Fraude fiscale, sociale, aux prestations sociales : ne pas se tromper de cible



Un rapport vient d’être publié par ATTAC et l’Union Syndicale Solidaires à propos de la notion de fraude. La principale question étant de savoir où sont les vrais fraudeurs.

Synthèse

Les néolibéraux matraquent que la fraude sociale serait plus préoccupante, voire plus importante, que la fraude fiscale. En réalité, leur discours est motivé par leur idéologie et leur volonté de discréditer la redistribution sociale en stigmatisant « l’assistanat ». La fraude sociale relève essentiellement du travail non déclaré (dont sont victimes les travailleurs qui, de fait, sont privés de droits sociaux) et de réseaux organisés. Mais tous les travaux sérieux le montrent : la fraude fiscale demeure incomparablement plus élevée que la fraude sociale, dont une part minoritaire est constituée de la fraude aux prestations sociales.

Certes, la succession d’affaires révélant l’ampleur de l’évasion fiscale et la réaction des populations qui placent la justice fiscale comme l’une des priorités ont poussé les gouvernements à prendre des mesures. Celles-ci ont été nombreuses, tant au plan international que national. Mais pendant que de petits pas sont réalisés, la fraude fiscale continue bel et bien de se développer et de se sophistiquer. Si l’on assiste à un renforcement du « contrôle social », pour leur part, les résultats de la lutte contre la fraude fiscale baissent fortement. Pour le pouvoir, c’est la preuve que son action est efficace et que la fraude baisse. Mais les données parlent d’elles-mêmes : en réalité, les redressements issus du contrôle fiscal baissent en raison d’une part, de la baisse des effectifs des services de contrôle fiscal et d’autre part, de dispositifs qui affaiblissent la lutte contre la fraude fiscale. Et ce, alors que le nombre de foyers fiscaux et le nombre d’entreprises soumises tant à l’impôt sur les sociétés qu’à la TVA augmente. Par conséquent, le « taux de couverture du tissu fiscal » (c’est-à-dire le nombre de contrôles rapporté à une population donnée : entreprises ou ménages) chute fortement.

Entre 2008 et 2019 (soit l’année précédant la crise sanitaire au cours de laquelle le nombre de contrôles s’est effondré du fait du confinement et des restrictions sanitaires), le nombre de contrôles « sur place » est passé de 52 010 à 45 114 soit une baisse de 13,25 %. Le nombre de contrôles sur pièces (les CSP) est passé de 1 000 532 à 441 544, soit une baisse de 55,86 %. Les résultats financiers du contrôle fiscal ont baissé également de 11,28 %. Ils passent (en droits et en pénalités) de 15,63 à 13,86 milliards d’euros et, pour les seuls droits (le montant de l’impôt éludé), ils baissent de 10,11 %, soit de 12,73 à 11,45 milliards d’euros. Après une année 2020 marquée par une chute d’activité due aux mesures de restrictions face à la crise sanitaire, l’année 2021 confirme cette tendance globale à la baisse avec un résultat global de 13,4 milliards d’euros.

Parmi les raisons de cette chute spectaculaire figure la baisse des effectifs au sein de la Direction générale des finances publiques. Depuis la fin des années 2000, les services de contrôle ont donc perdu au moins entre 3 000 et 3 500 emplois, peut-être même plus de 4 000. Le contrôle « social » est pour sa part privilégié par les pouvoirs publics et les tenants des politiques néolibérales : on assiste à un renforcement du contrôle des chômeurs et chômeuses tandis que les effectifs alloués au contrôle des prestations sociales ne baissent pas, voire augmentent.

La réalité de l’évolution de la fraude fiscale et du contrôle fiscal est donc bien souvent à l’opposé des discours officiels et des tentatives de manipulation de celles et ceux qui la minimisent et préfèrent évoquer la fraude aux prestations sociales. De fait, la fraude fiscale reste systémique et coûte toujours un « pognon de dingue ». Pour en finir avec ce fléau, nous mettons un certain nombre de propositions en débat. Elles portent, tant au plan national qu’international, sur le renforcement des moyens législatifs, juridiques, matériels et humains de l’ensemble des services engagés dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. L’objectif est de s’attaquer véritablement à ce fléau pour rétablir la justice fiscale et dégager des recettes publiques afin de faire face aux besoins sociaux, environnementaux et économiques.

Introduction

Toute fin de quinquennat appelle à en dresser le bilan. Et d’une certaine manière, en matière d’évasion et de fraude fiscales, le quinquennat d’Emmanuel Macron aura été « riche »...

Comme les précédents, il aura connu son lot d’affaires d’évasion fiscale révélées au grand public. En témoignent les Pandora papers, Openlux, l’ISF Gate ou les suites de Cum ex files notamment, pour ne citer que celles qui ont marqué l’année 2021.

Comme les précédents, il aura été marqué par des lois, inévitablement accompagnées de déclarations solennelles consistant à jurer la main sur le coeur que la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales était une priorité du pouvoir.

Et comme les précédents, il aura été marqué par un profond décalage entre les paroles et les actes. Mais, si les autres quinquennats auront connu ce genre de décalages, la période 2017-2022 aura toutefois été assez remarquable de ce point de vue…

La période récente a également été marquée par la tentative de plusieurs personnalités de minimiser l’importance de la fraude fiscale et, inversement, de maximiser celle de la fraude sociale, notamment de la fraude aux prestations sociales. Cette polémique est nourrie par des personnalités acquises aux thèses néolibérales et conservatrices qui prônent la déréglementation, la réduction de l’action publique et de la protection sociale (pour mieux en privatiser des pans entiers) et qui dénoncent sans relâche l’assistanat pour mieux tenter de décrédibiliser toute forme de redistribution sociale. Il s’agit pour ces personnalités de réduire les prestations sociales, notamment l’indemnisation du chômage, les pensions de retraite et les minima sociaux et de renforcer le contrôle social plutôt que le contrôle fiscal...

Mais les faits sont têtus. Les données parlent d’elles-mêmes. Tous les travaux sérieux menés sur ces sujets le montrent : la fraude fiscale est incomparablement plus élevée que la fraude aux recettes sociales, elle-même étant beaucoup plus importante que la fraude aux prestations sociales, réelle ou supposée, mais trop souvent fantasmée. La tentative de stigmatiser la redistribution sociale, les chômeurs et les chômeuses ainsi que « l’assistanat » échoue donc devant la réalité.

Il est essentiel de revenir sur l’ensemble de ces questions pour y voir plus clair et distinguer le vrai du faux. C’est le but du présent rapport, inédit à bien des égards car signé par plusieurs organisations, qui revient sur les principaux enjeux touchant à l’importance de la fraude fiscale, sur la polémique entourant l’évaluation de la fraude sociale, sur l’évolution de la lutte contre la fraude fiscale et sur les propositions mises en débat pour en finir avec l’évasion et la fraude fiscales.

Au fond, l’enjeu peut se résumer en deux questions : faut-il réduire les droits des bénéficiaires de prestations sociales et renforcer leur contrôle ou renforcer la lutte contre la fraude fiscale ? Nos organisations répondent fermement oui à la seconde...



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