Que reste-t-il de nos libertés ?



Compte-rendu de la conférence du 31 janvier, tenue à Dijon et animée par Arié Alimi, avocat du bareau de Paris, membre de la Ligue des Droits de l’Homme.

Le 31 janvier dernier, l’Observatoire côte-d’orien des libertés publiques et de la répression a organisé une conférence-débat, animée par Arié Alimi et Dominique Clémeng, avocats, sur le thème : Que reste-t-il des nos libertés ?

Avec plus de 160 personnes venues échanger sur ce sujet, cette conférence fut d’une grande richesse. De nombreux sujets ont été abordés : entraves aux droits des migrants, au droit de manifester, violences policières systémiques, y compris sur des jeunes, avec une volonté de limiter toute contestation, dérive autoritaire au sein de la démocratie, l’Etat ne craignant pas l’illégalité dans les mesures prises…
 
 

Compte-rendu de la journée

 
 
 
Où commence le déni de liberté ? Bien souvent les étranger·es sont les premier·es visé·es

Dominique Clémang et Paul Garrigues dénoncent l’hypocrisie qui consiste à pleurer sur les migrant·es qui se noient en Méditerranée ou sur les sévices subis en Libye, tout en se débrouillant pour les expulser au plus vite. Le droit des étranger·es, c’est le laboratoire du pire. C’est par là que tout gouvernement commence pour expérimenter une loi liberticide, avant de l’appliquer au reste de la population.
Les procédures les plus tordues leur sont appliquées, mettant en cause le droit à un traitement et à un procès équitable :

  • Difficulté à accéder aux guichets de la préfecture, sans parler d’un accueil désagréable de la part de bon nombre d’agents qui n’a rien à voir avec la bonne application de la loi,
  • OQTF (ordre de quitter le territoire français) émis le vendredi soir... avec seulement 48h pour faire un recours, ce qui suppose de faire travailler le tribunal administratif le weekend,
  • Appels non suspensifs : les étranger·es débouté·es peuvent faire appel, mais ils sont expulsés avant que ne se tienne l’appel qui permettrait de réexaminer les éléments,
  • Décisions de l’OFPRA pour les pays dits sûrs : là aussi, la France expulse avant le jugement en appel,
  • Difficulté à comprendre les documents remis, avec des délais de recours très divers suivant les cas de figure, et a fortiori quand le français n’est pas votre langue maternelle.
  • Certain·es magistrat·es expriment même crûment que le droit des étranger·es leur pèse ! Comme si les étranger·es n’étaient pas de véritables sujets du droit.

Sans parler du principe même de la rétention, qui consiste à priver de liberté des personnes qui n’ont commis aucun délit.
Un parallèle peut être fait avec la « nasse » qui consiste à encercler des manifestants pour les empêcher de progresser. Elle est considérée par les autorités comme une technique habituelle, mais la chambre d’instruction de Lyon a jugé que c’était une privation de liberté, l’équivalent d’une séquestration.

Le déni de droit continue avec les banlieues

Plusieurs violations des libertés que nous pouvons constater actuellement dans la gestion des manifestations peuvent trouver une sorte d’ancêtre dans des pratiques utilisées dans les quartiers sensibles.
Le contrôle au faciès trouve son pendant actuel dans l’interpellation préventive de personnes suspectées d’être des gilets jaunes, pour les empêcher de manifester.
Les lanceurs de balles de défense tant décriés ne sont que le prolongement des flashballs.
À mettre en relation avec la présence de Brigades Anti-Criminalité dans les cordons encadrant les manifestations récentes... et avec la manière dont elles ont été gérées.

L’État n’aurait plus peur de l’illégalité... et des condamnations !

