La lutte à Lützerath s’enflamme



Récit de l’expulsion en cours dans un village occupé en allemagne contre l’industrie du charbon par un petit groupe de personnes francophone ayant habité et résisté quelques mois sur zone.

Ce matin le mercredi 11 janvier aux alentours de 9h, des centaines de voitures de police ont encerclé un village occupé depuis près de 2 ans dans l’ouest de l’allemagne. A quelques mètres du campement seulement, se dresse la mine à ciel ouvert et ses monstres de métal avalant petit à petit terres agricoles, villages, forêts, au profit de l’industrie du charbon [1]. Cet article a été écrit par un petit groupe de personnes francophone ayant habité et résisté quelques mois sur zone (contact : laluttealutzerathsenflamme@riseup.net) .

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Lützerath est une ZAD structurée selon les pratiques militantes allemandes et ne ressemble pas nécessairement à l’image d’une ZAD qu’on aurait en France. Après les très populaires occupations de la forêt d’Hambach [2] et de Danni [3], les militant.es ont développé un certain mode de fonctionnement en groupes de travail (cuisine, infrastructures, soin et premiers secours, presse, point info, vigies...) Ainsi à lützerath, il est possible d’accueillir des milliers de personnes pour des festivals, des visites de groupe, des manifestations ou des actions de masse… tout en maintenant une certaine autogestion sur l’ensemble du camp. En permanence mais surtout le weekend, des flots d’étudiant.es, d’activistes issu.es d’associations diverses, des familles ou de simples curieux.ses viennent passer quelques jours dans le village. Entre anciennes fermes squattées, cabanes dans les arbres, caravanes et tentes, ce sont chaque jour des nouvelles arrivées et des nouvelles personnes qui se politisent. Cependant, par cette volonté d’attirer et de rallier le plus de monde possible à la cause, l’esprit offensif s’est peu à peu effacé. Les micro-institutions permettant à la ZAD de tourner avec autant de monde sont également devenues lieux de hiérarchies informelles, difficile à remettre en question et à modifier (citons la traditionnelle assemblée générale centralisée). Ici donc, pas ou peu de barricades, la police et les vigiles de la société RWE peuvent s’approcher du camp sans encombre, les actions et manifestations sont majoritairement pacifistes.
Il faut aussi tenir compte du contexte de la police allemande, dont les pratiques diffèrent énormément de la police française. La répression a lieu bien plus au niveau légal, à posteriori, qu’au niveau physique directement lors d’affrontements. Là où la police française dégaine systématiquement matraques, LBD et grenades, la police allemande est plutôt partisane d’une doctrine de « désescalade », n’ayant que rarement recours à ces armes « sublétales ». En revanche, dans certaines régions d’Allemagne dont notamment la Rhénanie du nord Westphalie (où se situe lützerath), le temps réglementaire d’une garde à vue n’est plus 24 ou 48h, mais… 7 jours. La loi est très durement appliquée et utilisée abusivement – il n’est pas rare que des militant.es occupant des tripodes ou des arbres disparaissent en prison pour plus d’un an [4] .
C’est donc dans ce contexte contraignant que se situe lützerath aujourd’hui, à l’aube de l’expulsion. Pourtant, nos camarades sur zone semblent déterminé.es à passer à la vitesse supérieure et à repousser les limites de ce que l’État, sa police et sa propagande leur impose. Malgré le fait que le mode d’action majoritaire soit encore passif/défensif (sit-in, armlock, occupation pacifique de structures en hauteur…) ; les dernières nouvelles qui nous parviennent donnent de l’espoir.

  • Le 2 janvier dernier, les premières voitures de police sont arrivées pour monter un campement spécialement destiné au matériel et au personnel de police pour l’expulsion. Malgré l’effet de surprise et de stress, nos ami.es zadistes ont spontanément réagi avec des jets de pierres et des feux d’artifice. Puis dans les jours suivant, des blocages plus organisés, plus massifs et plus pacifistes ont tenu bon pour stopper tant bien que mal l’installation du « cops camp ». Jour et nuit, les vigies ont suivi attentivement les mouvement de la police et informé l’ensemble du camp en cas d’urgence. Ainsi, en parallèle de la vie quotidienne - la cuisine, la vaisselle, les réunions, les constructions ; une mobilisation continue a ralenti et perturbé l’avancée de la police. L’engouement pour la construction de barricades s’intensifie, alors qu’il était au point mort quelques semaines avant encore !
  • Le 8 janvier, lors de la marche organisée par Alle Dörfer Bleiben (l’une des plus grosses association légale luttant contre la mine [5]), un mouvement de masse spontané a repoussé l’ensemble du dispositif déployé jusque là par la police. Un petit groupe d’activistes a commencé par voler des barrières aux abords de leur camp, et lorsque la police a réagi, la masse a peu à peu formé des lignes serrées et avancé bras-dessus bras-dessous. Bien qu’on ne puisse pas parler d’affrontements, la solidarité du grand nombre et la volonté de chasser les forces de l’ordre a duré tout un après-midi, débordant complètement le dispositif en présence. Des activistes se sont ainsi frayé.es un passage jusqu’à l’excavatrice la plus proche, stoppant son activité. D’autres ont formé une chaîne pour placer des branches et troncs d’arbre en travers de la route. Ce n’est qu’à la tombée de la nuit que des renforts de police sont venus pour mettre fin à l’action.
  • Le 11 janvier au matin, des milliers d’agent.es de police ont envahi la ZAD depuis plusieurs points, marquant le début du gros de l’opération. En plus des fourgons de police traditionnels, engins de chantier, canons à eau, véhicules blindés, hélicoptères, drones, ont encerclé tout le village. A l’intérieur et encore à l’heure où cet article est écrit, nos camarades tiennent bon ! Iels bloquent les routes de ravitaillement de la police, occupent les structures en hauteur ; tripodes et monopodes, balançoires, cabanes dans les arbres, toits des maisons… nos amie.es zadistes allemand.es ne se contentent pas seulement de bloquer au sol, mais exploitent l’avantage de la hauteur pour faire perdre du temps et de l’argent à la police. L’expulsion est sans doute partie pour durer plusieurs jours…


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