49.3 - Explosion de colère à Dijon



La rue l’avait annoncée, le 49.3 ne passera pas ! Elle a tenu parole !

Après deux mois de mépris, le gouvernement est prêt à mettre en jeu sa propre existence pour faire passer une réforme qui n’a de logique que celle de gratifier les régisseurs d’une économie vorace et insatiable. Après de longues journées de calculs d’apothicaires, le gouvernement aux abois prend conscience qu’il est au zénith de sa minorité. Sueur froide. Il décide de faire appel au fameux article 49.3. La réforme ne sera pas votée mais imposée. Les derniers lambeaux du voile démocratique sont piétinés.

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Il faut la voir, Élisabeth Borne, dans son costume d’antiquaire, avec ses tics thatcheriens, peinant à annoncer le 49.3 à une Assemblée Nationale en ébullition. Rares sont les moments où cette assemblée acquiert un soupçon de légitimité aux yeux de celles et ceux qu’elle est censée représenter. Mais en cet après-midi du 16 mars, ça fait chaud au cœur d’entendre que le grondement populaire a contaminé jusqu’aux entrailles du Palais.

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Les appels aux calmes et les suspensions de séance n’y feront rien. Le brouhaha recouvre l’infâme annonce. La Marseillaise retentit dans l’hémicycle, submergeant tout discours. Habituellement, elle fait mal au cœur cette Marseillaise, hymne d’un nationalisme morbide. Il y a toutefois des instants de surgissements, très éphémères, où elle renoue avec ses origines révolutionnaires, comme lors d’une charge de gilets jaunes sur une ligne de CRS. Cet après-midi là, elle fait presque chaud au cœur, comme un appel des élus, rendus impuissants, exhortant les citoyens à prendre les armes, comme une menace adressée directement à l’intéressée, en face à face.

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Une pensée pour les familles des mannequins

Un avertissement qui ne tarde pas à se révéler efficace, alors que la foule commence à s’agglutiner à proximité de l’Assemblée. Très vite, cette foule déborde la police, pourtant très nombreuse, et vient mettre le feu aux pieds des arrogantes colonnes du Palais. Ça déborde, ça y est, enfin, après deux mois de lutte acharnée mais très cadrée. Ça déborde dans le cœur même du monstre, à quelques pas de l’Élysée, entre les ambassades et les ministères. Mais ça déborde aussi partout ailleurs, partout où l’État impose ses institutions pour rappeler qui commande.

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L’intersyndicale en manif sauvage

Et Dijon n’y a pas échappé. On pourrait même affirmer que Dijon est au faîte de la fomentation. Le rassemblement, appelé la veille par l’ensemble des syndicats, alors qu’il ne respecte aucune des formes convenues de l’action syndicale, commence par un bel incendie. Et pas n’importe quel incendie. On avait déjà vu lors de la dernière manifestation quatre pantins accrochés à autant de potences pendre autour d’un camion syndical. Ces pantins à l’effigie d’Emmanuel Macron, président de la République, d’Élisabeth Borne, premier ministre, Olivier Dussopt, ministre du travail, et Olivier Véran, porte-parole du gouvernement. Et bien ces quatre pantins là aujourd’hui sont brûlés sur la place publique.

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Les images qui font trembler la France (bourgeoise)

Et ce ne sont pas quelques « agitateurs » qui allument le feu mais les responsables d’un syndicat pourtant renommé pour sa tendance à la trahison. Cela se fait devant une foule bigarrée au-dessus de laquelle flottent des drapeaux de toutes les couleurs. Et lorsque le feu prend, qu’il se met à faire fondre les masques de ces quatre pantins, l’ovation est générale, le cœur y est. Ça démarre bien. La foule piétine, elle est impatiente, c’est comme si tout le monde n’attendait que ça depuis le début du mouvement. Comme si toutes ces grèves, ces marches, ces simulacres de contestation n’avaient eu qu’une seule fin.

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Des images insoutenables

Un cortège d’un bon millier de personnes se met en marche. Le suranné « Grève, blocage, manif sauvage » prend enfin consistance. Direction la préfecture, gardée par une poignée de camions de la police nationale. La cohorte hésite au début de la rue, pour finalement s’y engager. Mais elle est très vite repoussée par les nuages de gaz lacrymogènes. Premier reflux mais premier moment de magie. Alors que nombreu.ses sont celles et ceux qui partent en courant, c’est depuis la sono du camion syndical qu’on entend les conseils habituels dans ce genre de situation : on s’affole pas, on reste ensemble, on tient la rue. La rue sera tenue, et quelle tenue !

