Les patrons, entretiennent une solidarité de classe, et ça, ça n’est pas vraiment nouveau. Par contre, il arrive que le patronat local se doute d’outils redoutables pour s’organiser de façon durable. Un exemple découvert récemment sur la côte d’or : L’ARIQ BTP.
La définition retrouvée sur le site donne une vue assez intéressante de la fonction de cet outil patronal :
« Association Paritaire Loi 1901 à but non lucratif créée en 1989 par les Organisations Professionnelles d’employeurs et de salariés du BTP de Bourgogne, l’ARIQ BTP BFC a pour mission de favoriser l’insertion durable dans les entreprises du BTP, de demandeurs d’emploi, et notamment de jeunes, tout en leur assurant la formation professionnelle nécessaire à cette insertion. »
Donc, c’est une « association » qui trie, répertorie, classe, et contrôle une partie de la main d’œuvre, souvent la plus précarisée, c’est à dire moi et mes collègues. Vous l’aurez peut être remarqué, mais l’ARIQ fait mention de sa « parité ». Paritaire, ça veut dire que tous les traîtres syndicaux et autres bureaucrates qui salissent le syndicalisme de combat ne sont pas loin.
On continue la lecture, toujours tirée de la présentation officielle sur leur site, où l’on peut trouver au passage une photo d’une modèle en train de faire du marteau piqueur en soutien gorge. Que les porcs patronaux n’aient jamais fait de marteau piqueur ne nous étonne pas plus que ça, qu’ils utilisent une mise en scène sexiste pour donner un côté « mixte » au métier du BTP est tout simplement scandaleux.
Si tu veux vraiment voir des vrai.es salarié.es faire du marteau piqueur en lingerie, on peut se motiver avec les collègues, mais vu comme on est abîmé.es par le boulot, ça risque d’être raté pour donner une image attirante du BTP.
Donc l’ARIQ est paritaire, c’est à dire composée à moitié de représentants patronaux, et de l’autre de « syndicats » qui, au lieu de se battre pour nos camarades salarié.es, chômeur.euses, retraité.es, préfèrent jouer les co-gestionnaires en participant à ce vivier de chair à patron.
On apprend que :
- 1995 : l’Union régionale Bourgogne CGT rejoint le Conseil d’Administration
- 2014 : la Force Ouvrière Bourgogne et la SCOP BTP EST rejoignent le Conseil d’Administration
En espérant que votre position de tapis de sol pour patron n’est pas trop inconfortable, nous ne pourrons jamais pardonner une trahison telle que celle ci. La place des syndicalistes est dans la rue, dans les piquets de grève, au côté de tous.tes celles et ceux qui sont exploité.es par le patronat. Participer à cette mascarade est une honte.
Les salarié.es visé.es par ce système, c’est tous.tes les galérien.nes déjà bien brisé.es par la violence de cette vie de prolétaire. Jeunes déscolarisé.es, détenu.es en conditionnelle, en probation, jeune parent isolé.e, chômeur .euse longue durée, salarié.e ayant un long arrêt de travail pour cause de maladie, dépression etc.
La ballade sur leur site, nous emmène à présent du côté de la partie réservée aux demandeur.euse d’emploi. Mais au fait, pourquoi se soumettre à l’ARIQ, à leur tests humiliants, à leur fausse charité ? N’importe quel.le salarié.e répondrait « Pour ne pas crever de faim » mais la réponse est ailleurs (toujours tiré du site de l’ARIQ) :
« Si vous vous reconnaissez dans les 4 aspirations suivantes :
- La motivation : Vous voulez valider un projet professionnel dans le BTP
- Le goût d’apprendre : mais aussi d’alterner des temps dans une ou plusieurs entreprises du BTP et des temps en centre de formation.
