Contre la dissolution de « La Gale »



Le 11 mai prochain, le juge des référés doit examiner le cas du Groupe antifasciste Lyon et environs (Gale), dissous le 30 mars en Conseil des ministres.

Une centaine de personnalités, universitaires, artistes, avocats, député et sénateur apportent leur soutien au collectif dans une tribune pour dire : « que le recours intenté devant le conseil d’État aboutisse ou non, nous affirmons que les idées et les pratiques de l’antifascisme continueront d’exister et d’infuser dans la société, dans les esprits, dans la rue. Ces luttes sont légitimes et nécessaires. »}}}

Le 30 mars dernier, Gabriel Attal, porte parole du gouvernement, annonçait la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs (GALE). La GALE est le dernier groupe en date à faire les frais de cette procédure éminemment politique, décidée en Conseil des Ministres.

Ce qui est reproché aux membres de la GALE ?

Dans les grandes lignes, de participer à des manifestations non déclarées, où « des slogans hostiles » aux forces de l’ordre sont « proférés », de s’opposer à la « violence et au racisme d’Etat » au moyen d’un « discours idéologique », de mettre en lumière et de dénoncer la violence de la police, de ne pas hésiter à s’opposer à des groupuscules néofascistes, de relayer des informations sur des luttes et surtout d’avoir une audience massive sur les réseaux sociaux.

À la lecture de ces motifs, il apparait clairement que l’État cherche à faire taire toute critique de son fonctionnement et de sa police.

Même si le calendrier choisi par le gouvernement ne laisse que peu de doute sur la dimension électoraliste de cette manœuvre réalisée dans le cadre d’une campagne présidentielle penchant résolument à l’extrême-droite, cette décision s’inscrit dans un mouvement plus large d’accélération des procédures de dissolution et d’élargissement du champs des associations concernées à l’œuvre depuis 2010.

Le quinquennat Macron a fait plus que confirmer cette tendance puisque 29 associations ont été dissoutes administrativement au cours de cette période, notamment plusieurs associations de lutte contre le racisme et l’islamophobie et contre la colonisation des territoires palestiniens par l’État d’Israël. Aucun autre président de la Ve République n’en avait prononcé autant. Pas même de Gaulle qui en dix ans de pouvoir a pourtant usé de cette disposition d’exception à de nombreuses reprises, notamment pour faire taire la contestation issue de mai 68.

La nouveauté cette fois-ci, c’est la mobilisation d’un article de la loi Séparatisme, taillé sur mesure pour s’attaquer aux groupes de gauche radicale. C’est par le biais de cet article, qui vient renforcer les dispositions de l’article L212-1 du Code de Sécurité Intérieure, que la GALE est accusée de « provoquer à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ».

Notons qu’avec un critère de dissolution aussi large, les collectifs et organisations politiques et syndicales qui ont appelé à manifester contre la Loi Sécurité Globale, la réforme des retraites, ou encore les appels à blocage et à manifestations lancés sur facebook par des groupes gilets jaunes pourraient tout aussi bien tomber sous le coup de cette loi.

Déjà, en janvier Gérald Darmanin avait commencé a étudier les possibilités légales de dissoudre le média Nantes Révoltée, épargné pour l’instant.

Le ministère de l’Intérieur renoue ici avec un usage historique de la dissolution, aux fins de museler des résistances à l’ordre établi : dans les années 50, des organisations indépendantistes et anticoloniales étaient visées ; dans les « années 68 », c’est au tour des groupes d’extrême-gauche (Gauche Prolétarienne, Ligue Communiste, le Mouvement du 22 mars etc.) ; dans les années 80, ce sont une nouvelle fois des organisations de gauche extra- parlementaire, ainsi que des indépendantistes corses qui sont attaqués ; ou encore le mouvement kurde dans les années 90.

Les mâchoires juridiques se complètent d’année en année pour attaquer ceux et celles qui se permettent encore de critiquer le gouvernement. La loi séparatisme est venue compléter un mille-feuille répressif déjà conséquent : loi Sécurité Globale ; état d’urgence permanent ; incarcération massive pour des motifs politiques ; blessures et mutilations ; lois "anti- casseurs" après les Gilets Jaunes ; état d’urgence sanitaire ; avalanche de mesures racistes et antisociales ; poursuites judiciaires pour avoir affirmé que « la police tue ». Pourtant, la contestation ne disparaît pas.

Alors que le mois dernier, un rugbyman argentin était abattu en plein Paris par d’anciens membres du GUD (ancien syndicat étudiant d’extrême droite) sur fond de racisme, et que les idées d’extrême droite, les idées racistes et néofascistes s’expriment de plus en plus massivement dans l’espace médiatique, nous disons que la dissolution d’un groupe antifasciste participe au renforcement de cette tendance nauséabonde.

C’est pourquoi, que le recours intenté devant le conseil d’État par les avocat.es de la GALE visant à annuler la mesure de dissolution aboutisse ou non, nous affirmons que les idées et les pratiques de l’antifascisme continueront d’exister et d’infuser dans la société, dans les esprits, dans la rue.

Ces luttes sont légitimes et nécessaires. Elles perdureront malgré l’arbitraire des décisions administratives et tous les gouvernements qui les attaqueront trouveront face à eux des gens déterminés à s’opposer au tournant autoritaire que l’on veut nous imposer et à défendre le droit à critiquer le gouvernement et ses politiques.