À la frontière franco-italienne, un espace de rétention a été aménagé à la gare de Menton, en dehors de tout cadre légal, pour y amener les personnes arrêtées dans le train, y compris des mineur·es. Alors que la loi française prévoit la protection des mineurs, ce qui aurait dû conduire la police aux frontières à les confier aux services sociaux, il s’est avéré que certain·es fonctionnaires n’hésitaient pas à modifier la date de naissance renseignée par les enfants afin de pouvoir les traiter comme des adultes et les expulser. Les parlementaires qui ont pu visiter ce lieu ont photographié des documents officiels expliquant que l’on pouvait déroger aux règles habituelles du droit. Ces affaires ont été portées à plusieurs reprises devant le tribunal administratif, qui a condamné ces pratiques, mais elles ont persisté malgré les condamnations. Par conséquent des associations dont la Ligue des droits de l’homme ont décidé de faire un signalement, équivalent d’une plainte, et une enquête préliminaire a été engagée contre ce préfet.
Lors de manifestations ont également été relevés la saisie de matériel de protection (masque) par la police, l’absence du port de numéro d’immatriculation, et même à Dijon lors d’une ouverture de péage un procès verbal citant un arrêté préfectoral non numéroté. Ce n’est pas parce qu’il est illégal de porter un masque dans l’espace public qu’il est interdit d’en avoir un avec soi, et la saisie ne se justifie pas, a fortiori une saisie sans trace écrite.
On a souvent dit que les gilets jaunes n’étaient pas organisés, qu’ils ne respectaient pas les règles... mais ils se sont très vite renseignés, et les questions très pointues attestent de leur souhait de connaître la loi.

Nos libertés existent toujours... mais on nous dissuade de les mettre en pratique

Nous ne pouvons pas dire que nous sommes dans une dictature, au sens où la police politique ne nous attend pas à la sortie de la réunion pour arrêter les participants... Néanmoins il y a beaucoup à dire. Liberté de réunion, d’expression, de manifestation... ce sont des droits constitutionnels. Ils existent toujours sur le papier mais ils sont de plus en plus bafoués. Précisément parce que les autorités administratives n’ont plus peur de l’illégalité !
Plus pervers, on nous effraie sur les conséquences personnelles de nos actes d’engagement : c’est vrai pour le harcèlement judiciaire des personnes qui ont simplement accueilli des migrant·es en danger, femmes enceintes, enfants... coupables de « délit de solidarité » - finalement il a fallu faire reconnaître, de haute lutte, que la fraternité mentionnée dans la devise de la République française était bel et bien un principe constitutionnel, donc supérieur aux lois.
Mais c’est également vrai des blessures incessantes infligées aux manifestants ces dernières années. Le message est clair : restez chez vous si vous tenez à la santé. Si vous venez manifester, c’est à vos risques et périls.

Les lycéen·nes ciblé·es

Romaric, lycéen mineur dijonnais arrêté en décembre 2018, témoigne de cette peur qui mine les velléités de manifestations : il participait au blocage d’un lycée, puis à une manifestation sauvage. Face à l’encerclement policier, Romaric va discuter avec le policier dirigeant les opérations qui lui répète de « dégager » (ce qu’il rebaptisera plus tard des « sommations »). Devant le refus du lycéen de s’exécuter, il le fait tomber, six policiers se ruent sur lui, l’insultent, le rouent de coup puis l’emmènent au poste tout en continuant insultes et mauvais traitements (garde à vue de 24h sans chauffage ni couverture en plein mois de décembre). Romaric évoque sa peur de participer à une autre manifestation, la difficulté à remobiliser les jeunes et à leur faire reprendre confiance.
Arié Alimi estime que Romaric est un bon exemple des victimes actuelles du déni de liberté : à la fois manifestant mais aussi lycéen. Pour lui, les violences sur les lycéen·nes sont de plus en plus fréquentes et ce n’est pas un hasard : les lycées sont les creusets des consciences politiques de demain et il faut y distiller la peur.
On se souvient des 152 élèves de Mantes-la-jolie agenouillé·es et filmé·es par les policiers eux-mêmes, dans une posture évoquant la domination coloniale, avec le commentaire « voilà une classe qui se tient sage ». Les images ont choqué dans le monde entier.
Arié Alimi a été confronté personnellement au cas du Lycée Bergson (Paris 19e) pendant la mobilisation contre la loi travail : une vidéo montre un mineur tenu par deux policiers par les bras pendant qu’un 3e lui donne un coup de poing et lui casse le nez. Alors qu’Arié Alimi s’apprête à défendre ce lycéen, il découvre que d’autres lycéen·nes ont été victimes de faits identiques, seulement ils n’ont pas parlé car ils se sentaient coupables.
Le fait que ces actes violents émanent de personnes détentrices de l’autorité a créé un traumatisme psychologique supplémentaire à l’agression elle-même : certain·es élèves sont resté·es prostré·es chez eux pendant plusieurs semaines.

