Comment fanent les fleurs transphobes



Lettre ouverte au podcast Floraisons

À leurs débuts, les Podcasts Floraisons nous ont réjouis ; enfin un podcast à perspective anarchiste, bien fait et couvrant plein de thèmes passionnants avec une approche radicale. Comme beaucoup d’autres, on s’est rapidement rendu à l’évidence. Derrière un paravent pseudo-anarchiste-écologiste, l’équipe de floraisons est entrée dans la spirale réactionnaire : Paternalisme moralisateur envers les travailleureuses du sexe et transphobie de plus en plus débridée.

Version brochure disponible ici

Au podcast floraisons,

Votre projet de podcast a débuté rempli d’une forte potentialité subversive et vous avez dû en réjouir beaucoup. Vous sembliez portez en vous l’espoir de renouer avec l’écologie radicale et d’ouvrir de vastes horizons de luttes.
Pourtant, qui vous écoute depuis le début a pu faire comme nous le triste constat de votre déclin et des possibilités révolutionnaires gaspillées. En cause : votre transphobie – pardon, votre refus de reconnaître à chaque personne la liberté à l’autodétermination en terme de genre. Votre transphobie donc, est venue se ficher dans votre pied telle une balle de revolver. Car une position réactionnaire ne vient jamais seule et entrouvre la fenêtre à l’extrême droite, sous ses formes les plus diverses. Elle dégouline comme une tache de peinture sur tous vos contenus, jusqu’à finalement recouvrir tout le tableau de la terne couleur grise de la réaction.

Vous êtes un cas d’étude intéressant nous permettant de comprendre pourquoi un groupe émanant d’un milieu émancipateur mais endossant une position réactionnaire finit toujours plus ou moins par sombrer dans un gouffre réactionnaire, avec la droite conservatrice et la fachosphère, tout en s’éloignant des luttes sociales. Cette dynamique est un chemin qui possède une logique toute simple… et vous affecte déjà. Voyons cela de plus près.

Premier pas : l’étendard dans le vent

Plus vous quittez votre timidité du début et endossez ouvertement les positions transphobes qui sont les vôtres, plus votre aura grandit dans les milieux transphobes. En premier lieu les milieux TERFs bien sûr, mais votre contenu devient aussi une ressource potentielle pour tout groupe social historiquement transphobe et antiféministe, allant des cathos intégristes à la fachosphère.

Dans un environnement militant majoritairement queer-friendly, vos prises de position détonnent. Rapidement vous devenez comme un étendard dans le vent, signe de ralliement pour toutes les personnes effrayées par le « lobby queer-féministe » ou choquées de la perte de repères que représente une remise en question de la conception binaire et patriarcale du monde.
L’étiquette « transphobe » a émergé, s’est collée sur votre visage et devient perceptible autant pour les personnes soutenant vos positions transphobes que par les personnes les critiquant. Par un mouvement logique, plus votre aura grandit dans les sphères transphobes, plus elle diminue dans les mouvements émancipateurs intersectionnels. Ce mouvement est déjà perceptible et plus il s’accentue, plus l’étiquette « transphobe » vient vous recouvrir l’entier du visage et submerger toute autre thématique. De culture de résistance vous êtes réduits à une culture de la transphobie.

Deuxième pas : exclusions des luttes sociales & perte de diversité

Vous aviez commencé vos podcasts avec une diversité de contenu assez chouette, qui laissait promettre une certaine intersectionnalité et une résonance large : violences policières, écologie radicale, féminisme, lutte contre les sectes, etc.
Mais cette époque semble déjà loin derrière vous. Les positions réactionnaires que vous défendez vous enferment, vous isolent et vous marginalisent. Grandir dans les milieux réactionnaires a pour conséquence de vous faire disparaître des luttes sociales émancipatrices et cela se ressent sur la diversité de votre contenu et des personnes intervenant dans vos podcasts. Moins de personnes souhaitent prendre part à vos podcasts pour y diffuser leur contenu ou répondre à des interviews. Beaucoup de personnes ne souhaitent tout simplement pas être mises en lien avec vous, à cause de vos positions oppressives. Et c’est cela qui raréfie la diversité des thématiques abordées.

