Le 19 janvier dernier, trois personnes sont arrêtées dans le Val-de-Marne en possession d’un fumigène « fait maison », de quelques pétards et de clous tordus. Ces personnes étant fichées aux RG, s’ensuit une garde-à-vue de 48 heures, une perquisition qui ravage un appart’, la prison pour deux des interpellés, une libération sous contrôle judiciaire pour le troisième en attente d’un procès. La section anti-terroriste s’est déplacée pour la perquisition mais ne se saisit pas de l’affaire qui reste du domaine correctionnel. Une enquête est ouverte pour association de malfaiteurs, détention et transport d’engins incendiaires ou explosifs en vue de détruire des biens ou de commettre des atteintes aux personnes. Ce fichage et le fait que les personnes ont refusé en garde-à-vue de se soumettre à la « signalisation » (photos, empreintes, ADN) a entraîné ce montage judiciaire très décalé par rapport aux faits. Dans les jours qui ont suivi, les médias en ont encore rajouté à coups de titres racoleurs comme dans Le Parisien du 22 janvier « Les anarchistes transportaient une bombe en kit » ou dans l’article du Monde du 2 février. La méfiance vis-à-vis de ce que l’on peut lire dans les médias bourgeois est une évidence depuis toujours, ça l’est encore plus quand les informations proviennent comme ici de fuites policières et relaient la version judiciaire à charge dans cette affaire. Gardons à l’esprit que les personnes en taule ne peuvent pas s’exprimer, il est donc essentiel de revenir un peu sur les faits, en connaissance de cause.
Les personnes arrêtées ce jour-là se rendaient à la manifestation contre les centres de rétention qui partait de Porte Dorée en direction du centre de rétention de Vincennes. Depuis un mois et demi, de nombreuses actions et mobilisations avaient lieu contre ces centres de rétention, venant des retenu-es (refus du comptage, émeutes à l’intérieur, grèves de la faim, incendies) comme de l’extérieur (rassemblements, manifestations). Ces rassemblements, notamment à Vincennes, ont été marqués à plusieurs reprises par l’utilisation de fumigènes, de feux d’artifices et autres pétards pour dérouter la police et pour signaler aux retenu-es qui luttent à l’intérieur l’existence de mobilisations à l’extérieur. Rappelons entre autre le 31 décembre où peu après minuit, un feu d’artifice avec fusées, pétards et fumigènes eut lieu près du centre de Vincennes. Il y eut également une manifestation le 3 janvier, une le 5, puis le 19 et encore le 2 février. Certaines ont réuni plusieurs milliers de personnes et toutes ont donné lieu à l’utilisation de feux d’artifices, de fumigènes ou de pétards. Quant aux « clous tordus » cités par les journaux, ils nous rappellent plutôt des crève-pneus que l’on laisse sur la route pour crever les pneus, des voitures de police et des camions cellulaires de préférence. Ils ont aussi déjà été utilisés plusieurs fois, notamment lors du rassemblement du 31 décembre, et plusieurs personnes en avaient dans leurs poches lors de la manif du 19 janvier. Il ne s’agit pas ici d’adopter un discours de l’innocence, nous savons bien que ce que nous venons de décrire est délictuel, au même titre que n’importe quel rassemblement non-déclaré en préfecture ou que le fait de courir quand la police veut nous arrêter (rébellion). La lutte place presque immédiatement dans l’illégalisme. Il s’agit de rappeler le contexte de mobilisation politique dans lequel ces arrestations ont eu lieu. Il s’agit aussi de dénoncer le montage policier et judiciaire à charge, dénoncer le fait qu’un fumigène et des crève-pneus envoient directement en taule et font presque basculer dans « l’anti-terrorisme », un concept qui s’applique à de plus en plus de situations. Cette construction judiciaire a des objectifs évidents : isoler, diviser et faire taire. Isoler les gens arrêtés du reste du mouvement en les qualifiant de « junior terroristes » irresponsables et déconnectés du reste de la société et des mouvements de lutte et de révolte qui la traversent. Faire taire en inspirant la peur à celles et ceux qui luttent. Faire taire un mouvement qui grossit et qui dérange politiquement en se battant pour la fermeture des centres de rétention. Faire taire tous celles et ceux qui luttent contre l’enfermement et le traitement que l’Etat fait subir en France aux classes populaires et aux étranger-e-s. Faire taire en montrant que participer à ces luttes peut envoyer directement à Fresnes ou à Villepinte. Les précédentes manifestations, notamment celle du 5 janvier, avaient déjà été tendues et ponctuées d’échauffourées, notamment lorsque des centaines de personnes ont investi le parking du centre de rétention de Vincennes pour se rapprocher des retenu-es et échanger avec elles et eux des cris de « Liberté », il y avait d’ailleurs déjà eu des arrestations. Les arrestations du 19 janvier doivent donc être replacées dans le contexte de cette lutte contre les centre de rétention qui a rassemblé dernièrement des milliers de personnes.
La détention de fumigènes et de crève-pneus qui vaut à deux personnes d’être actuellement emprisonnées et leur utilisation sont des pratiques partagées qui font parti de ce mouvement. Il est primordial que tous les gens qui participent ou se sentent solidaires de cette lutte n’oublient pas les personnes incarcérées et leur manifestent soutien et solidarité, notamment en relayant l’information, en diffusant ce texte, en en écrivant d’autres ou par d’autres moyens. Parce que nous mobiliser collectivement quand on nous attaque nous rend certainement plus forts que de se replier chacun dans son coin, ne laissons pas la répression s’abattre dans le silence et l’anonymat. Soyons solidaires avec les personnes incarcérées et continuons de réclamer la fermeture des centres de rétention et de toutes les prisons.
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