[Montreuil] Expulsion en cours à la Baudrière



Alors que la Baudrière était officiellement expulsable depuis hier (21 août), une vingtaine de camion de CRS a débarqué devant le batîment ce matin (22 août) pour commencer l’expulsion. Les occupants appellent à un rassemblement de soutien dès ce soir à 18h place de la République à Montreuil.

POURQUOIFENDRE LA BAUDRIÈRE

La Baudrière, c’est un squat anarcha-féministe transpédégouine qui a ouvert en novembre 2021 à Montreuil. Plein de personnes y ont passé quelques heures ou quelques jours, y ont habité, appris des trucs, fait la fête, fait des réunions, amassé des souvenirs. Maintenant, l’expulsion approche ; et pour nous qui investissons cet espace de diverses manières, le temps de la défense commence. On appelle donc les non mecs 6.7 à venir défendre la Baudrière à partir du 21 août, début de la période d’expulsabilité.

Voici quelques raisons qui nous poussent à pas vouloir nous laisser faire. À bas les expulseurs et les gentrifieurs !

Défendre la Baudrière pour empêcher la concrétisation d’un énième projet immobilier gentrifieur et freiner la spéculation immobilière. Squatter, c’est une manière de lutter contre la propriété privée, qui produit précarité, mal-logement, isolement et ravage écologique. En ville, les loyers augmentent toujours plus, tout est toujours plus adaptés aux riches, tandis que les pauvres sont chassé-es dans des banlieues toujours plus excentrées. Le projet immobilier prévu à la place de la Baudrière s’inscrit parfaitement dans le processus de gentrification à l’oeuvre à Montreuil : une résidence privée, des appartements luxueux accompagnés de commerces hors de prix, pour que les nouveaux et nouvelles venu-es se sentent déjà chez elleux dès leur arrivée.

Défendre la Baudrière pour conserver des espaces gratuits et non-marchands en ville. Squatter, ça veut dire ne pas payer de loyer. Ça permet à des personnes précaires d’avoir un endroit où vivre, et d’habiter dans un espace décent, salubre et spacieux, en n’ayant pas besoin de se soumettre à la bonne volonté des agences immobilières et autres propriétaires classistes, racistes et queerphobes, pour avoir (peut-être) le droit de s’installer dans des appartements minuscules.
Ne pas devoir payer pour survivre, ça signifie ne pas avoir d’injonction à travailler pour survivre. Ça laisse du temps et de l’énergie pour faire de la récup pour manger, se meubler, décorer, pour s’investir dans des projets, pour partir, pour faire les choses qu’on a vraiment envie de faire sans contrainte de temps ni de productivité. Ne pas devoir payer pour survivre, c’est aussi avoir plus d’argent pour soutenir financièrement sa famille, ses copaines, des gens ou des collectifs qui en ont besoin, pour entretenir des formes de solidarité, pour acheter des trucs dont on a besoin ou envie, ou pour manger des goûters tous les jours.
Avoir des lieux collectifs où on ne paie ni loyer, ni charges, et avoir du temps pour faire de la récup ou construire soi-même au lieu de devoir acheter, ça contribue au fait d’entretenir des espaces non-marchands : toutes les soirées, cantines et événements sont à prix libre, on a un freeshop dans lequel on peut prendre des habits gratuitement, les bénéfices lors de soirées de soutien peuvent aller intégralement aux collectifs qui les organisent. Les cantines gratos ou à prix libres ont aussi été des moments incroyables de rencontres et de solidarité matérielle directe, où on a pu couper des oignons toustes ensemble, papoter, écouter de la musique, créer des liens et bien rigoler.

Défendre la Baudrière pour conserver un espace d’organisation politique. L’organisation politique, c’est galère quand on a pas de lieu pour se retrouver, croiser d’autres collectifs, organiser des événements, se donner rendez-vous pour aller ensemble en manif ou à des rassemblements. Les squats d’activité politique sont des espaces qui permettent d’accueillir des collectifs pour qu’ils aient un endroit pratique dans lequel évoluer, monter des projets ou préparer des ouvertures pour faire émerger de nouveaux lieux. On a des sleepings pour accueillir les personnes qui viennent de loin, on a de quoi faire des cantines, on a de quoi faire des réunions, on a de quoi faire des soirées de soutien qui dégagent des milliers d’euros pour financer les collectifs qui ont besoin de thunes. On a envie que la Baudrière dure encore longtemps, parce que ça permettrait de garder un lieu où c’est matériellement pratique de pouvoir s’organiser, mais aussi pour avoir de la continuité dans nos luttes, entretenir des réseaux de solidarité, développer des liens solides et durables, et pour faire mieux, parce que tout ce qui a été fait est évidemment loin d’être parfait.

Défendre la Baudrière parce que c’est un lieu autogéré de rencontres, d‘apprentissage et d’expérimentation. Un espace qui accueille plein de personnes, ça permet de se rencontrer, de nouer de nouveaux liens, de partager des connaissances et savoirs-faires parfois perçus comme sans valeur -cuisine, coiffure, faux ongles...-, ou au contraire qui nous sont souvent inaccessibles - bricolage, réparation, formations médic, transitions hormonales, réduction des risques...-. Tout ça en se sentant davantage légitimes, davantage capables, et sans que des mecs cis het nous expliquent la vie.
À la Baudrière, il y a eu tout ça mais aussi du jardinage, plein de constructions, de la sérigraphie, des ateliers et des discussions sur des thèmes très divers... C’est aussi un endroit d’expérimentation dans lequel on peut construire des espaces qui nous ressemblent : on peut essayer des trucs et c’est pas grave si ça marche pas ; on peut casser des murs ; on peut peindre partout juste pour le plaisir, sans perdre de caution. Investir un lieu autogéré, c’est entretenir des espaces mouvants, modulables, changeants ; ça permet de se tromper, de se remettre en question, de se renouveler.

