Zones A Défendre et Zones d’Autonomie Définitive partout !
« On arrête tout et on réfléchit.On nous dit : Le bonheur c’est le progrès, faites un pas en avant.Et c’est le progrès… mais ce n’est jamais le bonheur.Alors si on faisait un pas de côté ! Si on essayait autre chose !Si on faisait un pas de côté, on verrait ce qu’on ne voit jamais. »(extrait de L’An 01)
Le 27 Janvier dernier, des collectifs, des associations écologistes et des zones à défendre (ZAD) signaient une tribune qui, en réponse au plan de relance industrielle « choose france », appelaient à des luttes locales et coordonnées contre les projets industriels destructeurs, inutiles et imposés. Le 29 Février, à Nantes, à l’appel du collectif Laisse Béton [1], dont le but est d’aider à coordonner les différentes luttes du grand Ouest contre ce genre de projets, plus de deux mille personnes confluaient pour inviter le grand public à les rejoindre. Fin Mars, un rassemblement interluttes était prévu au Village de la Loire, ZAD en lutte contre le projet de contournement Est d’Orléans, pour poursuivre le mouvement, renforcer les liens entre les luttes locales et préparer une descente de Loire communaliste et antinucléaire.
Depuis, le monde est bouleversé par une pandémie mondiale dont les industries du capitalisme néolibéral sont la cause principale [2]. La stratégie du choc [3] est bien celle qui a été choisie pour maintenir l’ordre économique en place. L’inutile mise en scène d’une politique militariste de confinement généralisé, instaurée dans la plupart des pays occidentaux, n’aurait pas eu lieu d’être si d’autres moyens avaient été pris en amont [4] ou si les services publics n’avaient pas été démantelés ces dernières décennies. Ils ont laissé la pandémie s’installer au moment où de multiples soulèvements à l’échelle mondiale étaient en cours, justifiant ainsi des élans sécuritaires et nationalistes.
Le 8 avril, en plein confinement, malgré l’injonction « Restez chez vous », un violent dispositif répressif est mobilisé pour évacuer la ZAD de la Dune à Brétignolles sur Mer, montrant que le peuple et sa santé mentale comme physique ne comptent pas dans la stratégie du gouvernement et de ses puissants alliés [5].
Nous pouvons donc encore une fois constater l’incompétence d’un pouvoir centralisé ainsi que les risques qu’il nous fait courir. Par conséquent, il est urgent de continuer à s’informer et à informer les autres sur ce qu’il se passe, de réfléchir et de montrer l’importance de sortir de ce libéralisme autoritaire, en allant vers des formes d’autonomies collectives. Nous devons toutes et tous prendre du recul sur nos vies et nous radicaliser.
L’URGENCE DE LIBERER DES ESPACES DE L’EMPRISE CAPITALISTE
Les Zones A Défendre
Le coup d’état pandémique en cours prépare de multiples projets industriels inutiles, imposés et destructeurs pour relancer l’économie à marche forcée après le confinement [6]. Alors préparons nous à créer, réjoindre ou soutenir des Zones A Défendre et à les relier pour résister à la violence de l’attaque.
La stratégie des Zones A Défendre (ZAD) sera plus pertinente que jamais. Elle associe la diversité des pratiques dans la stratégie de lutte, la vie en collectivité, la solidarité ainsi que l’expérimentation de pratiques d’autonomie (cueillette, jardinage, soin des forêts, construction de cabanes, de yourtes, de fours à pain, cuisine collective, conserverie, technologies douces, réparation en tous genres, médecine naturelle, transmission de savoirs et savoir-faire divers et variés... ). Elle seule permettra de résister à la violence de l’offensive industrielle et autoritaire qui se prépare pour l’après confinement.
Le zadisme est à la fois un art de vivre et une forme de militantisme de terrain.Tenir une zone à défendre implique de tisser des liens de confiance sur un territoire, pour comprendre finement les rapports de force existants entre les barons locaux et les habitant.e.s, afin de s’y insérer pour y amplifier les dynamiques de résistance. Cela implique de l’intelligence collective, de la diplomatie, des blocages, du sabotage, de la stratégie médiatique et juridique, des compromis et des alliances de circonstances pour défendre des terres, des rivières... Faisons entendre la voix du vivant que les puissants et leurs politiques aveugles nous obligent à ignorer. Plus que jamais, la stratégie zadiste est une forme d’écologie sociale en prise avec les enjeux de notre époque, en alliant lieu de vie et lieu de lutte, elle ouvre la voie vers un ailleurs tout en mettant des batons dans les roues de la machine industrielle capitaliste.