- L’ambition : Vous voulez obtenir une validation, une reconnaissance, une qualification professionnelle et un diplôme du secteur du BTP
- Saisir une opportunité : L’opportunité unique d’accéder à un emploi durable et stable, encadré et tutoré. »
Rien de bien nouveau, de la langue de bois patronale comme on l’aime, on insiste sur le fait que si t’as pas de boulot t’es rien qu’un sale parasite, que le patronat local a de grands projets pour toi, l’opportunité exceptionnelle de te faire bosser comme un chien, dans « une ou plusieurs entreprises » histoire que tu restes bien précaire quand même. On te donne la chance de saisir une opportunité, celle de faire de la pelle et du râteau toute ta vie, pour un salaire de merde, celle de pouvoir enfin ressembler à tes darons, qui ont passés les plus belles années de leur vie au boulot de 7 heures du matin à 18 heures, être de celles et ceux qui connaissent les lignes de bus par cœur pour les fréquenter 2 heures par jour, et de ne plus pouvoir faire ses lacets à 45 ans, à cause d’un dos usé. Que demander de mieux ? Ah si. T’étais pas très performant à l’école ? T’inquiètes pas, les patrons vont te remettre en salle, pour t’apprendre ce dont ils ont besoin pour que tu sois un.e salarié.e modèle. Peu de chance que le droit du travail soit au cœur de la formation, mais après tout pas d’inquiétude hein, F.O. mange des petits fours au conseil d’administration.
Tout va bien dans le meilleur des mondes. Les précaires sont encadré.es, les revenus patronaux assurés.
Passons ensuite à l’onglet « Employeur » :
« Si vous souhaitez recruter un nouveau salarié :
- Nous vous rencontrons pour définir précisément vos besoins
- Nous élaborons le profil du poste
- Nous définissons le profil de candidats que vous attendez
- Nous recherchons et vous présentons des candidats
- Si l’un d’entre eux vous intéresse, nous vous proposons un stage pour « l’essayer »
- S’il vous convient nous construisons un parcours individuel alternant des périodes de Formations (techniques, habilitation obligatoire, …) et des stages dans votre Entreprise.
- Si vous souhaiter l’embaucher, on vous propose le contrat le plus adapté pédagogiquement et économiquement. »
Rappel important, on parle d’un ou une prolétaire, pas d’une paire de chaussure. Peu importe, on « l’essaye » et si il ou elle vous « convient », on va lui mettre en place son plan de formation, pour qu’il ou elle soit au top du rendement. Puis, si ça marche bien, on va conseiller l’employeur pour le type de contrat « Le plus adapté pédagogiquement et économiquement ».
On rappelle tout de même, que la vie des patrons de PME, est très difficile. Les salarié.es bossent pour lui, de véritables organisations collectives lui trouvent la main d’œuvre, le conseillent sur quel contrat prendre pour rentabiliser au maximum la masse salariale, forment les salariés en fonction des besoins du patron, les syndicats réformistes majoritaires applaudissent à deux pieds (leurs mains étant menottées au radiateur du patron), et on donne un visage cool à l’exploitation des prolétaires.
Exemple, Michel, infâme chômeur assisté, n’a pas travaillé depuis 6 mois maintenant. La police patronale, (Pôle emploi) le sermonne, l’humilie, lui donne des rendez vous collectifs pour lui apprendre à mettre sur le papier sa carrière, au cas où il ne serait pas capable de le faire lui même. Si il y a un chômage structurel de masse, ce n’est pas à cause des délocalisations, de l’automatisation du travail, c’est parce que Michel, et ses congénères prolétariens, ne savent pas faire leur CV sur Word. Mais, dans toute cette galère, après toutes ces humiliations, après le chantage aux indemnités chômage, acquises par la classe ouvrière par la lutte, Michel entrevoit une sortie bienveillante à tout ça. Une association, qui lui tend la main et met en relation les employeurs et les employé.es. Sorte de circuit court, les mêmes qui permettent aux Bobos d’acheter leur panier de légumes de la ferme.
Face à ce nouveau visage de l’exploitation patronale, de la répression des chômeur.euses, pour contrer cette fausse image de coopération entre exploiteur et exploité.es, face à l’offensive généralisée sur tous nos acquis de classe arrachés par la lutte, nous devons reconstruire un front syndical de classe, combatif, et sans concession.
Le mouvement social en cours, malgré sa combativité, peine à affirmer que nos intérêts, sont contraires à ceux des patrons. Malgré toute la détermination d’une partie des Gilets Jaunes, on ne fera pas reculer la bourgeoisie sans bloquer ses revenus, c’est à dire nos boulots, sans se donner du temps en semaine pour manifester, bloquer, piller.
Si ils sont riches, c’est parce que nous crevons de faim.
Si ils sont riches, c’est parce que nous produisons les richesses.
Si ils sont riches, c’est parce qu’ils nous exploitent.
Grève, blocage, manif sauvage !
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