La mémoire assiégée



L’hommage organisé dimanche au monument de commémoration des victimes de la rafle du Vel d’Hiv a été violemment perturbé. Nous y étions. Un article du collectif Tsedek !

Ce dimanche 12 novembre à 11h, à l’appel de plusieurs organisations de jeunesse et d’autres collectifs, dont Tsedek !, devaient avoir lieu un dépôt de gerbe et une prise de parole devant le monument dédié aux victimes de la rafle du Vel d’Hiv, à Paris. Par cette action, nous souhaitions à la fois dénoncer la recrudescence actuelle d’actes antisémites et rejeter l’instrumentalisation qui en est faite par des partis défendant des politiques racistes, voire d’extrême-droite.

Quelques centaines de personnes et quelques élu·es étaient sur place mais la cérémonie n’avait pas encore commencé quand une quinzaine de personnes a surgi derrière le monument et l’a escaladé en brandissant des pancartes et en hurlant “Touche pas au Vel d’Hiv !”. S’en est suivi un moment de confusion, et le départ d’une partie des manifestant·es. Après l’arrivée des CRS venus encadrer les contre-manifestant·es, des prises de paroles ont finalement pu avoir lieu, malgré d’innombrables insultes et perturbations sonores. Plus tard, après le départ des contre-manifestant·es, deux gerbes ont été déposées, accompagnées d’une minute de silence.

Les perturbateur·rices, qui ne se sont jamais identifié·es formellement, n’ont eu de cesse de prétendre être les seul·es Juif·ves présent·es, malgré notre banderole et la présence de survivant·es de la rafle du Vel d’Hiv. Ce faisant, ils et elles ont tenté de s’approprier la mémoire du génocide juif en France, en interdisant à des organisations de gauche et à d’autres personnes juives de rendre hommage à nos mort·es. Les policiers, pour leur part, avec leurs boucliers tournés vers la foule, donnaient le sentiment de protéger les contre-manifestant·es, qu’ils n’ont jamais cherché à faire partir.

Cet incident révèle encore un peu plus le degré de confusionnisme et d’inversion des valeurs dans lequel est plongé le débat public français : tandis que des partis du bloc au pouvoir et d’extrême-droite appellent à défiler contre l’antisémitisme, des défenseur·ses autoproclamé·es de la mémoire juive viennent saboter un hommage aux victimes du génocide, en piétinant au sens propre le monument qui leur est consacré. Quant aux organisations de gauche qui refusent la collusion avec des partis racistes, elles sont accusées de collaborationnisme.

Ce brouillage a un but politique clair : placer l’antisémitisme à l’écart de tous les autres racismes et détourner la lutte contre celui-ci pour légitimer la montée de l’islamophobie, et délégitimer toute parole critique de la politique israélienne et de ses relais en France. En tant que collectif juif décolonial, nous dénonçons cette instrumentalisation. En hommage aux victimes du Vel d’Hiv, nous affirmons que si la formule “plus jamais ça” a un sens, elle doit s’appliquer à toutes et tous, en France comme en Israël/Palestine.

Communiqué du 13 novembre 2023



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