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VéloDi vs VéloDIY



Dans le contexte de l’installation prochaine de bornes type VéloDi à Dijon, il me paraît important de parler un peu de l’atelier hebdomadaire Vélorution, qui a lieu aux Tanneries, et de la volonté de quelques personnes de créer un projet de vélos en libre service autofinancé.

Tous les mercredis de 15h à 18h se tient un atelier de réparation DIY [1] et d’entretien de vélos à l’espace autogéré des Tanneries (17 bd de Chicago, 21000 Dijon).

On y trouve des outils, des carcasses, des roues, des vieilles chambres à air, bref tout pour se faire un vélo ou remettre le sien en état. Partant du principe que chacun-e a un savoir plus ou moins grand sur la réparation de vélos (de poser une rustine à graisser ses roulements à billes en passant par changer les freins), un atelier c’est pour nous l’occasion de profiter d’espace, de temps et de matériel pour se croiser, échanger, s’apprendre et mettre en commun tous nos savoir-faire. C’est aussi l’occasion de rêver et de construire des projets, des engins improbables, d’organiser des manifestations à roulettes..., en quelques mots de faire exister une communauté de cyclistes à Dijon.

Parallèlement à cet atelier, un projet de vélos en libre service gratuit et autofinancé mûrit petit à petit.

On peut se demander « pourquoi mettre de l’énergie dans un tel projet à la veille de l’installation de bornes VéloDi à Dijon ? ». Pour comprendre, il peut être utile de lire les encadrés joints à ce texte.

Pour donner une idée de ce que pourrait être ce projet de vélos en libre service alternatif je vous propose une petite traduction du texte « The Yellow Bikes Story », qui retrace l’histoire d’un projet similaire réalisé à Portland aux Etats-Unis. Cette expérience en est une parmi d’autres (dont certaines qui existent depuis nombre d’années comme le « Austin’s Yellow Bikes Project » qui fêtait ses dix ans au printemps dernier), et elle permet de réaliser que ce genre d’initiative n’est pas farfelue ou impossible.

The Yellow Bikes Story
Nous pensions que la meilleure façon de partager notre expérience était tout simplement de donner des détails sur ce que nous avons fait depuis que nous avons décidé de donner le coup d’envoi du Free Community Bike Program à Portland. Le compte-rendu suivant ne vous fournira certainement pas toutes les réponses à vos questions, mais nous espérons qu’il vous éclairera un minimum.

UCAN est une petite organisation à but non lucratif qui travaille sur des perspectives environnementales à Portland. Nous cherchons des idées pour améliorer Portland : c’est exactement ce que fait le Bike Program. De tous points de vue, il nous a paru participer au bon développement de la communauté cycliste de Portland, alors nous avons décidé de tenter notre chance et de le lancer.

Nous avons commencé début septembre 2005. Nous avions contacté l’association de vélos locale (« local non-profit cycling center ») qui entraîne les enfants à devenir mécaniciens pour vélos, et qui a accepté de nous donner 10 carcasses. Steve Gunther, un coordinateur de UCAN, nous a permis d’utiliser sa cour arrière pour réparer les vélos. La réparation est basique : on s’assure que les freins fonctionnent, que les pneus sont en bon état et on réduit les vélos à une seule vitesse. Le dernier accomplissement est d’enlever le dérailleur.

L’étape suivante était de rendre les vélos reconnaissables. Nous avons choisi la couleur jaune, et décidé que les vélos devraient avoir un panneau expliquant leur fonction. Comme nous n’avions aucun fonds propre, il nous fallut trouver des gens qui puissent nous offrir du temps ou des services. Nous avons contacté deux carrossiers pour voitures et un magasin qui fabrique des panneaux, qui ont accepté de nous aider.

Très vite, nous disposions de dix vélos réparés, peints et avec un panneau les identifiant comme « free community bikes » (vélos libres communautaires). Le panneau indiquait que les gens utilisaient les vélos à leurs propres risques, qu’ils devaient les remettre dans une rue passante après usage, et que pour les réparations il fallait contacter UCAN au numéro inscrit sur la plaque.

