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Atelier d’écriture #1 Les injonctions sociétales



« Une famille est en train de dîner. À table, les parents rigolent doucement. Leur fille Chloé vient de leur demander si en septembre ils accepteraient de l’inscrire dans un club de foot. »

Nous tenons une fois par mois un atelier d’auto-défense puis d’écriture en mixité choisie. Vous trouverez ici la retranscription de ces textes dont le thème a été choisi par l’ensemble des participantes lors de la séance. Les textes sont écrits spontanément dans un court laps de temps, puis débattus oralement en toute bienveillance.
Ils sont ensuite publiés une fois par mois dans la chronique Un regard féministe.

Lors de la dernière séance, le thème choisi a été celui des injonctions de la société (patriarcale).


#1

Voici des phrases entendues, ma réponse dans l’anagramme...

A comme Amour, „Un jour tu trouveras un mec et tu verras tu voudras tout avec lui : un enfant, un chien...”
M comme Mère, „Tu verras, plus tard tu changeras d’avis, tu voudras des enfants”
O comme Ovaire, „C’est quoi ton problème, t’as tes règles ?”
R comme Rouge à lèvre, „Tu devrais te maquiller, tu serais plus jolie”
T comme Travail, „Ah mais c’est un travail d’homme ça”

L comme Libre, „Mais vous voulez pas être libres, vous êtes bien contentes qu’on s’occupe de vous”
E comme Enervée, „T’es pas belle quand tu t’énerves”

P comme Poils, „C’est dégeu tes poils, tu pourrais t’épiler”
A comme auréole, „Bah t’as des auréoles, baisse les bras !”
T comme Tarte, „Tu l’as frappé ? Mais c’est pas normal pour une meuf”
R comme Règles, „C’est vraiment dégeulasse”
I comme Insulte, „Ces insultes c’est pas beau dans ta bouche”
A comme Attendre, „Alors t’attends quel bus ? Tu vas où ? Tu vas faire quoi ?”
R comme Rester, „Tu resteras à la maison quand t’auras des enfants”
C comme Cuisiner, „Tu ne cuisines pas ? C’est bizarre pour une meuf”
A comme Avances, „Ca va si on peut plus draguer maintenant –ouin ouin-„
T comme Toutes, „Vous êtes toutes pareil, vous ne savez pas ce que vous voulez”

#2

Je me suis toujours sentie obligée de me raser depuis que je suis ado. Ma mère le faisait, et les filles au collège le faisaient. De plus ma période collège n’était pas des plus joyeuses, j’étais le mouton noir donc je ne voulais pas rajouter un élément de plus sur laquelle on pouvait se moquer. Donc pendant longtemps je me suis sentie obligée de me raser les jambes, les aisselles et les sourcils. Je me sentais mal si je portais une jupe/robe (même avec des collants) et que je n’étais pas rasée. Depuis quelques années j’ai cependant appris à me débarrasser de cette attente et le fais quand je veux, si j’ai envie.
Pendant longtemps, j’ai essayé d’être le plus féminine possible. Je portais souvent des robes/jupes, des couleurs claires et joyeuses, je voulais aussi me maquiller pour me plier aux attentes de la société et des hommes. Je voulais plaire. J’essayais de suivre la mode en quelque sorte, d’être comme la société voulais que je sois. Propre sur soi. Et ma mère ne m’aidait pas. Elle voulait que je sois comme elle, que je pense comme elle, que je sois féminine, que je n’ai aucun tatouage parce que pour elle, et une partie de la société, c’est sale et moche. Il m’a fallu du temps, de la réflexion, de la prise de confiance en moi pour enfin décider que je faisais ce que je voulais de mon corps, que je m’habillais comme je voulais, que j’étais qui je voulais et que si je n’avais pas envie d’être féminine je ne le serais pas. Que si je voulais être super féminine je le serais. Que si je voulais me maquiller pour sortir, que ce soit discret ou extravagant, ca le serait.
ChacunE est libre d’être qui iel veut.

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#3

La société, depuis la nuit des temps a fait germer dans l’esprit de la population, l’idée naturelle que nous devions être des petites poupées, apprêtées, polies et douces. Et lorsque j’ai voulu tout comme mon grand-père, mon père, et mon frère, commencer à jouer au rugby, j’ai eu le désagréable sentiment que je devenais instantanément un garçon manqué, de ne pas être réellement à ma place… Sans parler du comportement de certains joueurs avec moi en matchs comme en entrainements, j’avais cette impression d’être jugée, d’être forcée de faire un sport plus « féminin et moins brute ». N’ayant pas assez d’effectifs pour monter une équipe féminine, j’ai préféré arrêter de jouer à ce sport qui me plaisait énormément. La pression venait autant des personnes extérieures que des personnes de l’équipe qui me mettaient constamment mal à l’aise avec des remarques et des gestes déplacés du type « oh c’est agréable quand tu me fais un plaquage… ! » ou du genre « mais tu ne préférerais pas faire de la danse ? Tu risques de te faire mal au rugby… ». J’ai donc abandonné, en regrettant énormément plus tard de ne pas les avoir touTEs emmerdéEs.

