Cet article est une un droit de réponse à l’article Pourquoi le CRI et Droits des femmes 21 ont-elles été huées à la manifestation du 25 novembre ?. Il ne reflète pas l’opinion de l’équipe de modération de Dijoncter.info. Pour en savoir plus sur le sujet nous vous invitons à lire l’article auquel il répond ainsi que l’interview « Arrêtez de parler à notre place et écoutez-nous ! » - Entretien sur le Travail du Sexe avec l’association PDA.
Nous, militantes ayant participé à l’organisation de la manifestation du 25 novembre à Dijon au titre de nos associations et syndicats, souhaitons exercer notre droit de réponse suite à l’article paru sur le site Dijoncter :
Pourquoi le CRI et Droits des femmes 21 ont-elles été huées à la manifestation du 25 novembre ?
Nous avons œuvré pendant des mois afin d’organiser une manifestation unitaire en connaissant les divergences de positionnements sur certaines questions, mais en voulant croire qu’il était possible de réunir toutes les composantes du mouvement féministe ; nous continuons à penser que dans le contexte de montée de l’extrême droite et ses idées, la construction de l’unité est indispensable, voire carrément vitale. Mais elle nécessite impérativement le respect de la diversité, des équilibres trouvés et des engagements pris.
Si les prises de parole du Collectif Droits des femmes et du Cri ont été huées, cela n’avait rien de spontané, puisque l’apparition d’un mégaphone à l’instant T était savamment orchestrée, en dépit de tout le travail commun de ces derniers mois. Nous tenons à préciser qu’une prise de parole avait été proposée au collectif Bord’iel, qui l’a refusée. Il est donc faux d’écrire que nous refuserions « d’entendre les témoignages de celles et ceux qui pratiquent le travail du sexe ».
Attachées à la liberté d’expression, nos organisations n’ont jamais tenté de censurer qui que ce soit. Nous pensons qu’être féministes, c’est savoir écouter ce que chaque femme a à dire, aussi bien celles qui se déclarent « travailleuses du sexe » que celles qui se nomment elles-mêmes « survivantes » de la prostitution. Parce que huer les prises de parole abolitionnistes, c’est aussi silencier et invisibiliser ces survivantes, même si elles ne viennent pas témoigner directement. La traite d’êtres humains, l’esclavagisme sexuel, la prostitution forcée (notamment de migrantes et de mineures) sont également des réalités. Et cela n’a rien à voir avec une « morale abstraite ».
Nous exprimons également notre exaspération face au dénigrement répété de l’abolitionnisme. C’est tellement facile de nous traiter de « putophobes » et de nous ranger du côté de l’ordre moral. Mais la réalité est un peu plus complexe ! Nous ne jugeons pas les personnes, nous ne sommes pas dans une posture moralisatrice. Nous entendons les « TDS » qui disent se sentir bien dans ce qu’elles font. Nous dénonçons les violences et la précarité subies par de nombreuses personnes prostituées. Mais nous pensons que la régularisation de la prostitution n’est pas la solution, parce qu’elle aurait des conséquences néfastes pour de nombreuses femmes et filles. Par ailleurs, les pays l’ayant réglementée n’offrent pas aux prostituées des conditions de santé et de sécurité meilleures, voir par exemple l’Allemagne et la Belgique. Nous récusons également la catégorie « TDS » parce qu’elle englobe des proxénètes, des producteurs et des acteurs de porno, et toute l’industrie du sexe, capitaliste, qui génère des milliards à l’échelle planétaire, c’est-à-dire des violeurs, des exploiteurs, des profiteurs. Et puis arrêtons de dire que les abolitionnistes mettent en danger les personnes prostituées : la violence, c’est bien le client qui l’exerce ! (On peut aussi rappeler que les organisations abolitionnistes sont partagées quant à la pénalisation des clients).
Nous sommes abolitionnistes parce que nous portons un projet de société dans laquelle la sexualité serait libre, égalitaire et émancipatrice, et non pas régie par un contrat de subordination.
Malheureusement, nous arriverons probablement à la même conclusion que la « manifestante » dont le témoignage a été publié, concernant le paragraphe « Peut-on lutter ensemble ? »... Cela semble bien compromis. Non, décidément, votre inclusivité et votre bienveillance ne semblent pas destinées à toustes. Vous mettez en avant les divisions quand nous essayons de construire l’unité, vous utilisez la conflictualité en réponse au pluralisme. Quel gâchis...
Patricia Héry-Durand et Cécile Ropiteaux, LDH Dijon et agglomération ; Christine Bernery, FSU
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info