L’étape suivante fut de donner une conférence de presse pour annoncer le lancement du projet. Heureusement, la presse est venue et nous avons reçu une merveilleuse couverture télé. L’Oregonian Newspaper a également écrit un bon article. Les deux chaînes de télé et l’Oregonian diffusèrent notre numéro pour les gens qui seraient intéressés pour donner des vélos. À notre grand plaisir, les vélos furent immédiatement utilisés par les passants, ce qui produit de bonnes opportunités de photos.

Notre téléphone commença à sonner, les gens avaient lu notre histoire et voulaient donner des vélos. Il se trouve que les garages contiennent des centaines de vieux vélos abandonnés, et les gens aiment l’idée de « free communauty bikes ». La cour de Steve s’est trouvée remplie assez rapidement, et bientôt nous avions accumulé à peu près 75 vélos, dans différents états de délabrement. Une cinquantaine de vélos étaient réparables, et nous avons désossé et envoyé chez le ferrailleur les 25 autres.

À ce moment-là, des gens sont venus nous aider pour l’atelier de réparation des vélos. Par ailleurs, on commença à noter une sorte d’alliance naturelle entre nous et l’association de vélos locale qui avait donné les premiers vélos. Certains des vélos qui furent donnés étaient en trop bon état pour notre projet, et le club local de cyclisme accepta d’échanger un de ces bons vélos contre deux vélos moins sophistiqués, plus adaptés à l’usage collectif.

Après plusieurs séances de travail dans la cour de Steve, il était clair que nous avions besoin d’un local fermé pour continuer notre projet. Nous nous sommes alors mis à la recherche d’une organisation qui nous donnerait un local pour continuer de mener à bien notre projet. Nous avons aussi réalisé que nous avions besoin de camionnettes pour déplacer les vélos entre le local et les carrossiers. La société « U-haul trucks » à accepté de nous en fournir.

On était mi-octobre quand nous avons enfin pu proposer les 50 nouveaux vélos fraîchement repeints, réparés et signalisés dans la ville, ce qui amena à un total de 60 vélos. Nous avons déposé les vélos à « Pioneer Square », au centre-ville de Portland, un endroit très fréquenté et pittoresque. Bien entendu, nous avons eu d’autres conférences de presse. Le résultat était génial : des vélos jaunes fonçant a travers la ville de Portland avec des médias à leurs trousses.

Notre visibilité grandissait très rapidement. Les autorités locales ont commencé à s’apercevoir du potentiel de notre projet. La ville de Portland a soutenu le projet et a proposé son aide. Leur première contribution à été de nous fournir un local pour y travailler. La ville à contacté le comté de Multnomah qui a accepté de nous laisser utiliser un local vide, chaud et sec.

L’association de vélos locale devint co-sponsor du projet et commença à réfléchir à la meilleure façon de soutenir et d’entretenir une grande escadre de vélos. Notre estimation est qu’il devrait y avoir 1000 vélos jaunes à Portland pour arriver à une masse critique. Ce chiffre n’est qu’une supposition basée sur notre connaissance du terrain, mais nous sentons que cela fait partie du droit de la population locale de pouvoir anticiper la disponibilité d’un vélo jaune à Portland. Notre stock continuait de s’agrandir quand l’Oregonian publia un autre article sur le projet. C’était un très bon article intitulé « Un jour dans la vie d’un free community bike ». Ça a vraiment romantisé le vélo jaune et les gens commencèrent à se rendre compte des aspects positifs de ce projet qui naissait devant leurs yeux. Le New York Times eut vent de l’histoire et publia un superbe article, puis ce fut au tour du Sunday Times Magazine d’écrire quelque chose. À ce moment Good Morning America et Inside Edition tournèrent des reportages et avant que nous le sachions, de nouveaux articles et un grand nombre d’émissions de radio faisaient échos de nos efforts.