Premiers signataires

ADAM L’ANCIEN, rappeur
Sophie ALLAERT, avocate au Barreau de Paris
Florence ALLIGIER, avocate au barreau de Lyon
Éric AUNOBLE, historien
Jean AGNES, professeur honoraire, philosophe de l’éducation
Sonia AKUE, avocate au barreau de Lyon
Judith BAZIN, avocate au barreau de Montpellier
Carole BAZZANELLA, avocate au barreau de Paris
Arnaud BEAL, enseignant-chercheur, psychologue
Geneviève BERNANOS, pour le collectif des mères solidaires
Olivier BESANCENOT, porte parole du NPA
Michèle BLANC, avocate au barreau d’Annecy
Antoine BON, avocat au barreau de Strasbourg
Taha BOUHAFS, journaliste
Nohra BOUKARA, avocat au barreau de Strasbourg
Coline BOUILLON, avocate au barreau de Créteil
Agnès BOUQUIN, avocate au barreau de Lyon
Vincent BRENGARTH , avocat au barreau de Paris
Vanessa CODACCIONI, maîtresse de conférence en science politique
Adrien CORNET, délégué syndical de la CGT Grandpuits.
Lionel CRUSOE, avocat au barreau de Paris
Emmanuel DAOUD, avocat au barreau de Paris
Benoit DAVID, avocat au barreau de Paris
Alexandre DERKSEN, avocat au barreau de Lyon
Virginie DESPENTES, romancière
Thomas DOSSUS, sénateur du Rhône
Adeline DUBOST, avocate au barreau de Lyon
Sylvain DUBRAY, avocat au barreau de Lyon
David DUFRESNE, écrivain et réalisateur
Jules FALQUET, professeure des universités en philosophie
Nicolas FANGET, avocat au barreau de Lyon
Didier FASSIN, anthropologue
Nicole FOULQUIER, avocate au barreau de Béziers
Olivier FORRAY, avocat au barreau de Lyon
Clara GANDIN, avocate au barreau de Paris
Jean-jacques GANDINI, avocat honoraire au barreau de Montpellier
Barbara GLOWCZEWSKI, anthropologue
Gaétan GRACIA, ouvrier de l’aéronautique, CGT ateliers de Haute-Garonne
Zoé GUILBAUD, avocate au barreau de Nantes
Georges GUMPEL, Union Juive Française Pour la Paix- Lyon
Anis HARABI, avocat au barreau de Paris
Mohamed JAITE, avocat au barreau de Paris
Sarah JUST, avocate au barreau de Lyon
Fayçal KALAF, avocat
Anasse KAZIB, porte-parole de Révolution Permanente
Raphaël KEMPF, avocat au barreau de Paris
Amid KHALLOUF, élève-avocat
Aurore KOECHLIN, sociologue
Frantz KOSKAS, avocat au barreau de Lyon
Isabelle KRZYWKOWSKI, professeur de littérature
Geoffroy DE LAGASNERIE, sociologue et philosophe
Mathilde LARRERE, historienne
Christian LEDUC, auteur-compositeur
Christophe LE GRONTEC, avocat au barreau de Paris
Janaïna LEYMARIE, avocate au barreau de Toulouse
Simon LE ROULLEY, sociologue
Jean-Pierre LEVARAY, écrivain
Virginie LEVERT, avocat au barreau de Lyon
Albert LEVY, avocat et ancien magistrat
Cécile LINOSSIER, avocate au barreau de la Haute-Loire
Aymeric LOMPRET, humoriste
Olivier LONG, maître de conférence en arts
Frédéric LORDON, économiste
Juliette LOUEDEC, élève-avocate
Xavier MATHIEU, comédien, ex-porte parole des Contis
Elasa MARCEL, avocate au barreau de Paris
Caroline MECARY, avocate aux barreaux de Paris et du Québec
Hélène MELMI, avocate au barreau de l’Aube
Pascale-Marie MILAN, anthropologue
Yolanda MOLINA UGARTE, ouvrière, avocate au barreau de Bayonne
Carine MONZAT, avocate au barreau de Lyon
Olivier NEVEUX, professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre
Ugo PALHETA, sociologue
Alain PARRAU, universitaire et écrivain
Hugo PARTOUCHE, avocat au barreau de Paris
Frédéric PAULIN, écrivain
Philippe PELLETIER, géographe
Bastien POIX, avocat au barreau de Dijon
Philippe POUTOU, porte-parole du NPA
Tancrede RAMONET, réalisateur
Mme Muriel RESSIGUIER, députée La France Insoumise de l’Hérault
Mathieu RIGOUSTE, sociologue
SAÏDOU (Sidi Wacho), artiste
Julien SALINGUE, docteur en science politique
Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de Paris
Dimitrios SCARPALEZOS, maitre de conférence en mathématiques
Karine SHEBABO, avocate au barreau de Paris
SKALPEL, rappeur militant
SID, artiste militant
Alessandro STELLA, historien
Fabien TARRIT, maître de conférence en économie
Romain TELLIEZ, maître de conférence en histoire
Vincent UBEDA, élève avocat
Patrick VASSORT, maître de conférence en sociologie
Pedro VIANNA, poète
Maud YOULOUNTAS, réalisatrice
Yannis YOULOUNTAS, réalisateur

Organisations :

Fédération Anarchiste
NPA 69
NPA jeunes Lyon
Squat NOTARA 26, Athènes
Groupe ROUVIKONAS, Athènes
Union syndicales Solidaires (Alsace, 11, 12, 31, 34, 45, 53, 73, 85) Sud Education 85
Syndicat de la magistrature
Association Table Rase


P.-S.

Une cagnotte pour les frais judiciaires est disponible à cette adresse :
https://www.helloasso.com/associations/temoins-des-acteurs-en-mouvement/collectes/contre-la-dissolution-de-la-gale


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