Portland, 75e jour de soulèvement



Gwenola Ricordeau témoigne de ce qu’elle a pu observer entre le 27 et le 29 juillet à Portland, où la révolte est continue depuis l’assassinat de George Floyd par la police.

Je suis arrivée à Portland (Oregon) hier, lundi 27 juillet. Ça fait donc environ 24 heures que je suis ici – je suis venue de Californie du Nord où j’habite car depuis une semaine Portland est au centre de l’attention des médias, des militant.e.s, des politiques… Je voulais en savoir plus sur les seules images que je voyais sur les réseaux sociaux et à la télé qui laissaient penser que la ville était en train de s’embraser !

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le contexte : Portland, une ville où les mouvements syndicalistes et anarchistes ont une longue tradition, les mobilisations aux USA qui ont suivi le meurtre de George Floyd, la campagne présidentielle… Mais pour aller à l’essentiel : y a une semaine, le Président Trump a envoyé à Portland les « Feds » (des agents fédéraux – des forces de police fédérales) contre l’avis des pouvoirs locaux (État de l’Oregon et municipalité de Portland notamment). Trump prétend, par l’envoi de ces agents, protéger les bâtiments fédéraux, mais surtout rétablir l’ordre dans cette ville où il y a eu environ 60 manifestations massives depuis le meurtre de George Floyd fin mai. Ce qui se passe à Portland est observé de près car l’envoi des Feds dans ce genre de contexte (de manifestations) est rare (il est routinier pour le contrôle des frontières, la répression des mouvements dans les centres de rétention…). Cela pose brutalement la question de la répression des droits politiques (les Feds ont notamment procédé à des brèves arrestations de manifestant.e.s) et de la démocratie (quid de la prise de décision par des personnes élues localement ?) dans un contexte de campagne présidentielle où Trump est nettement en perte de vitesse et cherche à remobiliser sa base – en apparaissant comme l’homme du parti de l’ordre (« Law and Order »).

En ce moment, les manifestations sont très concentrées au centre-ville autour d’un parc avec d’un côté la mairie, de l’autre la cour fédérale et la maison d’arrêt du comté. Tous les soirs, à la nuit tombée, des milliers de gens se rassemblent. En permanence, il y a des tentes installées avec des volontaires qui assurent des soins médicaux (« street medics ») et fournissent des repas gratuits 24/24. L’équipe de volontaires qui cuisine en permanence a fermé son appel aux dons après avoir reçu plus de 300’000$. 
Hier soir a été un soir qui a ressemblé aux autres selon tous les gens avec qui j’ai pu parler. A la grosse centaine de personnes qui étaient sur place vers 18 heures et qui pour certaines s’occupaient de taches collectives comme la nourriture, les soins…, se sont ajoutés de plus en plus de gens.

Ce qui marque au premier abord, c’est la diversité de la foule réunie. Y a beaucoup de jeunes, mais j’ai aussi parlé avec une dame qui avait manifesté contre la guerre au Vietnam. Et puis, il y a les « Mamans », qui s’habillent en jaune et se mettent en ligne ensemble devant la police : elles sont plusieurs dizaines tous les soirs et leur groupe s’est constitué de façon informelle après qu’un jeune ait été grièvement blessé par la police. Il y a aussi les « Papas » qui ont décidé de se mobiliser (ils sont moins nombreux que les « Mamans ») et certains d’entre eux portent des souffleurs aspirateurs ordinairement utilisés pour le ramassage des feuilles mortes mais qui peuvent très utilement aussi repousser les nuages de gaz lacrymogènes. Et puis il y a aussi les vétérans… Dans le contexte des vastes mobilisations #BLM et par rapport aux manifestations d’autres grandes villes, on peut être surpris du relatif faible nombre de Noirs et d’autres minorités ethniques. Mais Portland est une ville très blanche en raison de la longue histoire du suprématisme blanc dans l’Oregon : la dernière loi interdisant aux Noirs de s’installer dans l’État a été abolie en 1926.

Vers 21h, alors qu’il y avait plusieurs milliers de personnes rassemblées dans le parc et devant le bâtiment fédéral et la cour du comté, des prises de parole, ponctuées de slogans, ont commencé dans un endroit. Ailleurs (devant le bâtiment fédéral), les manifestant.e.s faisaient face aux grilles aménagées spécialement pour défendre le bâtiment et qui résistent très bien aux assauts répétés… Vers 22h, les prises de parole ont cessé : certaines personnes ont commencé à quitter le rassemblement, mais d’autres arrivaient encore… Et comme tous les autres soirs, la police a invité les manifestant.e.s à rentrer chez eux par haut-parleur, indiquant que le rassemblement était désormais considéré comme illégal. Vers 23h30, les premiers tirs de lacrymogènes ont commencé, ne dispersant qu’une petite partie des manifestant.e.s qui sont pour beaucoup équipées en masques. J’ai quitté les lieux vers minuit et quart – alors qu’il y avait encore sans doute un millier de manifestant.e.s… Mais tout le monde m’a assuré que ce ne serait que partie remise pour ce soir.

Lire la suite et la fin sur Cerveaux non disponibles.



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