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« En ce 1er mars, nous sommes une nouvelle fois rassemblé.es pour demander un cessez-le-feu durable et permanant entre Palestine et Israël, car il ne s’agit plus seulement d’une guerre à Gaza mais d’une guerre contre le peuple palestinien en son entier. Les événements qui se déroulent en Cisjordanie témoignent de la volonté de majorer l’avantage militaire israélien à l’abri du parapluie américain, le tout dans un silence sidéral des autres Etats, comme trop souvent lors de la longue histoire de cette région, qui confine à la complicité passive, sinon active, quand il s’agit de vendre des armes, du matériel militaire ou de commercer tout simplement avec un Etat qui commet un génocide.
La fragilité du cessez-le-feu engagé le 19 janvier dernier montre que la volonté de paix n’est pas, loin s’en faut, partagée par tous les protagonistes. Le processus prévu en janvier doit s’étendre sur trois étapes de six semaines chacune, la première se terminant ce jour. De retard en pressions, d’atermoiements en menaces ou en violations du cessez-le-feu, cette première étape se clôt malgré tout après les ultimes restitutions de corps d’otages israéliens et de libération de prisonniers palestiniens jeudi dernier. Si en effet la mise en scène de la libération des otages israéliens est mal vécue, à bon droit, par les familles, celles des prisonniers palestiniens est invisibilisée par les médias dominants, comme s’ils formaient une masse indistincte qui ne mérite aucune considération (combien d’enfants palestiniens ont été libérés par Israël ?). Israël a fait savoir que les discussions pour la seconde étape ne commenceront pas avant la libération totale des otages, ce à quoi le Hamas a consenti si le retrait de l’armée israëlienne est acté. Surtout, Israël n’applique pas pleinement les conditions prévues en ce qui concerne l’acheminement des tentes et abris pour les gazaouis, le retard est tel que plusieurs enfants sont morts d’hypothermie en ces jours glacials à Gaza, portant le nombre total de morts à plus de 61 000. Enfin, « wanted Benjamin Netanyahu » a aussi indiqué que rien ne s’opposerait à une reprise de la guerre et cela même si les USA n’y semblent pas favorables. Si tel était le cas, pourquoi dès lors ne pas stopper toute livraison d’armes en suivant Bernie Sanders qui tente de le faire au Congrès USA ? Se rendre complice d’un crime de génocide est condamnable au même titre que la commission de ce crime, ce qui est le sens de la récente plainte déposée par une ONG devant la CPI contre des dirigeants américains dont Joe Biden (par Democracy Now for the Arab World (DAWN), basée aux Etats-Unis, soutenue par l’organisation palestinienne Al Haq).
Cette période d’incertitude ne laisse rien augurer de bon pour Gaza, à l’aune du projet d’explusion, immoral, illégal et irréaliste de Trump, qui a poussé l’indignité en postant sur son compte une vidéo de ce que serait Gaza avec ce sous-titre : « Donald est venu vous libérer. Plus de tunnels, plus de peur, Gaza Trump est finalement là. » La 3e phase du cessez-le-feu qui doit s’ouvrir dans 6 semaines, portant sur la reconstruction de Gaza, semble déjà préemptée par les magnats de l’immobilier nord-américains (sans parler de la centaine de mercenaires USA sur place) dans une indifférence quasi généralisée laissant transparaître une ambition impérialiste et fascisante. Toutefois, du côté des Etats arabes, des réticences et une hostilité ont vu le jour, décidant de se réunir à Ryad d’abord, puis le 4 mars prochain au Caire, afin de soumettre leurs propres propositions sur l’avenir de Gaza, loin du plan Trump dont l’Egypte vient de signaler son refus, plan Trump déjà avancé en janvier 2020 (le deal du siècle) et dont Israël se satisfait car il renvoie à un vieux rêve sioniste remontant aux années 60, visant l’expulsion de habitants de Gaza, qui ont toujours été une épine dans le pied du « Grand Israël ». Et ils le sont encore.
Ailleurs et dans les territoires palestiniens occupés, la situation est tout aussi dramatique car rien ne semble arrêter le gouvernement israélien.