Nous avons aujourd’hui 100 vélos dans la rue, et notre entrepôt est plein. Dans deux semaines, nous disposerons de 100 vélos supplémentaires prêts pour la distribution, ce qui nous donnera un total de 200 vélos et nous rapproche de notre objectif de 1000 vélos !

Je tiens à préciser que je reste quand même assez critique sur plusieurs points, notamment le rapport aux médias grand-public qui est mis en avant à tel point qu’on a l’impression qu’un projet similaire ne serait pas possible sans une couverture couverture médiatique massive. J’ai aussi volontairement coupé la fin du texte qui montre l’évolution du projet avec la recherche de sponsors et de financements, ce qui pour moi change radicalement la force de ce projet qui jusque là fonctionnait grâce aux dons et au bénévolat prouvant qu’il est possible de s’organiser à petite échelle pour mener à bien des projets collectifs profitant à toustes (sans permission et sans subventions).

Si vous voulez lire la suite ou la version originale de ce texte, il est disponible à cette adresse internet : http://c2.com/ybp/story.html Et si cette histoire vous a inspiré et que vous êtes intéréssé-es pour participer, aider financièrement et ou matériellement à un projet similaire à l’échelle de Dijon, vous pouvez nous contacter à : velorution@brassicanigra.org.

Pour une vélorution populaire, Vélo Tsé Tung

De la pub sur toutes les chaînes
ou Ne tombez pas dans le panneau !
Mais, ces vélos en libre service proposés par les mairies, c’est quoi ?

Qu’est-ce que ça cache ?

Prenons le cas de Dijon... : le 21 décembre a été révélé au public impatient le dispositif des vélos en libre service de la ville de Dijon... Passons sur le nom ridicule qui veut venir compléter les Vélov’ et Vélib’, aussi sexy qu’un Velov’, aussi romantique qu’un Vélib’, ce seront les Vélodi (ben oui, ici on est plutôt simples, pragmatiques, efficaces, et surtout pas sexy ni romantiques). Passons sur le fonctionnement, le nombre de bornes, leur emplacement, même si ces sujets aussi peuvent s’avérer intéressants (on peut se demander pourquoi les bornes se concentrent dans un centre ville élargi, évitant les quartiers dits sensibles, hein pourquoi ?). Passons enfin sur l’obligation de prendre un abonnement ou sur le traçage des trajets par gps, qui permettra de savoir qui va où, quand, à quelle heure, à quelle fréquence...

Concentrons-nous cette fois-ci sur les conditions d’attribution d’un marché tel que celui-ci. Quel intérêt à fournir des vélos en libre service ? Si on était mauvais esprit on dirait que les mesures écologiques, que ce soit contre la pollution atmosphérique, sonore ou même visuelle ne sont qu’un argument pour endormir le public et avoir toute latitude pour mettre en œuvre des motivations mercantiles bien plus tangibles. Parce que bon, faut pas croire que Clear Channel et JC Decaux se bagarrent les marchés de vélos en libre service dans les différentes villes pour le seul plaisir mécénique de protéger la planète. Non. En fait, sous cette apparemment louable initiative, se dissimule un marché juteux de panneaux publicitaires. C’est la société états-unienne Clear Channel (qui soutient Bush et la guerre en Irak) qui a remporté le marché au nez et à la barbe du français Decaux, numéro un français du mobilier urbain (comprenez panneaux publicitaires et autres abribus), contrat signé le 29 mars 2007, visant à doter l’agglomération dijonnaise et ses 250 000 habitant-es de 400 vélos. Le marché, conclu pour une durée de quinze ans, comprend par ailleurs et pour la même durée la gestion du mobilier urbain. Ceci explique les bagarres juridiques qui opposent JC Decaux à Clear Channel, y compris les recours au tribunal administratif de Dijon en ce qui concerne le marché local. En effet, c’est un quasi monopole sur l’ensemble des panneaux publicitaires pour les quinze prochaines années pour l’entreprise qui remporte le marché. Ainsi, le marché obtenu par Clear Channel porte sur 400 vélos en libre service, 358 abris voyageurs et 180 panneaux publicitaires, moyennant une redevance annuelle de 1,8 millions d’euros à la communauté d’agglomération du Grand Dijon. Tout ça signifie beaucoup beaucoup beaucoup de sous... et concrètement, ça signifie aussi la prolifération des panneaux de pubs, sur les allées du parc, au centre ville, place Darcy... On remplace la pollution atmosphérique et sonore par une pollution publicitaire, visuelle. Mais concrètement aussi, contre celle-ci, on peut agir physiquement, plus facilement que contre le bruit ou les odeurs de voiture... concrètement, un pavé dans la vitre, et c’est des frais supplémentaires pour Clear Channel qui doit remplacer... à bonne entendeuse...