Les Zones A Défendre, quand elles ne ressortent pas traumatisées par la répression, sont également des espaces de libération psychologique et matérielle, qui permettent de mieux « savoir de quelles façons nous sommes opprimé.e.s, et aussi de quelles façons nous nous auto-réprimons » comme l’écrivait justement en son temps Hakim Bey [7]. Comme dans les TAZ (Zones Autonomes Temporaires) - les free party des années 90 - nous pouvons y expérimenter d’autres formes de temporalités, travailler au corps les formes d’oppression qui nous rongent toutes et tous, de l’intérieur comme de l’extérieur, et bâtir un rapport différent au monde, loin de ce que l’on a connu dans le contexte capitaliste.
Depuis ces luttes de territoire, nous combattons les monstres qui surgissent dans le clair obscur du capitalisme, qui s’effondre actuellement en risquant malheureusement d’emporter l’humanité et le monde vivant avec lui. Les Zones A Défendre doivent continuer d’être des bases arrières vers le monde d’après en même temps que des lignes de front nécessaires au coeur du système. Multiplions les !
Les Zones d’Autonomie Définitive
Cependant, les Zones à Défendre sont des espaces en lutte fragiles et temporaires qui ne sont pas suffisants : il est donc important de pouvoir compter sur un autre type de ZAD : les Zones d’Autonomie Définitive !
Nous pouvons nous appuyer sur ce qui existe déjà dans notre environnement proche, et dès maintenant prendre le temps de nous relier et de nous auto-organiser localement. De nombreux lieux oeuvrent d’ores et déjà de manière diffuse : les jardins partagés, les ateliers vélos, les squats et centres sociaux auto-gérés, les épiceries et cantines solidaires et plus largement toute la culture coopérative, associative et populaire. Prenons le temps d’identifier nos besoins locaux, de faire du lien avec notre entourage afin d’y subvenir, de transmettre nos expériences, et créons des outils qui faciliteront la prise d’autonomie et la mise en place de la solidarité sur le long terme. Ce travail peut aussi se faire à plus grande échelle en fonction de nos situations [8].
Dans le contexte de démantèlement généralisé des services publics, et au vu de la crise économique qui s’annonce, il est nécessaire de tendre vers l’autonomie collective en continuant de faire exister des espaces de solidarité autogérés, hérités de la culture des mouvements sociaux, paysans, ouvriers, féministes et décoloniaux des siècles derniers. Il est nécessaire que nous nous affranchissions des États Nations qui nous oppriment, et du cadre législatif des normes capitalistes (propriété privée, emploi et salariat) qui nous exploitent. Mais les gouvernements et leurs alliés ne nous laisseront pas faire, c’est pour cela qu’il faut se donner les moyens de créer un rapport de force suffisant pour proposer un autre projet de société : il nous faudra être indépendant.e.s, doté.e.s d’outils d’auto-organisation pour être en mesure de nous défendre lorsque cela sera nécessaire.
Pour créer ces Zones d’Autonomie Définitive, nous devons nous entraider concrètement : réquisition de lieux et de terres [9], soutien logistique pour la création de nouveaux lieux, soutien humain quand nous nous retrouvons attaqué.e.s, connaissance des enjeux historiques, écologiques, politiques et économiques de nos villes et de nos campagnes, transmission de nos expériences, de nos échecs, de nos réussites.
SE RELIER, MULTIPLIER LES BRECHES ET RENVERSER LE SYSTEME
Iels ont déjà commencé
A Dijon, dans le quartier des Lentillères, des friches agricoles destinées à l’extension urbaine sont occupées pour se nourrir et permettent même d’alimenter des marchés hebdomadaires non lucratif à prix libre. Des cabanes sont construites, et des ateliers d’échanges de savoirs divers et variés, des concerts ou des fêtes atypiques s’organisent [10].