#4

  • Me reprocher de ne pas être féminine m’énerve. Est-ce que je demande à chaque homme d’être masculin ? Absolument pas, donc je n’ai pas à être féminine. De toute façon, qu’est-ce que ça veut dire ? Être le parfait stéréotype que s’imagine la société ? Porter du rose, avoir une voix douce, n’utiliser que des mots doux, porter des robes, des jupes, des talons et bien évidemment, n’avoir pour seul centre d’intérêt que la danse ou l’équitation. Et bien non, je n’ai pas à être « féminine » puisque je ne sais pas à quoi cela renvoie réellement et que je n’ai pas à changer de comportement pour plaire à qui que ce soit.
  • Voulant mettre de l’eye liner avant de sortir rejoindre des amies car je trouve ça beau, qu’avec je me sens belle et que oui, j’aime me sentir jolie quand je suis dehors, systématiquement on me dit « t’es sûre que tu vas voir que des copines ? ». Donc je ne peux pas me maquiller pour moi ? Chacun de mes amis est une éventuelle « conquête » ? Si c’était le cas, pourquoi mes amies ne le seraient pas aussi ? Donc oui j’aime me maquiller, je le fais pour moi et même si ce n’était pas le cas, où est le souci ?
  • Mes grands-parents n’ont pas l’air aussi fiers de ma cousine qui fait de la danse classique que de moi qui fait un sport « violent » et « pour les hommes » qui est la boxe.
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#5

  • « C’est un rôle « masculin », il est plus intéressant qu’un garçon le joue »
    C’est une phrase que j’ai entendu en cours de théâtre. Pour moi, il n’y a pas de rôle « féminin » / »masculin ». Il s’agissait juste d’un texte tapé sur une feuille de papier, qui énonçait un comportement, le genre n’avait donc rien à voir là-dedans. J’ai trouvé ça triste qu’on cherche à forcément imposer un rôle dit masculin à un garçon alors qu’une fille aurait pu le jouer de la même manière. Je ne comprenais pas pourquoi on s’attendait à ce qu’un garçon veuille davantage le jouer.
  • On m’a reproché plusieurs fois de ne pas « être féminine ». C’était d’ailleurs des remarques qui sortaient davantage de la bouche de ma mère que de mon père. Comme si, car je suis une femme, j’avais l’obligation de me maquiller tous les jours et de privilégier les jupes aux pantalons. Je ne vois pas pourquoi je ne dois pas me sentir femme en portant un jean et un sweat, ou un quelquonque vêtement dit „masculin”. Être une femme ce n’est pas une apparence, c’est pour moi essentiellement un ressenti. Alors je ne vois pas pourquoi il faudrait s’attendre à forcément voir une femme maquillée ou un homme répondant au cliché „d’homme virile”.
  • On s’attend à ce que je fasse de grandes études pour „réussir”. Je ne vois pas en quoi vouloir suivre les voies dites „de prestige” est une réussite. Je n’ai pas besoin de gagner 5 000 euros, d’avoir une maison, d’être mariée pour „réussir”. Ça n’est pas comme ça que je me vois vivre.

#6

  • Avant même notre naissance, nous sommes condamnées. Avant même que l’on ait pu dire un seul mot, tout est choisi à notre place.
    Notre orientation sexuelle nous est d’ors et déjà imposée. Si c’est une petite fille on lui achètera un bonnet rose avec des fleurs, si c’est un garçon c’est un t-shirt Spiderman qui lui sera offert. Les parents de la future petite fille auront, des mois en avance décoré sa chambre avec des licornes. ÉcraséEs par des normes avant d’être néEs. Les publicités, codes sociaux, mœurs, choisissent pour nous ce que l’on doit aimer.
  • Une famille est en train de dîner. À table, les parents rigolent doucement. Leur fille Chloé vient de leur demander si en septembre ils accepteraient de l’inscrire dans un club de foot. „Tu feras de la dance ma fille” lui répond son père. Chloé face à cette réponse cherche une aide dans les yeux de sa mère. „Ton père a raison, tu es une fille et les filles ça ne joue pas au foot”. Une fille, ça doit être délicat, ça doit être doux.
    Nous sommes des personnes, des individus uniques, nous ne sommes pas uniquement un sexe.
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#7

En fait, ça m’énerve d’avoir autant conscience du formatage que j’ai subi depuis ma naissance. J’ai été mis dans le moule de ma condition de femme et je sais que je suis obligée de respecter toutes les normes qui vont avec. Au final, c’est simple de faire le choix de vivre comme on l’entend peu importe ce qu’on est « sensé » faire faut juste réussir à passer au dessus de tout et réussir à, en quelque sorte, se reconstruire depuis le début.
Non mais en vrai, le plus chiant c’est vraiment d’avoir conscience d’être bloquéEs dans cette position, dans ce rôle de femme alors qu’au final je suis juste un individu à part entière et on n’a pas à m’imposer quoi que ce soit.
Au même titre qu’on n’a rien à imposer à n’importe qui.
Pourquoi on ne fait pas juste ce qu’on veut touTEs et puis c’est tout ? Si on veut porter de la dentelle, oublier notre rasoir pendant 6 mois, fumer, boire, avoir un vocabulaire chargé en mots fleuris bah on le fait et c’est notre problème.