Défendre la Baudrière parce que c’est un lieu TPG. On a fait que le répéter pendant tout ce texte, mais avoir des espaces transpédégouines, c’est ultra important, parce qu’on peut s’y retrouver entre nous, partager nos vécus, faire des fêtes ultra stylées, pas flipper et devenir collectivement plus solides, construire une forme d’autonomie transpédégouine ensemble. Ça a fait émerger un travail énorme sur les mémoires TPG, avec des expositions d’archives un peu partout dans les bâtiments, et plusieurs événements consacrés à ce thème.
On a toujours tenu, comme des copines nous l’ont appris, à ce que les mixités choisies soient « sans mecs cis het » et pas « sans mecs cis », mais la majorité des moments publics étaient en mixité, tout en étant de fait investis d’une majorité de personnes TPG. Avoir ces moments de mixité en majorité TPG a été précieux, et nous a permis de faire plein d’alliances inattendues, notamment en étant un espace d’organisation dans le cadre de luttes de quartier, avec des personnes de plein d’horizons différents, dans un lieu qui assumait dans le même temps son identité anarcha-féministe.

Défendre la Baudrière parce que c’est un espace de soin et de soutien communautaire. Un lieu TPG, c’est un lieu dans lequel le soin et le soutien deviennent plutôt centraux. C’est chouette d’avoir des espaces d’entraide qui soient horizontaux, qui offrent la possibilité d’obtenir et de donner du soutien pour des démarches administratives ou médicales, sans avoir besoin d’être confronté à des services médicaux ou sociaux. Ça s’est matérialisé par des moments autour des transitions de genre, surtout lors des Instant T du FLIRT et parfois de l’apéro transmasc, mais aussi de manière plus informelle, avec des partages de connaissances, d’hormones, de services, d’idées. Le sleeping a aussi permis de faire de l’accueil d’urgence pour dépanner des personnes qui avaient besoin temporairement d’un hébergement. Tout ça, ça aide à s’émanciper des structures d’aide institutionnelles, rigides, violentes et infantilisantes -tant bien que mal, comme on peut. On a pu essayer d’apprendre à construire autrement des liens forts, de mettre en commun nos savoirs et nos compétences, de pas rester trop isolé-e et de trouver un peu des solutions quand on a pas de famille, pas de thunes, pas de logement ou qu’on trouve pas de soutien.

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Défendre la Baudrière parce que c’est un espace de vie. La Baudrière, c’est là où une quinzaine de personnes habitent actuellement. C’est une maison qui permet de (sur)vivre au quotidien, de dormir, de manger gratuitement ou presque, d’habiter dans un espace agréable, spacieux et avec un jardin, de stocker des affaires, de faire des goûters, des barbecues véganes, de regarder des films dans une salle de cinéma, d’être triste ou pas bien sans être tout-e seul-e, d’avoir des moments festifs et collectifs, d’étudier sans être contraint-e de travailler en même temps, de discuter, d’être tranquille.
C’est un espace collectif dans lequel plein de personnes ont habité, et où on peut vivre à plein. Il y a toujours quelqu’un-e à qui parler ou avec qui faire des trucs, et ça change des studios où on habite seul-e, sans possibilité de construire aisément des liens ou d’habiter avec les personnes avec qui on a envie de vivre.

La Baudrière est un espace de vie, pour les humain-es comme pour les non-humain-es. Deux chats, des souris, deux immenses marronniers, les oiseaux qui y nichent, des cloportes, des scarabées, des fourmis et des escargots, les plantes, les fleurs et les légumes de la cour et du toit-jardin : tout cela est voué à disparaître sous le béton. La fin de la Baudrière, c’est la fin d’un écosystème complexe où cohabitent des formes de vie sous plein d’aspects différents.

Défendre la Baudrière parce que c’est un bâtiment swag. Le bâtiment est grand, pratique, proche du métro et bien placé dans Montreuil. Plein de gens ont mis de leur énergie pour le rendre agréable et joli, pour décorer et aménager les espaces pour qu’on s’y sente bien ; ça fout le seum de perdre un bâtiment qui est déjà utilisable. Les espaces sont remplis de souvenirs et c’est super triste de les laisser eux aussi s’enfouir sous le béton.

Défendre la Baudrière pour continuer à pouvoir squatter. Cette année, la loi Kasbarian, une loi anti-squat, a été votée. Elle va compliquer les prochaines occupations, en plus de faciliter les expulsions locatives des personnes les plus précaires. On a donc intérêt à garder précieusement et le plus longtemps possible les lieux déjà ouverts. Défendre la Baudrière, c’est montrer qu’on veut pas se laisser faire et que nos revendications ne se résument pas qu’à limiter la casse de nos droits : on veut plus de droits, mais surtout on s’octroie le droit de faire ce qu’on veut.

La Baudrière a été ouverte quasi-exclusivement par des personnes très jeunes et TPG, parce qu’elles avaient besoin d’espaces de vie et d’organisation, mais aussi en réaction à un milieu parfois queerphobe, et souvent peu accessible. Tout au long de l’existence de la Baudrière, il y a eu de précieuses manifestations de solidarités, matérielles, affectives, festives, de la part de plein de collectifs et de plein d’individus, des réseaux et groupes inter-squat d’Ile-de-France, et d’autres lieux autogérés et/ou squattés à Montreuil et en Ile-de-France. C’est aussi grâce à tout ça qu’elle a pu ouvrir et vivre aussi longtemps. Merci <3



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