Dans les environs de Bure, en lutte contre le nucléaire et son monde, les zadistes expulsés de leur zad ont créé une auto-école, une boulangerie, pratiquent l’herboristerie et l’affouage avec les locaux, fabriquent des éoliennes artisanales et sont sur différents projets paysans [11].
Sur le plateau de Millevaches, un syndicat de territoire autonome relie les alternatives existantes à l’échelle de trois communautés de communes : préservation de la gestion de l’eau à l’échelle communale, récupération des logements vacants, sauvetage des services publics essentiels, accueil inconditionnel des réfugiés, cellule de soutien psychologique, entraide administrative et juridique s’organisent pour se renforcer entre elles [12].
Dans le quartier d’Exarcheia à Athènes, où nombre d’immeubles vacants sont réquisitionnés pour s’y loger, les pratiques autogestionnaires sont largement répandues : assemblées populaires, cantines, dispensaire, cours de grec à destination des réfugié.e.s, bars qui servent pour l’organisation collective, etc... [13]
A Barcelone, une ancienne usine désaffectée a été transformée en un immense centre social autogéré et les terrains vagues sont devenus jardins collectifs. Dans les quartiers populaires, les locataires expulsés réquisitionnent des appartements ou maisons vides pour se loger et créent leur propre monnaie non-indexée sur l’euro pour leurs échanges émancipés des taxes étatiques [14].
Au Chiapas, les zapatistes, à travers plusieurs communes, ont depuis plus de 25 ans, pris leur autonomie vis à vis de l’Etat mexicain. Iels s’affranchissent de son cadre législatif, politique et économique pour créer leur propre système de justice, de santé et d’éducation, leurs propres assemblées, où les habitant·e·s discutent et décident elleux-mêmes comment s’organise leur vie quotidienne [15].
Le Rojava, une région kurde sans État souverain, s’inspire du municipalisme libertaire et de l’écologie sociale de Muray Bookchin [16]. Le peuple kurde, privé de territoire, est parvenu dans des conditions géopolitiques extrêmes à faire exister une formidable expérience multi-culturelle, anti-capitaliste et écologique. L’émancipation des femmes de la société patriarcale ainsi qu’un modéle éducatif populaire et inclusif (en plusieurs langues !) sont à l’oeuvre, en pleine lutte armée contre les états turc, irakien, syrien et islamique [17]. Des coopératives paysannes, notamment de femmes, réapprennent des manières de cultiver dans un territoire détruit par les guerres et l’exploitation pétrolière [18].
Organisons-nous et fédérons-nous pour des ZAD partout !
Il y a des mondes à inventer. Des Utopies Concrètes [19] et radicales sont déjà en germes et ne demandent qu’à s’étendre et se relier. 2020 doit être l’an 01 de la sortie du capitalisme, comme la génération précédente l’appelait déjà de ses vœux dans les années 70 dans un film mythique [20]. Nous vous proposons de suivre leur programme : on arrête tout, on réfléchit. Mais aussi, car l’urgence l’impose : on s’informe, on se relie, on crée, on se défend, et c’est pas triste !
Pour faciliter l’organisation dans ce sens, nous avons créé un groupe de réflexion-action pour la sortie du capitalisme. C’est un groupe où l’on prend le temps de mettre en commun nos expériences, nos envies, nos réflexions. On y crée des outils pour renforcer nos alternatives radicales de sortie du capitalisme, par exemple des brochures sur les Zones d’Autonomie Définitive et la sortie de l’emploi. Ainsi, nous faisons partie d’une vaste dynamique de réappropriation collective qui continuera après le confinement, notamment dans les week-ends inter-luttes et inter-zad de Laisse Béton, mais aussi ailleurs !
N’hésitez pas vous aussi à créer ce qui vous semble pertinent ou à nous faire signe [21] si vous souhaitez nous rejoindre ! Préparons-nous dès maintenant à sortir concrètement du capitalisme dans la solidarité. Organisons-nous et fédérons-nous pour que nous soyons plus nombreux.ses à créer, rejoindre ou soutenir des Zones A Défendre et des Zones d’Autonomies Définitives partout dès la fin du confinement !
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