En Cisjordanie, l’offensive « Mur de fer » dans les camps de réfugiés de Jenine, Tulkarem et Nour Chams est sans commune mesure avec ce qui a été observé antérieurement : 40 000 déplacés, plus de 150 tués en quelques jours (plus de 1000 depuis octobre 2023), des centaines de prisonniers, des démolitions au bulldozer, des tanks pour détruire les routes, bref un autre nettoyage ethnique dénoncé par les organisations humanitaires mais dont les chancelleries occidentales se désintéressent (encore une fois). L’ONU se dit gravement préoccupé par la situation alors que les propos du ministre de la défense Israélien sont sans ambiguïté : « Je leur ai donné (aux soldats) pour instruction de se préparer à un séjour long dans les camps qui ont été libérés. »
Tout semble réuni pour, comme le disait Sharon, « finir le travail » c’est-à-dire : poursuivre le nettoyage ethnique, expulser des habitants de ces zones sans retour possible comme en témoigne les attaques contre l’UNRWA, détruire les réseaux d’eau, détruire les habitations, renforcer des points de contrôles/Cheiks points (de 500 en octobre 2024 à plus de 900 début 2025), harceler les groupes de bédouins dans le sud, arrêter des étudiants (Belize a réouvert ses portes après plusieurs jours de fermeture), laisser les attaques incessantes de colons contre plusieurs villages impunies, annexer à bas bruits le nord de la Cisjordanie, et pour finir, asphyxier les palestiniens, avec la décision récente inique de Smotrich d’ordonner la saisie de 90 millions de dollars de fonds fiscaux palestiniens pour les redistribuer aux familles d’otages et aux colons... “Il n’y a pas de signature plus morale et plus juste que d’empêcher l’Autorité palestinienne de financer le terrorisme et de saisir ses fonds au profit des familles de victimes du terrorisme. C’est une étape nécessaire dans notre lutte nationale contre le terrorisme et contre l’Autorité palestinienne qui le soutient”.
Ailleurs, c’est aussi en Syrie, précisément le plateau du Golan toujours occupé par l’armée israëlienne appuyant les colons installés depuis longtemps avec la ferme intention d’y demeurer, voire d’annexer ce qui ne l’a pas encore été, avec le soutien des USA. Les bombardements qu’Israël a toujours conduit depuis une dizaine d’années sur plusieurs sites syriens, au nom de la lutte contre le Hezbollah ou ses alliés, n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque critique ou sanction, comme si Israël était devenu le gendarme autoproclamé de cette sous-région. Il en va de même au Sud Liban où contrairement à l’accord de cessez-le-feu, l’armée israëlienne est toujours présente, s’est à peine redéployée et poursuit ses incursions et bombardements, à nouveau en toute impunité avec la ferme intention de rester dans cette zone sud. Dans les deux cas, il s’agit surtout d’accaparer et maîtriser la terre mais aussi la ressource en eaux de ces zones à son seul profit.
En Israël, également, après les lois interdisant les activités de l’UNRWA, deux récentes lois sont en discussion à la Knesset dans le but de réduire au silence les organisations des droits de l’homme comme B’Tselem qui critique la politique du gouvernement israélien dans les territoires palestiniens occupés. La supposée seule démocratie du moyen-orient glisse vers l’illibéralisme mortifère.
En France, enfin, la censure ou les intimidations se poursuivent (report d’un séminaire sur la Palestine à l’ENS il y a quelques temps, suspension des trois étudiants à Science po’ Paris pour leur soutien à la Palestine et dissolution de Palestine Vaincra) contribuant à installer durablement un environnement délétère en réduisant le droit d’expression.
Mais la lutte et la résistance se poursuivent, s’amplifient, se structurent au nom d’un d’humanisme partagé et du droit international, comme par exemple le groupe de La Haye - 9 Etats du Sud qui ont dit clairement soutenir le DIP (Droit international public), soutenir les institutions comme la CIJ (Cour internationale de justice) et la CPI (Cour Pénale Internationale) et vouloir mettre fin à la colonisation et l’occupation des territoires palestiniens en exhortant les Etats à cesser de coopérer avec Israël. Cette mobilisation prend des formes diverses (Boycott des produits israëliens, SAI, rassemblements dans les villes ou comme celui des blouses blanches à Paris en soutien au Dr Abu Safiya, pétitions comme celle récente de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité) pour obliger la France à appliquer le droit international (résolution de septembre 2024), appels divers à agir, assises de la Palestine 2025 en avril à Paris, nos divers événements dijonnais, etc.). Même passée sous silence par les médias, cette résistance solidaire est forte de sa ténacité, forte de sa conviction profonde en la justice et en la paix.
Nous sommes ici la démonstration, chaque samedi, de cette ténacité, à l’image des Gazaouis qui reviennent inlassablement sur les décombres de leurs villes dévastées certes, mais prêts à reconstruire pour continuer à exister en tant que peuple, comme un refus à l’arrogance américaine et à l’aveuglement génocidaire israélien, comme un signal au monde entier, car pour tous les palestiniens : « exister c’est résister » et en signe de solidarité, nous pouvons reprendre la formule de Samah Idriss (écrivain libanais) : « Si nous abandonnons la Palestine, nous nous abandonnons nous-mêmes. »

Place Darcy
1er mars 2025
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