La transphobie et le paternalisme dont vous faites preuve à l’encontre des travailleureuses du sexe ne sont pas des positions politiques amenant à des débats « généraux » comme le sens de l’action directe ou la stratégie des gestes eco-citoyens. Ce sont des positions qui s’attaquent directement à des individu[ex]s, niant leurs existences, leurs choix et prenant pour cible une catégorie sociale plutôt que des idées politiques.
En cela, vous créez un fossé avec toutes les personnes trans et non-binaires, mais également avec leurs amixes et complices de luttes, ainsi qu’avec toutes les personnes alliées ou soutenant les luttes queers. Il se trouve que les luttes portées par des personnes queers grandissent et que des liens solides se créent avec d’autres courants de lutte comme l’anarchisme, l’antiracisme décolonial, les luttes des personnes migrantes et bien d’autres. Là aussi se cache une logique tout simple : les personnes queers sont également (souvent) des personnes touchxées simultanément par plusieurs oppressions, ce qui crée automatiquement des ponts entre ces thématiques.
Pas facile dans ce mouvement de repli sur soi-même de continuer à amener un contenu diversifié. Auriez-vous, par exemple, fait une recension du livre de Peter Gelderloss sur le mythe de la non-violence après que ce dernier aie critiqué publiquement la transphobie de l’un de ses traducteurs français ?

C’est l’avantage de l’intersectionnalité que d’ouvrir des marges aux intersections et ainsi créer des complicités en étendant le terrain de nos luttes. Mais l’intersectionnalité est aussi possible à droite et c’est ce qu’on va voir dans le prochain chapitre.

Troisième pas : Retrouvez des alliés & étendre les positions oppressives

Comment alors continuer vos activités tout en perdant petit à petit pied dans les mouvements de lutte sociale ? Tout simplement en cherchant des complices chez d’autres réactionnaires. C’est une dynamique que l’on peut déjà constater chez d’autres personnalités transphobes dont vous vous revendiquez proches, comme Dora Moutot et Marguerite Stern, dont les liens avec l’extrême droite et les mouvements complotistes grandissent au fur et à mesure qu’elles aussi se voient exclues des milieux féministes et émancipateurs.
C’est une pente que vous aussi vous empruntez. En invitant le groupe Pièce et Main d’œuvre à parler d’écologie anti-industrielle, vous donnez une plateforme à un groupe transphobe en accord avec votre propre position, mais également masculiniste et homophobe. C’est évocateur de la logique citée plus haut. La transphobie devient le fil rouge de votre monde de plus en plus exigû. Ce n’est plus possible pour vous de trouver des collectifs et individus qui viennent parler d’anti-industrialisation et qui ne serait pas eux aussi transphobes. Manque de pot, le collectif en question (PMO) a déjà franchi quelques étapes supplémentaires sur le chemin de la réaction et défend également des positions homophobes, masculinistes mais aussi validistes. Vous avez pourtant décidé de les inviter en fermant les yeux là-dessus. Comment sinon remplir vos podcasts de contenu ? Le prix à payer pour ne pas se retrouver seul semble être de flirter avec d’autres positions réactionnaires, même si elles peuvent être contradictoires avec les positionnements politiques de vos débuts.

Voilà ce que nous apprend votre cas d’étude. À force de d’(auto)-exclusion des mouvements émancipateurs, à force de positions réactionnaires et oppressives, il ne vous reste plus qu’à vous tourner vers les groupes sociaux qui surfent eux-aussi sur des positions réactionnaires. Ce mouvement va s’accentuer encore et encore, vous éloignant des positions émancipatrices sur tous les sujets de lutte. L’entre-soi réactionnaire est devenu votre horizon.

Quelques fleurs dégenrées du Projet-Evasions

Quelques lectures conseillées

Pour appronfondir le sujet de l’utilisation de d’êxtreme droite des positions TERF
• Comment l’extrême droit transforme les féministes en facistes

Pour une analyse plus profonde de la dynamique de glissement d’une position emancipatrice vers le fascisme
• écologie, transphobe et proto-fasciste

Pour explorer une position anarchiste sur les thématiques de genre
• Pour l’autodétérmination de genre

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P.-S.

Retrouvez toutes nos productions sur projet-evasions.org


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