Violence et défense

Bien sûr, il y a pu y avoir des violences de manifestants contre des policiers, et il est prévu que face à un péril imminent, ceux-ci se défendent en faisant un usage proportionné de la force. C’est le principe de légitime défense... mais celui-ci obéit à un cadre, même (a fortiori) pour les policiers. Ce n’est pas parce qu’il y a de la violence en face que les forces de l’ordre peuvent y avoir recours. La CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) pose la question : peut-on vraiment mettre les forces de l’ordre au même niveau que les manifestant·es ?
Bien au contraire, le maintien de l’ordre consiste normalement à encadrer la manifestation en évitant tout contact, de façon à permettre l’expression libre d’une opinion (la manifestation) tout en évitant tout·e blessé·e. C’est une véritable stratégie.
Il est apparu que sont intervenues dans la gestion des manifestations des dernières années des personnes qui n’avaient aucune formation pour le maintien de l’ordre : BAC, fonctionnaires des commissariats... alors que seuls les CRS et les gendarmes mobiles sont véritablement experts dans ces techniques d’évitement de la confrontation.

Violences policières systémiques

Il y a peu, les médias ne suivaient que peu le discours des associations sur les violences policières. Très récemment, le Monde a enfin utilisé dans son éditorial l’expression « violences policières systémiques », reconnaissant un phénomène qui va bien au-delà des bavures individuelles.
Le gouvernement vient tout juste d’admettre des bavures... comme si les blessures n’étaient que les ratés d’un mode d’action par ailleurs sans reproche. Et jusqu’il y a peu, il niait purement et simplement leur existence, et n’a engagé aucune suspension ni aucune procédure disciplinaire, en dépit des images circulant très largement tous les jours sur internet. Cette logique de déni de la réalité est digne des pays totalitaires.
Parler de violences systémiques, c’est poser la question de la hiérarchie, des ordres donnés, ou de ceux qui ne sont pas donnés, du cadrage (et re-cadrage) qui n’est pas fait, des sanctions qui ne sont pas prises : tout cela dessine la responsabilité des autorités. Quand un policier ne porte pas son numéro d’immatriculation, il est dans l’illégalité, mais aussi dans l’impunité.

Sûreté et sécurité

Il y a une vraie bataille sémantique autour de la sécurité. Historiquement, depuis la Révolution française, l’État doit garantir aux citoyen·nes la sûreté : c’est d’abord la protection contre l’arbitraire de l’État. En échange de cette protection, les citoyen·nes renoncent à une petite part de liberté. Par exemple on accepte de respecter les règles du code de la route, la loi... pour éviter l’anarchie.
À l’heure actuelle la violence dessine deux camps : l’État et les citoyen·nes. Si nous sommes toujours dans une démocratie, celle-ci peut être également définie comme un régime autoritaire, qui exerce son pouvoir sur le mode de la répression, au prix de la souffrance des citoyen·nes.

Utilisation des armes par les forces de l’ordre

Des armes ont été utilisées massivement par les forces de l’ordre dans les manifestations des dernières années, avec des morts pour résultat, mais le recours à ces armes n’est pas une nouveauté.
On peut évoquer la mort de Vital Michalon à Creys-Maville en 1977 dans la manifestation contre la centrale nucléaire Superphénix, dont les poumons avaient éclaté sous l’effet d’une grenade offensive, qui fait écho à celle de Rémi Fraisse en 2014 à Sivens provoquée elle aussi par une grenade (grenade F1 contenant du TNT).
Flashballs et grenades ont été expérimentés dans les années 2000 dans les quartiers populaires par les BAC. Aujourd’hui on utilise plutôt les LBD (lanceurs de balles de défense), mais c’est tout aussi dangereux, car les balles partent à une vitesse de 300 km/h. C’est l’équivalent de deux parpaings qui tomberaient de 5 mètres de haut. Cela ne peut pas faire autre chose que fracasser des crânes ou éborgner des gens. De même on utilise des grenades qui sont censées être moins dangereuses et ne plus faire d’éclats, mais comme elles ressemblent à s’y méprendre aux grenades lacrymogènes, les manifestant·es qui essaient de les ramasser perdent la main dans l’explosion. Sans parler des blessures liées aux coups de matraque ou des conséquences de la saturation en gaz lacrymogènes. Le journaliste David Dufresne a fait le décompte : 5 mains arrachées, 26 yeux perdus.
On a cessé de concevoir le maintien de l’ordre comme une mise à distance pour le concevoir comme une forme d’intimidation. Le message sous-jacent est « ne manifestez pas car vous risquez vos vies ». On peut citer Emmanuel Macron à propos de Geneviève Legay : "Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci." Si un manifestant est blessé, au fond c’est de sa faute. La multiplication des amendes a elle aussi un effet dissuasif.

