Tout le monde déteste la précarité



Être précaire, c’est d’abord la situation de toute personne dont l’emploi est instable, bassement rémunéré, suspendu aux fluctuations capricieuses des marchés économiques. Mais nous dirions que c’est aussi beaucoup plus que ça. La précarité est un style de vie qu’on prétend nous imposer : la vie périlleuse.

N’importe quel manuel de développement personnel fredonne aujourd’hui le mielleux chant de l’adaptabilité permanente. Ne pas se dévaloriser, résister au stress, reprendre confiance en soi. Aimer la prise de risque, ne pas craindre le changement, être toujours mobile et mobilisable. Se traiter soi-même comme une ressource à mettre en valeur, car nous ne sommes jamais garanti de notre stabilité. La précarité est bien sûr économique, mais elle est aussi existentielle et relationnelle. Derrière bien des angoisses et des paranoïas de notre temps, c’est la précarité qui se cache.

Le pragmatiste peut s’étonner : pourquoi les foules qui croupissent dans les banlieues abandonnées de tous ne se soulèvent-elles pas ? Pourquoi toutes celles et ceux qui se retrouvent condamnés à des jobs pourris ne sont-ils pas engagés dans des luttes sociales alors même qu’on les ignore plus que jamais ? Pourquoi la solitude se répand à tel point qu’elle devient un problème de société quand bien même les espaces de rencontre sont censés se multiplier et les relations être de plus en plus libérées ?

A tous ces problèmes, il existe une réponse en un mot : la précarité. La précarité caractérise une situation proche de l’effondrement, hantée par le risque. Cela explique sa force « inactivante » : qui n’a pas d’appuis solides ne peut pas agir. Et c’est la marque de notre société de toujours rendre les appuis, tant matériels que relationnels, incertains, pour les faire payer au prix d’une certaine soumission. Quand on ramène la précarité à un problème d’ordre économique que l’on peut régler (par la redistribution ou une abondance supplémentaire), on se condamne à ne pas voir qu’elle est déjà présente avant toute détermination de richesses, et dans bien d’autres domaines que celui de la simple survivabilité matérielle.

JPEG - 62.3 ko

Cet article s’appuie sur des discussions, souvent prolongées, avec pas mal de gens, en particulier avec 11 personnes directement reprises. Leurs témoignages sont ici repris de manière trop brève par rapport à ce qu’ils méritent, mais nous espérons qu’ils donneront à l’article une tonalité plus vivante. Les noms ont été changés, avec de très habiles jeux de références.

Lire la suite de l’article sur l’excellent Grozeille.co


Articles de la même thématique : Économie

Six mois dans une dystopie néolibérale

Alors que le président argentin Milei figurait parmi les chefs d’état invités aux cérémonies des JO, retour sur un article du site CirmethInc. qui décrit en Argentine une situation de cannibalisme social combattu par l’entraide et la résistance

Frédéric Antonini présente son livre Pour une économie libertaire

Le vendredi 19 avril à 19h, on parlera économie avec Frédéric Antonini ! Mais attention, pas d’économie capitaliste et de course au profit ici, ce serait bien mal connaître la Fleur qui Pousse à l’intérieur ! Frédéric Antonini viendra nous présenter à la librairie son essai Pour une économie libertaire, publié aux éditions Nada !

Chourrons Carrouf !

Appel à chourrer carrouf lors du weekend de mobilisation contre Carrefour du 17-18 février mais aussi pour après.

Articles de la même thématique : Précarités

Précarité alimentaire : la Bancale reprend du service

Chaque lundi, le collectif La Bancale propose un moment de cuisine collective pour les personnes en situation de précarité. Au menu : lutter contre l’insécurité alimentaire et l’isolement social par la préparation et la distribution de repas au centre-ville de Dijon. Et on ne va pas vous le cacher, en cette rentrée, on aura besoin d’aide. On a même écrit cet article avec le fol espoir de faire grossir nos rangs.

Conflit de classes inversé, l’épine dans le pied des luttes sociales

Hiver 2023, mouvement social contre la réforme des retraites. Fonctionnaires, salarié·e·s d’entreprises publiques, étudiant·e·s sont en grève et dans la rue. Caissier·ères, ouvrier·ères du bâtiment, femmes de ménage, livreurs deliveroo et autres salarié·e·s de la « deuxième ligne » sont au taf. Les classes moyennes peuvent-elles faire seules la révolution ?