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Le cortège tente une percée par la rue Jean-Jaques Rousseau. Des poubelles sont emmenées. À la moitié de la rue le gaz fait refluer de nouveau la foule vers la place de la République. Les poubelles, incandescentes, ont été laissées en guise de barricade. De nombreux messages font leur apparition sur les murs et les vitrines. Ça gaze de nouveau rue de la Préfecture. Mais le cortège se tient. Il y a un parfum de sédition qui flotte dans l’air aujourd’hui. C’est reparti le long des voies du tram. Les panneaux publicitaires, ignominies nuisibles prêtes à nous vendre tout et n’importe quoi, sont presque systématiquement détruits.

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La joyeuse procession parvient à s’engouffrer dans la rue des Godrans. C’est une liesse comme il est rare d’en voir en manif. Les poubelles sont entassées au milieu de la rue et incendiées, le Jardin de la Banque de France assaillit par des salves explosives de pétards et nombreux sont les commerçant.es qui nous remercient d’exprimer une colère qu’iels partagent mais ne parviennent pas à exprimer car piégé.es par leur situation socio-professionnelle. On voit une soixantenaire dire à son amie qui est en train d’allumer une poubelle de remettre son masque car il y a des caméras. On voit un soupçon de frayeur parfois mais surtout des regards complices et des applaudissements.

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FO qui appelle à « radicaliser le mouvement »

La cohorte bordélique commence à se répandre autour des Halles mais la police débouche de la Place de la Banque et repousse tout le monde rue des Godrans. Le gaz est fort, il asphyxie de nombreuses personnes, mais encore une fois, le cortège parvient à se reformer et continue en descendant la rue de la Liberté. Les boutiques de luxe tirent leurs rideaux, les terrasses de cafés bourgeoises rangent leurs mobilier et le gaz s’insinue partout où nous passons.

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La manifestation débouche sur la place de la Libération. Aussitôt, un feu est allumé au pied des grilles de la Cour d’Honneur de la mairie. Une petite grappe de policiers municipaux affolés ne peuvent intervenir. Ils tentent de se casquer et s’armer tant bien que mal sous une pluie de pétards. La caméra de surveillance qui filme la scène est neutralisée. Les flics viennent à la rescousse de leurs collègues. Ils noient la place sous les gaz.

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Si t’as pas la ref’ : SCH - Autobahn

La foule se sépare en trois groupes dans les petites rues du centre-ville entre la Lib et Tivoli. Des barricades sont érigées, des voitures de luxe et des vitrines éclatées, et les incendies de poubelles n’en finissent pas. C’est la confusion dans les rues de Dijon, alors que la nuit est en train de tomber.

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Deux cortèges parviennent à se rejoindre place Émile Zola, ce qui déclenche une volée de hourra, le troisième semble s’être dispersé. Ça repart de plus belle rue Berbisey, puis Victor Dumay, avant de tomber à nouveau sur les flics qui attendaient place des Cordeliers. La nuée, moins dense, descend le rue Saint-Anne et tente de rallier la maison des syndicats pour s’y abriter du harcèlement policier qui ne s’arrête plus dans chaque ruelle entre Tivoli et le Transvaal.

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On voit des camions foncer dans la foule, pourchasser celles et ceux qui courent, portes ouvertes, gazeuses généreusement vidées au passage sur toutes celles et ceux qui ont le malheur de se trouver là. Mais on voit aussi un camion poubelle se mettre en travers d’une rue pour bloquer une charge policière et permettre aux manifestant.es de prendre de la distance. Le plus gros de la troupe parvient à s’engouffrer dans la maison des syndicats qui se retrouve assiégée par la flicaille qui bloque la rue. Petit à petit, les flics se lassent et les assiégé.es réussissent à se sortir de là.

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Les événements de cette fin d’après-midi n’ont pas tardé à faire parler d’eux. Et les politicien.es en ont profité pour gémir à propos d’on ne sait quelle « violence » de la part des manifestant.es sans dire le moindre mot à propos du déchaînement de brutalité dont a fait preuve la police.

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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, Nathalie Koenders, qui se prend déjà pour la maire de Dijon, et Franck Robine, préfet de la Côte-d’Or, auront beau pleurnicher ou se plaindre à la justice, ce qui s’est passé à Dijon hier restera gravé dans les cœurs comme un moment d’expression sans filtre partagé et assumé par toutes les composantes du mouvement social.

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Vive la grève ! En lutte jusqu’au retrait !

Des manifestant·es à chasuble et à k-way.

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En bonus, le communiqué de presse de Solidaires 21 suite à la manifestation :

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