La loi et les limites de la loi

Plusieurs participant·es ont évoqué des cas concrets.
Une personne d’Attac s’indigne du recours systématique au gazage pour mettre fin à une manifestation, à se demander quelle est l’utilité de déclarer une manifestation et de la faire dans les règles. Son usage massif aboutit à la mise en danger de l’intégrité des personnes, comme lors de ce gazage du 6 avril 2019 contraignant les manifestant·es gilets jaunes à traverser une voie ferrée alors que le trafic n’était pas arrêté. Le dossier est chez le Défenseur Des Droits.
Des policiers de la BAC auraient reconnu avoir menti sous serment, permettant ainsi la libération d’un gilet jaune au bout de 4 mois. Suivant le contexte, la qualification juridique peut varier : le cas d’un·e policier·e qui ment sous serment, dans son PV par exemple, est considéré comme un faux en écriture publique, passible des Assises, et de 20 à 30 ans de prison. En dehors de ce cadre, ce sera « simplement » un faux témoignage. Mais encore faut-il que la victime dépose plainte, et que la justice poursuive ce·tte policier·e.

Quels acteurs peuvent enquêter :

  • l’IGPN : la police enquête sur la police. Il y a des classements sans suite malgré l’existence de vidéos accablantes, comme si leur enquête ne servait qu’à couvrir la police.
  • le procureur, qui est aux ordres du garde des Sceaux, et travaille main dans la main avec la police sur un traitement préventif des manifestations : interpellations préventives de personnes considérées comme gilets jaunes, des milliers de gardes à vue, ou le simple port d’un GJ assimilé à un « groupement en vue de commettre des violences » ! Cette infraction fourre-tout a été créée en 2010 (par Estrosi) et permet d’arrêter n’importe qui.
  • Les juges d’instruction sont théoriquement indépendant·es, mais dépendent de la police pour conduire leur travail quotidien, donc c’est compliqué pour eux·elles de se mettre en porte-à-faux. Il est indispensable de faire un travail d’éducation et de sensibilisation auprès d’eux.

Le résultat est que les condamnations sont rarissimes. Bien souvent est invoquée l’absence d’intentionnalité (le·la policier·e n’avait pas l’intention de commettre une blessure), et la légitime défense alors que les moyens employés sont disproportionnés au danger véritablement encouru.
Certain·es participant·es ont déploré le mépris des juges lors d’audiences concernant des gilets jaunes. Malheureusement cela ne concerne pas que des manifestant·es, c’est le traitement usuel du justiciable.
Cependant une évolution se dessine : dans l’affaire Adama Traoré, de façon totalement inédite, c’est le parquet qui s’est opposé aux juges d’instruction et à réclamé une reconstitution. D’après Dominique Clémang, il est également arrivé que le procureur général dise que les condamnations de manifestant·es étaient trop basses, et que la Cour devait corriger ça ! Les magistrat·es du siège ont failli quitter la salle, indigné·es par cette atteinte à leur indépendance.

Des yeux pour voir, pas pour pleurer

Cette évolution ne se serait pas faite sans la multiplication des affaires, leur médiatisation, la très grande visibilité donnée aux violences par des vidéos mises en ligne, le travail des observateurs ainsi que de journalistes, tout cela a donné une visibilité qui pousse à l’ouverture d’enquêtes.
Des observatoires des libertés ont été créés dans de nombreuses villes, ainsi que des street medics, des legal teams d’avocat·es militant·es, mais il faut bien voir que les observateurs·trices sont volontiers victimes d’illégalités et de violences. Le même constat peut se faire pour les journalistes : la situation est devenue très risquée pour eux·elles et les journalistes des grands journaux ne se rendent plus sur place. Les manifestations ne sont couvertes que par des free-lances. Ceux-ci se retrouvent en difficulté car ils n’ont pas forcément de carte de presse, ce dont se prévalent des policiers·es pour les traiter comme des manifestant·es et les placer en garde à vue, quand ils ne les matraquent pas. Cependant la carte de presse n’est absolument pas nécessaire.
D’après la loi de 1881 est journaliste celle/celui qui a un contrat de travail avec un journal ou une activité de journaliste portée par une maison d’édition.
L’objectif est bien évidemment de décourager le travail d’observation et de reportage.
Autre forme d’atteinte à la visibilité des manifestations, l’exclusion de la manifestation hors des quartiers centraux : la rue de la Liberté a été interdite pendant un moment. Il est même arrivé qu’une circulaire préfectorale interdise tout Dijon ainsi que les ronds-points à 10 km à la ronde.