De l’intérêt de se réapproprier la pratique de la bicyclette...
C’est quand même pratique, le vélo, et à Dijon, on peut sans trop de problèmes se déplacer dans toute l’agglomération. Aux heures de pointe, on va aussi vite qu’en bagnole, et ce mode de déplacement est celui qui permet de circuler le plus « librement » : on se gare où on veut, et on peut se permettre quelques entorses au code de la route sans risquer un accident.

Et surtout, utiliser le vélo, par rapport à la bagnole, c’est être incomparablement moins dépendant de plein de trucs dont on préférerait se passer : on n’est pas obligé de suivre anxieusement le cours du baril de pétrole pour prévoir son budget, ni de cautionner les ravages de l’industrie pétrolière, ni de douiller pour les assurances ; on n’est pas obligé de faire enregistrer son vélo par une administration ; on n’a pas besoin d’un permis pour circuler ; en se démerdant bien (et en développant des initiatives comme l’atelier Vélorution des Tanneries), on peut tout réparer soi-même, et même customiser son biclou (rajouter un garde-boue pour pouvoir l’utiliser sous la pluie, ou se bricoler une carriole pour trimballer des trucs, ou juste lui peindre les rayons en rouge et noir et se faire un guidon « Harley Davidson »).

... et corollairement de refuser velo’v©, velib’© et autre cyclo’city©
Une fois qu’on a réfléchi à ça, on se dit que finalement, cette idée à la mode de vélo en « libre » service type Velib’ n’est peut-être pas si terrible que ça. D’abord, c’est pas vraiment un cadeau de la mairie, et encore moins de l’entreprise qui gère ce service : JC Decaux ou son concurrent Clear Channel (qui a été choisi par la ville de Dijon) obtiennent en échange la multiplication des espaces de pub en ville. Ensuite, tout ce qui fait l’intérêt du vélo, la relative autonomie qu’il permet, est perdu avec ce genre de système : pour l’utiliser il faut s’enregistrer (et à Lyon il faut disposer de 150 € sur son compte et avoir une carte bleue) ; on est obligé de trouver une borne pour se garer ; les vélos sont très peu maniables (les velo’v font 25 kg : impossible de sauter un trottoir ; ils sont aussi bardés d’électronique (y compris un GPS qui le localise en temps réel) et les trajets qu’on effectue peuvent être enregistrés ; au moindre problème technique (même un pneu dégonflé), il faut que l’entreprise qui gère le truc intervienne, etc.. Finalement, avec le système « cyclocity », c’est avant tout un mode de vie qu’on cherche à nous vendre, un mode de vie où on va bosser au bureau en velib’, où on va consommer en velib’, avant de rentrer dans son appart’ meublé chez Ikea dans un de ces nouveaux quartiers résidentiels sans âme type Toison d’Or, le tout en étant pisté par les autorités pour « assurer notre sécurité » et par les entreprises pour « étudier nos habitudes de consommation ». En bref, velib’ et consorts ne sont qu’une facette du monde parfait que nous offre cette société, entre caméras de videosurveillance et supermarché bio, entre écologie bobo et dispositifs sécuritaires (et encore, ça c’est pour les « gagnants » ; pour les autres, c’est flics, voitures qui puent et cités dortoirs).



Notes

[1Abbréviation de Do It Yourself : fais-le toi-même.

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