Conflit de classes inversé, l’épine dans le pied des luttes sociales



Hiver 2023, mouvement social contre la réforme des retraites. Fonctionnaires, salarié·e·s d’entreprises publiques, étudiant·e·s sont en grève et dans la rue. Caissier·ères, ouvrier·ères du bâtiment, femmes de ménage, livreurs deliveroo et autres salarié·e·s de la « deuxième ligne » sont au taf. Les classes moyennes peuvent-elles faire seules la révolution ?

Le grand vainqueur

13 avril 2023, 6h30 du matin, en périphérie d’une agglomération française. Un petit groupe de syndicalistes et de militant·e·s mobilisé·e·s contre la réforme des retraites s’est réuni pour bloquer l’une des principales entrées de la ville. Un embouteillage s’est formé, qui s’allonge de minute en minute. Au bout d’un quart d’heure, le chauffeur d’une camionnette de livraison sort brusquement de son véhicule et se dirige en gesticulant et en hurlant vers les bloqueurs. Il est hors de lui. Seul le rapport de force déséquilibré le retient de frapper le premier bloqueur qui lui tombe sous la main. « Mais c’est pour vous aussi qu’on fait ça », essaient les militant·e·s pour le calmer. Au contraire, ça redouble sa colère : il est en période d’essai ; à cause d’eux, il va perdre son job ! Qu’est-ce qu’il va faire ? Il a une femme et des gosses à nourrir ! Les militant·e·s échangent des regards gênés, ne savent plus quoi dire. Finalement, l’un d’eux lui dit de ne pas s’en faire, qu’ils vont bientôt lever le barrage. Le livreur retourne à sa camionnette en gesticulant et en maugréant toujours. Du côté de la mini-barricade de poubelles et de palettes qui barre la chaussée, l’ambiance est plombée.

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Pourtant, les sondages publiés par les médias montrent semaine après semaine que la population est massivement opposée à la réforme. Alors les militant·e·s s’interrogent : pourquoi ce livreur qui, a priori, devrait être du côté des opposant·e·s à la réforme, est-il aussi remonté contre celles et ceux qui bloquent la route pour « bloquer l’économie » ? Certains avancent une explication : « C’est peut-être un facho ?... » Il est vrai que tout le monde a lu ou entendu ces derniers temps dans les médias que le Rassemblement national était « le grand vainqueur de la contestation sociale ».

Aujourd’hui, le conflit de classes semble s’être en quelque sorte inversé : tandis qu’une majorité de celles et ceux qui se trouvent au bas de l’échelle sociale adhèrent aux idées de droite favorables aux classes supérieures, ce sont des personnes plutôt bien placées dans la hiérarchie sociale qui constituent les forces vives de la gauche égalitariste.



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