Ce texte initialement paru sur le site internet du Cinéma Eldorado, est le deuxième opus de la série Dijon vu par le Facteur de l’Eldo.
Le jeudi 27 septembre, l’Eldo accueillait Cédric Herrou venu présenter Libre, le film documentaire qui montre son combat pour aider les migrants passant par la vallée de la Roya. Le film ainsi que le débat qui suivit mettaient en lumière les innombrables difficultés auxquelles se heurtent les réfugiés et celles et ceux qui se mobilisent pour les aider. Lors de cette soirée, la question théorique qu’on voit débattue dans les médias mainstream, « la France a-t-elle les moyens d’accueillir les réfugiés ? », laissait la place aux questions urgentes et bien réelles de la prise en charge de ces gens qui arrivent sur le sol français dans une extrême précarité et que les autorités du pays font tout pour dissuader de rester, parfois au mépris des lois. Mettre en lumière et donner la parole aux acteurs de cette situation, informer et faire prendre conscience ; une nouvelle fois, le cinéma Eldorado jouait ces rôles-là.
C’est avec le souvenir encore vivace de cette soirée que j’effectuais ma tournée habituelle de facteur de l’Eldo quelques jours plus tard. Avec dans la tête plein de questions et notamment celle-ci : Dijon n’a-t-elle donc pas les moyens de loger quelques dizaines de migrants obligés de camper aux Lentillères ou aux Tanneries ? Et du coup, au lieu d’admirer les monuments historiques, les vieilles pierres, les espaces verts qui font de Dijon une si belle ville, je me suis mis à lorgner du côté des logements vides…
Première constatation, sur mon parcours, je dépasse de nombreuses habitations aux volets clos. Surtout aux rez-de-chaussée. Sans doute pour éviter les intrusions d’éventuels cambrioleurs… Parfois des façades entières aux volets fermés sans qu’on puisse dire si les habitants sont partis ou s’ils se protègent simplement du soleil (personnellement quand je quitte mon appartement, je laisse tout ouvert à cause des plantes).
Plus choquant, ces immeubles dont les ouvertures ont été murées : là le message est clair ; ils sont vides et interdiction d’y pénétrer. Préventives ou faisant suite à des expulsions, ces mesures extrêmes visent directement les sans-abris.
Dans certains cas, ces maisons murées semblent l’être depuis longtemps : la végétation envahit les abords, renforçant l’impression d’abandon. On imagine que toutes ces habitations sont vouées à la destruction, en attendant on interdit que toute forme de vie puisse s’y installer, même provisoirement. Quand on finit par les démolir, les traces anciennes d’occupation se recouvrent de graffitis témoignant d’une forme de renaissance, elle aussi provisoire.
Pour un habitué des salles obscures où les fenêtres sont remplacées par un écran sur lequel le monde entier peut se projeter, ces carcasses de maison dans lesquelles toute forme de vie et même de fiction possible a été abolie représentent quelque chose d’éminemment angoissant…
Mais je m’égare, et j’ai bien conscience de la futilité de ces considérations en regard des problèmes soulevés au début de cet article. Ce que montrent ces volets clos, ces fenêtres murées et ces portes barricadées, c’est cette réticence à accueillir que dénoncent Cédric Herrou et les bénévoles des associations d’aide et de soutien aux migrants. Et puis, finalement, Dijon n’est pas une si belle ville…
Compléments d'info à l'article