Pourquoi être dans une organisation révolutionnaire ?
Depuis la lutte contre la Loi Travail au printemps 2016, la jeunesse militante se méfie, voire se refuse à entrer dans une organisation révolutionnaire.
Le printemps 2016 a été pour nous tou·tes une bulle d’air à bien des égards. De nombreuses pratiques, issues pour la plupart de l’autonomie [1] , ont pris la place qu’elles méritaient face à la violence du capitalisme que nous subissons chaque jour. Cortège de tête, confrontation avec la police, casse de symboles capitalistes, bouffe prix libre, ZAD, squat, etc...
Les organisations révolutionnaires semblaient paralysées, incapables de se défaire de leurs lenteurs, leurs rigidités, de leurs obsessions des « grands trois », c’est-à-dire La Commune, La révolution Russe, la révolution Anarchiste de 1936 Espagnole.
Soit, ces critiques étaient on ne peut plus méritées.
Mais 2016 est derrière nous, la Loi Travail est passée en force, les effets immédiats pour les prolétaires se font sentir de manière forte (petit rappel à celles et ceux qui l’aurait oublié, par inadvertance ou par récupération politique) et les organisations sont en pleine mutation.
Certes, le mouvement autonome s’est montré capable de s’organiser, et l’honnêteté nous pousse à dire que nous avons beaucoup appris de ce mouvement.
Les organisations ont ingéré le meilleur des pratiques autonomes, et une nouvelle jeunesse prend petit à petit la place au sein de ses organisations, sous le regard et l’appui bienveillant des ancien·nes jeunes. Il arrive aussi qu’une confrontation se déclenche avec certain·es gardien·nes du temple, qui préfèrent oublier la monstruosité du capitalisme, préférant se réfugier dans un passé dont on peut douter qu’ils en aient vraiment fait partie, tant leur capitulation semble évidente.
Ces cas sont minoritaires, mais malheureusement bien réels.
Quoi qu’il en soit, la question que nous entendons souvent est « À quoi ça sert de militer dans une orga ? »
Nous nous sommes beaucoup posé la question avant le renouveau qui est en train de se passer.
Si l’autonomie a montré sa capacité à innover, à être dynamique, elle a aussi montré une facette qui selon nous, est inhérente à l’absence d’organisation collective.
- La prise de décision collective, sans horizontalité, ni cadre anti-autorité, pousse de fait, les militant·es les plus expérimenté·es à se comporter en chef·fes. Nous avons tou·tes été un·e jeune militant·e, révolté·e par une décision en AG par exemple, qui n’a pas l’habitude de parler en public, qui n’a aucun moyen de contester une décision autoritaire.
Si je crache à la sale gueule de mon chef au boulot, c’est par pour qu’en AG, un·e révolutionnaire professionnel·le m’impose sa vision de la lutte.
Le cadre anti-autoritaire donne une arme, pour éviter la formation de petit·es pères, mères des peuples, par le vote, par le temps de parole limité, par le tour de parole etc...
- L’organisation révolutionnaire, permet aussi de contrôler les « mandats » donnés à des militant·es.
Par exemple, une négociation, la communication avec l’extérieur (Presse mainstream etc). Un cadre, permet de donner une tâche à faire, précise et définie, et évite que les petit·es spécialistes du « J’fais ce que je veux », décident de façon unilatérale, ce qui va être dit et fait. Surtout, ça force le ou la mandatée à avoir des comptes à rendre.
- Le cadre de discussion permet aussi de régler les problèmes humains et politiques sur une base de négociation, et non comme on l’a vu à plusieurs reprises récemment, sur une base de violence physique du plus fort sur le plus faible. Nous ne citerons pas d’exemple, nous ne sommes pas là pour remuer les problèmes, mais chacun·e voit de quoi il s’agit.
- Le fait d’être dans une organisation permet aussi que les problèmes humains ne paralysent pas la coopération avec d’autres groupes, d’une même ville, ou plus lointaine.
Les rapports, un peu plus formels, imposent de fait le contournement des rancœurs par une gestion plus rationnelle de la coopération.
- Malheureusement, beaucoup de travailleur·ses ou chômeur·ses, englué·es dans la galère, issu·es de ce monde capitaliste, ne peuvent pas avoir la chance d’arrêter de bosser, ni de payer leur loyer, ce qui crée une réelle différence avec les gens qui peuvent être disponibles en permanence, être mobiles partout en peu de temps etc...
Même si nous refusons l’exploitation, nous sommes par nos situations de vies, familiales etc, obligé·es de nous lever chaque matin pour aller au boulot, en chercher un, etc...
Les organisations révolutionnaires, même si elles n’ont pas toujours rempli ce rôle, peuvent et doivent être la jonction entre ces deux mondes si éloignés.
Ce texte, n’est pas une charge gratuite et à distance contre les autonomes. Nous avons beaucoup de respect pour certain·es d’elleux. Parfois aussi, beaucoup d’affinités militantes.
Beaucoup de nos pratiques sont issues de l’autonomie. Mais se contenter de la situation actuelle n’est pas acceptable. En mixant les pratiques, en alliant le meilleur des organisations et des pratiques de l’autonomie, nous deviendrons plus dangereux, pour les flics, le patronat, les religieux et les religieuses, les fascistes et réactionnaires en tout genre.
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