Sans soi



À mes semblables – les individus de construction masculine
1. Prends ton égo
2. Prends un marteau
3. Écrabouille-le
Réitère le processus autant de fois que nécessaire

Lorsqu’on est submergé par nos angoisses, ou du moins lorsque nos préoccupations personnelles occupent une place majeure dans notre psychisme, on se trouve souvent coupé d’un « rapport premier » aux éléments et aux autres.
Le soleil dans les branchages, l’état de fatigue d’un·e ami·e, la sensation de l’humidité, sa disponibilité ou non à la relation, l’odeur d’un sol argileux, ce qui est causes de son état, le goût métallique de l’air, s’ille souhaite du soutien.
Nous devenons étrangement insensibles, indifférents à tout cela.

On peut penser que les raisonnements que l’on tient alors en sont la cause, qu’il suffirait de moins mentaliser tout ça pour retrouver cette sensibilité, ce contact d’avec notre corps et ce qui l’environne. Il me semble toutefois que raisonner n’est ici pas le problème en soi mais bien une des conséquences du fait d’être centré sur soi.
On pourrait tout autant réfléchir à divers sujets, à différentes personnes et à ce qu’elles vivent, à une brochure qui nous a touchée… On en serait moins déconnecté d’avec nos perceptions, d’avec cette écoute essentielle d’avec notre propre corps.

Autrement dit, être à l’écoute de soi n’est pas se placer au centre de sa propre attention.
Et même : Se placer au centre de sa propre attention rompt d’une certaine manière toute chance d’être à l’écoute de soi.

Il ne faut alors pas s’étonner, lorsque ce rapport à soi est sacrifié sur l’autel de notre égoïsme, que les rapports aux autres puissent être si compliqués.
Tout devient rapport à l’égo. On confond « je » et son capital social, « je » et son aisance relationnelle, « je » et l’opinion qu’il se porte…
Toute relation, toute interaction, devient alors rapport de séduction. Et c’est le début de l’enfer, pour les autres mais aussi pour soi.
Car on transforme alors les autres en objets au service de notre égoïsme et on se prive de tout ce que les autres sont.
Dans ce cadre là, même entouré on est seul, même plein d’échanges on est vide, on ne se rencontre plus. On se croise et on regrette de ne pas pouvoir stocker l’autre comme on se stocke soi-même, l’enfermer en nous pour toujours.

Heureusement la réalité met souvent des limites à cet égo qui écrase tout sur son passage. Heureusement les autres ne veulent pas être enfermé·e·s dans notre cage psychique.
Heureusement, il arrive que les autres s’adressent à notre individualité plutôt qu’à notre égo. Et on perçoit alors le début d’une possible libération quand on comprend qu’on s’est stupidement enfermé dans la prison du moi.
Se rappeler que « c’est pas moi le monde » est alors salvateur.


P.-S.

Chronique à parution variable.
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