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Oaxaca, un an après



Un an après la répression brutale de la lutte populaire à Oaxaca, et depuis la montée au pouvoir du conservateur Felipe Calderon comme président mexicain, le mouvement social oaxaquénien semble s’essouffler, mais la vie des communautés à Oaxaca est une lutte quotidienne.

Alors qu’une bonne partie des militant·e·s arrêté·e·s sont toujours en prison, et que les responsables des meurtres, tortures et pillages commis par la police sont encore en liberté, la vie des communautés à Oaxaca reste marquée par la lutte quotidienne pour la préservation de leur mode de vie et le respect de leurs organisations sociales et politiques.

Ces dernières semaines à Oaxaca, la vie balance entre commémoration des meurtres perpétrés l’an dernier par la police d’état, tentatives de faire perdurer des modes d’organisation pour lesquels la population avait tenté de mener cette lutte notamment à travers l’APPO [1].

Il ne reste en effet aucune trace du commencement de révolution qui a duré plusieurs mois, en 2006-2007, sauf quelques peintures sur les murs, traces d’un folklore pittoresque plutôt que d’engagement, aux yeux de celleux qui les regardent. Les touristes sont de retour, les profs indigènes ont réintégré leurs salles de classe et ne peuvent toujours pas se loger ni se nourrir correctement, comme la majorité des familles avec lesquelles illes travaillent, victimes de la hausse des prix en raison de la forte fréquentation touristique. Toutefois, pour qui sait et veut s’y intéresser, les envies nées l’an dernier existent encore et ont laissé des traces.

D’abord les traces des disparu·e·s, que les habitant·e·s de Oaxaca ont voulu honorer lors de la Toussaint, commémoration prévue au carrefour des Cinco Señores, où avait résisté la plus importante barricade à l’automne 2006, et où plusieurs personnes ont été assassinées. C’était sans compter avec la police fédérale, qui en a profité pour faire sa propre commémoration, en intervenant, dispersant, matraquant, poursuivant et arrêtant les militant·e·s présent·e·s, empêchant ainsi la commémoration d’avoir lieu. Une façon d’annoncer qu’il reste des cellules vides dans les prisons du pays, malgré le nombre de militant·e·s emprisonné·e·s depuis un an.

Une autre trace de ce qui s’est passé l’an dernier est la survivance de l’APPO, qui continue tant bien que mal à exister et à tenter de mener à terme les projets engagés, mais qui connaît un grand nombre de difficultés internes, après avoir dû faire face à la répression du gouverneur tyran les mois passés. Les nouvelles difficultés viennent du déni de démocratie exercé par 4 organisations [2] participant à l’APPO mais dont les objectifs semblent s’éloigner de plus en plus de ceux de la base. Ces 4 organisations forment un front uni électoraliste, qui ne respecte en rien les positions de la première assemblée populaire de l’APPO, assemblée souveraine et décisionnelle. Parmi ces positions, toute organisation qui déciderait de participer aux élections devait le faire en son nom propre et non en celui de l’APPO, et toute personne candidate à ces élections devrait ipso facto démissionner de toute responsabilité dans l’APPO. Plus récemment encore, le front formé par ces 4 organisations a renié la troisième et dernière assemblée à laquelle participaient toutes les autres organisations. L’enjeu de cette assemblée était de voir le retour des représentant·e·s des communautés indiennes, des quartiers, des associations, des barricades et des collectifs populaires divers et variés. En raison de la terreur instaurée par le gouverneur Ulizes Ruiz Ortiz, les participations populaires aux manifestations, réunions et assemblées avaient baissé, laissant une représentation majoritaire aux organisations politiques qui pouvaient se livrer tranquillement à leur petit fourbi, électoraliste notamment. Depuis février 2007, la question de la participation de membres ou d’organisations participant à l’APPO est tranchée par la décision déjà évoquée mais non respectée par certains membres des 4 partis ou organisations électoralistes, désormais élus mais restant parallèlement membre actifs de l’APPO, et tentant par là-même de garder la mainmise sur les assemblées.

On en est donc là de la suite du mouvement de lutte oaxaquénien. La troisième assemblée populaire a eu lieu deux fois, la première ayant été dénoncée par ces 4 organisations politiques. Cette dernière assemblée pose les mêmes revendications que précédemment : la démission de Ulizes Ruis Ortiz, libérer les prisonnier·e·s politiques quel·le·s qu’illes soient (y compris celleux d’avant 2006), arrêter les poursuites contre tou·te·s les participant·e·s à la lutte populaire, juger les responsables des morts et des exactions, la solidarité avec d’autres luttes de la République mexicaine (Atenco, La Parota, les normaliens d’Ayotzinapa…) ou du monde, soutien aux autorités municipales élues à l’indienne, souvent contestées par les caciques locaux...

Comme ce mouvement avait débuté avec une grève de profs, on peut enfin mentionner la lutte actuelle des élèves de l’école normale rurale d’Ayotzinapa qui réclament le droit d’enseigner dans les communautés indiennes n’ayant pas d’instituteurs, et qui sont férocement réprimé·e·s par le gouverneur (de gauche…) Zeferino Torreblanca… De quoi faire réfléchir les profs d’ici, qui prétendent se battre en perdant une journée de salaire et en défilant dans les rues un mardi de grève pour obtenir une hausse de leur pouvoir d’achat.



Notes

[1Assemblée Populaire du Peuple de Oaxaca. L’APPO regroupe plusieurs centaines d’organisations très diverses : syndicats, associations, communautés indiennes, municipalités autonomes, organisations politiques, collectifs les plus variés, féminins, culturels, de quartier, etc… On avait insisté, au plus fort du mouvement, sur la forte influence qu’avait eue la tradition indienne, population majoritaire dans l’État, dans la création et le fonctionnement de cet organe original de démocratie populaire, où c’est la base qui dirige et où les représentants obéissent, où la règle est de rechercher toujours le consensus le plus général et non de faire triompher « la juste ligne politique », et retour « à la normale » avec accueil des touristes…

[2Front populaire révolutionnaire (FPR), Front large de lutte populaire (FALP), tous deux s’autodéfinissant comme staliniens, ainsi que la Nouvelle Gauche oaxaquègne (Nioax), proche du PRD (groupe auquel appartient Flavio Sosa), et la COMO (Coordination des femmes 1er août), tenue par le FPR.

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