Et juste pour revenir sur ce que j’ai dit, c’est vrai qu’en y réfléchissant, j’ai l’impression que parfois le fait d’être une femme m’empêche d’être un individu à part entière. Genre on est pas des individus à la même instance que les hommes.

Et aussi, une chose qui m’énerve. Je ne veux pas d’enfants parce que ca n’est pas écolo, je trouve ça égoïste de faire un enfant juste pour le jeter en pâture a la société. Eh bien on me dit sans arrêt que non, je vais FORCÉMENT changer d’avis.
FORCÉMENT comme je suis une femme je vais en avoir envie et je devrais en avoir.

#8

Il était une fois, une personne discriminée par rapport à son physique et son comportement en société. Un jour, passant dans une rue en fumant sa cigarette, un groupe de 5 autres personnes lui lancèrent un reproche qui pouvait sembler anodin au regard de certains mais qui la blessa au fond d’elle. « Eh toi là-bas, tu ne jetterais pas ta clope ? Tu serais plus mignonne ! ». Elle continua son chemin pour rejoindre son copain, 5 personnes en face d’elle, impossible de les affronter, il faut fuir lui avait-on répété.
Une fois arrivée à sa destination, elle l’embrasse, mais au lieu d’un bonjour elle entend plutôt : « P**** t’aurais pu faire un effort, t’es pas maquillée et t’arrives en jogging c’est déprimant. » Encore une fois elle se tait, on lui a inculqué de se taire quand un homme parle, c’est la vie qui est ainsi. Ils montent ensuite dans le logis de celui-ci et s’installent dans la chambre devant un film. Elle prend un temps pour s’exprimer et dit : « Il est vraiment à chier ce film » puis, une réponse cinglante retentit « tu vas la fermer avec tes mots vulgaires ? J’préfère carrément quand t’as la bouche ouverte et que tu ne parles pas, t’es plus gentille comme ça ». Elle comprit qu’elle n’aurait jamais la fin du film et, allongée sur le lit en un mouvement de bras de son copain, elle n’a plus rien à faire à part se laisser faire comme on lui a appris. « T’es même pas épilée, c’est du foutage de gueule, je pense clairement que ça devrait se finir entre nous ! ».
Elle su a cet instant qu’à cause des règles et normes qu’on lui imposait à longueur de temps elle ne pourrait être heureuse. Ses libertés de penser et d’être sont plus importantes que toute autre chose à ses yeux. Elle prit ses affaires et claqua la porte en criant « Adieu ».

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#9

J’ai choisi un métier dans le domaine du bâtiment. Les femmes étaient plutôt fières de moi, j’ai reçu beaucoup de soutien, elles m’ont encouragée. De la part des hommes, c’était plutôt l’étonnement, ou des sourires malveillants qui m’ont cassé le moral. Puis les commentaires, « donc tu veux faire un métier d’homme car tu veux être un homme ? », « c’est pour t’amuser j’imagine, ton vrai métier c’est quoi ? »
La plupart des hommes que je croise ne croient pas en mes compétences, ils me testent. C’est dur de garder de l’énergie et de ne pas se sentir « moins capable ».
Malheureusement, la société attend, même inconsciemment, que les femmes exercent que des métiers considérés depuis des années comme « de femmes » et qu’elles n’essayent pas de rentrer dans le monde des hommes.
Le bon côté est que toute la sphère masculine ne se comporte pas de la même façon.

#10

Je m’en souviens très bien, je crois bien que c’est le souvenir qui m’a le plus marquée. Cela ne faisait pas très longtemps que j’étais arrivée à Lyon, quelques semaines tout au plus. J’avais commencé les cours, rencontré des gens et on sortait, assez banal. Après quelques bières un soir, on avait bien envie de s’amuser et d’aller danser, dans un bar (boîte à musiques commerciales on ne va pas se le cacher). On commande des verres (à des prix exorbitants) et on continue notre soirée. À un moment, je propose à un pote de lui prendre à boire et je vais attendre au bar pour commander des verres. Au bout de 10 minutes, un mec arrive derrière moi, me passe clairement devant, claque des doigts et commande direct. Je lui fais la remarque que j’étais là avant lui et qu’il pourrait attendre comme tout le monde. Il me regarde droit dans les yeux, me sourit et me dit « Et alors ? T’es une fille, qu’est-ce que tu vas faire ? ». Je ne m’y attendais tellement pas que je n’ai pas eu de répartie, et je m’en veux, tellement. Quand j’y pense je réfléchis à tout ce que j’aurai pu lui dire pour lui faire fermer son clapet, lui enlever ce sourire hautain du visage et qu’il se sente con et impuissant, qu’il ressente exactement les mêmes émotions que moi.

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