Agir

Il ne faut pas céder au sentiment d’impuissance, l’action reste possible.
Tout d’abord, nous avons tous entre les mains un outil : le smartphone, c’est-à-dire la possibilité de filmer et de diffuser des vidéos. C’est indispensable qu’un maximum de personnes le fasse pour rendre visible des infractions et des violences. La vidéosurveillance avait été initialement pensée comme l’outil ultime de contrôle des masses ; aujourd’hui cet outil se retourne contre les gouvernants. C’est un véritable contre-pouvoir qui renverse les mensonges d’État. On a pu voir des fonctionnaires de police tuer Cédric Chouviat. Dans l’affaire Geneviève Legay, ce sont carrément des policier·es qui ont dénoncé les mensonges.
Il n’y a aucune interdiction à filmer un·e policier·es dans l’exercice de ses fonctions : au contraire, parce qu’il est dans l’exercice de ses fonctions, il exerce un service public, sur lequel il doit pouvoir rendre des comptes.

Ne pas laisser passer les lois liberticides : on ne voit pas beaucoup de gens dans la rue contre la vidéosurveillance, ou les lois sécuritaires, alors qu’elles ont fortement évolué. On a beaucoup sacrifié la liberté à la sécurité. Or le cadre juridique peut tout à fait permettre à un dirigeant de faire basculer le régime dans la dictature. Les institutions de la Ve République étaient dès l’origine fortement présidentielles, mais la concentration des pouvoirs s’est accentuée au fil du temps. Aujourd’hui un ·e président·e dispose de tout un arsenal parfaitement légal : l’état d’urgence, la loi anti-casseurs, les assignations à résidence... On a vu d’autres dictateurs accéder au pouvoir par le biais d’une élection démocratique. À garder en mémoire si Marine le Pen était élue dans deux ans.
Cela pourrait être d’autant plus facile que les votes d’extrême-droite sont fortement représentés dans la police et l’armée. Il est alarmant de constater que des syndicats de police appellent sur les réseaux sociaux à la suppression des avocats ou à s’en prendre aux journalistes !
Malgré tout il faut avoir en tête qu’un certain nombre de policiers·es ne cautionnent pas les violences de leurs collègues, et qu’ils sont aussi victimes du fracas social (heures supplémentaires non payées, épuisement...).

Faire de l’éducation populaire, envers des personnes clés telles que les juges mais aussi envers l’ensemble de la population. La Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des avocats de France et d’autres organisations en font. Les mots ont un sens et ils sont volontiers dévoyés, détournés, et le droit avec. Or on ne combattra l’autoritarisme que par le Droit.
Il faut s’informer. Les observatoires des libertés écrivent des rapports sur la situation dans différentes villes.

Entretenir les solidarités et les amitiés qui se sont construites, c’est la base des réseaux de résistance de demain. Ces réseaux doivent être prêts même pour les prochaines élections présidentielles dans deux ans.
Pour cela nous devons mettre de côté certains différents, et retrouver des valeurs communes, à travers toute la gauche et même au-delà : le respect du droit, les valeurs républicaines, doivent nous rassembler, et au minimum nous permettre de dialoguer. Aujourd’hui c’est ce que le pouvoir ne fait plus, alors que le dialogue est ce qui fait la noblesse du politique.

Repenser notre modèle démocratique, notre contrat social, c’est-à-dire à sa base la Constitution. Il est anormal que le Conseil Constitutionnel, dont les avis permettent de préciser le cadre de la loi, soit à majorité politique, et non juridique. Les contre-pouvoirs se sont effrités dramatiquement.
Plusieurs dimensions doivent être intégrées : les droits politiques bien sûr avec la question de la participation citoyenne, mais aussi la menace écologique. En 1898 au moment de l’affaire Dreyfus, la Ligue des droits de l’homme s’est fondée autour du refus des discriminations, du racisme, autour du respect de l’État de droit et de la primauté des libertés par rapport à la raison d’État. Au fil de son histoire elle a intégré les questions économiques, sociales, et aujourd’hui bioéthiques et environnementales.
Réviser la Constitution est une urgence car les contre-pouvoirs s’effritent et elle comporte une possibilité de destruction de la démocratie.



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