Ce samedi 11 Mai à l’appel de BNM 63, La confédération paysanne, les Soulèvements de la terre et les faucheurs volontaires, 6000 à 7000 personnes ont convergé vers la Limagne pour une première grande manifestation contre le projet de deux giga-bassines qui totaliserait 2,3 M de m³. Les manifestant.es ont matérialisé en chaîne humaine l’emplacement du projet et semé en ligne des milliers de graines à même de faire repousser des centaines de mètres de haies. Ils ont ensuite obstrué des drains pour retenir l’eau dans les terres, participer ainsi à remplir des nappes plutôt que de les vider avec les bassines, et favoriser la biodiversité.

Des Deux-Sèvres à la Limagne, le système bassines de plus en plus contesté
Après les mobilisations en Charente Maritime et dans les Deux-Sèvres de ces dernières années, le mouvement anti-bassines ne fait que s’étendre et se densifier. Partout où des projets apparaissent, l’opposition s’organise. Alors que le ministre de l’agriculture prétend accélérer la construction de nouvelles bassines, les projets sont abandonnés les uns après les autres, qu’ils soient déclaré illégaux ou mis à l’arrêt directement par les habitant.es. De la cour des comptes, aux tribunaux en passant par l’agence de l’eau, les bassines sont vivement critiquées de toutes parts pour leur maladaptation au changement climatique et leur promotion d’un modèle agro-industriel délètère. Elles sont en premier lieu contestées massivement par les habitant.es des territoires concernés.

En Limagne, les travaux n’ont pas commencé, mais la région a déjà accordé à minima 115 000 euros à l’ADIRA (association de développement de l’irrigation en Auvergne) pour réaliser l’étude de faisabilité du projet. Le coût global du projet s’annonce très élevé : 25 millions d’euros, financé, pour la partie ouvrage agricole, à hauteur de 70 % par la région Auvergne Rhône-Alpes via un fonds européen, la FEADER.

Les cultures qui seraient arrosées par ces bassines sont essentiellement liées aux besoins de la multinationale Limagrain. Fondée en 1965 en Auvergne, celle-ci est aujourd’hui le 4e semencier mondial via sa filiale Vilmorin, et son emprise sur la Limagne est visible partout. En imposant aux agriculteur.ices un cahier des charges impliquant semences hybrides, irrigation et grandes quantités d’intrants chimiques tout en créant des zones d’exclusion des autres varietés autours des fermes, Limagrain impose un modèle qui aliène les agriculteur.ices à l’agro-industrie.

Le projet des deux giga-bassines du Puy-de-Dôme est portée par l’ASL des Turlurons, association de 36 exploitants agricoles (pour un total de 800 hectares), dont la plupart sont liés à Limagrain, qu’ils en soient les collaborateurs, les administrateurs ou même le président ! L’eau servira principalement à irriguer du maïs industriel, dit « hybride », des variété standardisées, sélectionnées sur des critères productivistes de résistance aux intrants chimiques et qu’il faut racheter chaque année puisque les semences sont stériles. En Limagne comme ailleurs en France, les épisodes de sécheresse hivernale se multiplient, le niveau d’étiage de l’Allier dans lequel serait pompé l’eau des méga-bassines baisse et ne sera pas suffisant pour les remplir. Ici aussi les méga-bassines prolongent le ravage et retarde le changement nécessaire des pratiques agricoles.

Paysan.nes, habitant.es, castors, artivisme et bleus de chauffe, une manif qui rassemble
Ce samedi depuis la gare de Vertaizon à Chignat, des milliers de personnes se sont élancées dans la grande plaine de la Limagne avec des tracteurs, un castor et une anguille géant.es au son du slogan « Il faut faire bassine arrière ». Depuis des semaines, des dizaines d’habitant.es de la région se sont retrouvé.es pour fabriquer des drapeaux sérigraphiés et une multitude de tritons, méduses, castors, serpents et autres créatures artistiques en vue de cette mobilisation. La présence des tracteurs marque également la mobilisation paysanne pour l’avènement d’un nouveau modèle agricole. Les nombreux bleus de travail, les pelles et les pioches, rappellent la détermination des dernières grandes mobilisations anti-bassines des Deux-Sèvres. La prochaine, qui aura lieu les 20 et 21 juillet, s’annonce déjà comme un possible point de bascule pour forcer l’abandon des projets de bassines dans le Poitou, et arracher le moratoire au niveau national.

Plantation de centaines de mètres de haies et construction de barrages de castors pour retenir l’eau autour des projets de bassines
À l’approche de l’emplacement du projet de bassine, une grande chaîne humaine s’est déployée pour en visibiliser le contour (la première bassine s’étendra sur 150 000m2). Une multitude de plants ont alors été distribués et mis en terre avec des noix et noisettes qui pourront y germer. Ce premier geste collectif invite à la replantation de kilomètres de haies à même de retenir de nouveau l’eau dans les sols, plutôt que des bassines qui les assèchent.

Après un pique-nique champêtre, des centaines de personnes ont obstrué les buses autours des parcelles proches du projet de bassines avec des branchages et de la terre. La Limagne est une ancienne zone humide fertile qui a été drainée dans les années 70 pour remplacer la polyculture élevage par une agriculture céréalière intensive. Mais le drainage accélère l’évacuation de l’eau qui ne se stocke plus dans les sols lors des précipitations. Ceci intensifie les phénomènes de crues, d’érosion et de diffusion des phytosanitaires dans les cours d’eau. Cela aboutit aujourd’hui à une sous-alimentation des nappes phréatiques, à une baisse du débit des sources et à une perte de la biodiversité. En comblant les drains, les manifestant.es vont ainsi dans le sens des nombreux agronomes et hydrologues qui prônent la remise en cause du drainage systématique, en vue de favoriser la recharge des nappes phréatiques, la réhumidification des terres, la protection de la faune et de la flore ainsi que l’effet de filtre sur les intrants chimiques.

Rendez-vous si les travaux démarrent !
Après cette journée de mobilisation, il ne fait aucun doute que les habitants du territoire se mobiliseront massivement pour stopper les chantiers de bassines s’ils démarrent en Limagne. C’est aujourd’hui le cas partout où des projets d’accaparement de l’eau pointent le bout de leur nez et où fleurissent les collectifs Bassines Non merci. Et ce sera à nouveau le cas cet été, du 16 au 21 juillet pour le Village de l’eau et les 2 journées de mobilisations internationales dans les Deux-Sèvres !

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