« Mais t’as cru quoi ? » Communiqué des Tanneries sur l’intrusion policière de ce samedi



Alors qu’un vent de contestation souffle dans le monde de la culture, la Préfecture de Côte-d’or envoie ses troupes aux Tanneries pour empêcher la tenue d’un concert... sans public.

Samedi après-midi vers 16h, plusieurs dizaines de policiers en tenue anti-émeute s’introduisent dans l’Espace autogéré des Tanneries. Pendant près de deux heures ils bouclent les lieux et tentent de s’introduire jusque dans les habitations. Motif invoqué ? « Non respect des mesures Covid ». Les personnes sur place seraient en train d’organiser un concert public, au mépris des règles de distanciation sociale. Dans les faits : une simple captation vidéo d’un concert sans public, destinée à être rediffusée en streaming dans le cadre du Festival Italiart, un festival organisé en partenariat avec... la Préfecture de Côte d’Or !

Communiqué de l’espace autogéré des Tanneries

Quelle mouche a piqué la préfecture ? Des flics en pagaille dans les Tanneries comme on n’en avait jamais vu pour interdire... un enregistrement vidéo !?
La captation d’un concert sans public du groupe Italien La Colpa était programmée de longue date dans la salle de concert et annoncée publiquement par l’organisation du très institué festival Italiart.
On pourrait presque croire à une mauvaise blague tellement l’opération semblait bancale et sans fondement. Mais les moyens déployés étaient bien réels et au delà d’interdire un concert imaginaire, l’opération semblait surtout destinée à mettre un pied dans les lieux.

Après avoir pénétré dans l’enceinte des Tanneries, ils ont pendant plus d’une demi-heure tenté d’investir l’espace d’habitation, prétextant que vivre dans un établissement recevant du public faisait de cette maison un endroit ouvert à toute leur armada.
Après un long rappel à la loi leur indiquant qu’ils s’apprêtaient à commettre une violation de domicile, le commissaire De Bartolo, refroidi, s’est vite rabattu sur son téléphone pour vérifier le cadre d’une intervention bien hasardeuse. Ses échanges avec le procureur et sa hiérarchie dureront toute l’après-midi, mais ils ne trouveront jamais de motif valable pour entreprendre la grande opération qu’ils étaient venus mener.

Après un moment d’indécision, la troupe s’est dirigée vers la salle de concert, espérant peut-être que cette fois-ci, la crise sanitaire permettrait de justifier d’y entrer. Pensant y trouver une foule en
délire et avec la ferme volonté de mettre fin au grave délit d’organisation d’un concert, ils furent invités à entrer par l’organisateur de l’évènement. La salle de spectacle était vide. Ce qu’ils qualifieront de « concert clandestin » regroupait en réalité une quinzaine de personnes : les musiciens et les membres de l’association en charge de les accueillir.

Résultat : des effectifs mobilisés pendant des heures, une rue bloquée, une captation perturbée et l’espace autogéré des Tanneries encerclé.
Pour rien.

Mais l’opération politique est claire : depuis le début du festival Italiart, plusieurs captations de concerts ont déjà eu lieu dans différentes autres salles dijonnaises. Il faut croire que c’est uniquement à l’espace autogéré des Tanneries que cela semble problématique.

Voici donc une jolie opération médiatique et mensongère de la préfecture. La police veut entrer en force où bon lui semble, raté pour cette fois. Le triste constat, c’est que grâce au motif sanitaire et à
l’état d’urgence elle possède encore plus de prétexte pour contrôler, surveiller, ficher, intimider, réprimer ou interdire... Et elle s’en sert !

Presque un an déjà sans concerts, sans cinéma, sans musée, sans spectacle vivant. Il faut aller travailler, s’entasser dans des supermarchés, dans des trams mais flâner dans un musée, non. Discuter autour d’un thé, non plus. Danser ? Vous pouvez oublier.

Mais la culture et nos esprits bouillonnent ! On essaye dans l’espace autogéré des Tanneries de la faire vivre autrement, de créer du lien et de la solidarité depuis 1 an de pandémie, d’être présent dans les mobilisations. Pourtant la répression guette le moindre mouvement, l’intrusion policière de samedi dernier en est une « belle » illustration.

En ce moment les meilleurs concerts et teufs, c’est encore les manifs en soutien à la maskarade. Alors tant qu’il n’y a pas d’évènements publics aux Tanneries, on espère retrouver tous les amoureu.x.ses de la fête dans la rue, là où elle prend tout son sens. Tant que nous ne pouvons plus utiliser les Tanneries pour parler et construire des imaginaires politiques, retrouvons-nous aussi dans la rue pour faire mouvement. Ce monde se restreint, alors prenons les espaces qu’il nous reste et repoussons-en les limites !

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Les faits que les flics avaient sous les yeux démentaient donc le motif de leur intervention. La Préfecture et le procureur de la République ont malgré tout réitéré leur version mensongère dans la soirée avec un communiqué rapidement repris par le BP (pour Bien Public, ou Bulletin Préfectoral, on ne sait plus trop).

Réponse de l’association Maloka, un des collectifs impliqué dans la vie des Tanneries

Les tanneries n’ont jamais eu l’intention d’organiser le moindre évènement public dans ce lieu et nous pouvons le prouver clairement.

La seule activité qui avait lieu ce samedi 13 mars était le tournage en équipe réduite et sans public de la prestation d’un groupe italien destinée à être rediffusée le dimanche suivant par l’association Ombra Di Peter qui tient la 15e édition de son festival, organisé cette année de manière virtuelle . Ils ont par ailleurs organisé d’autres diffusion depuis des lieux comme l’hôtel de Voguë à Dijon , dans les mêmes conditions sans que cela ne déclenche d’intervention.

Cette captation sans public sera par ailleurs diffusée sur leur page ce dimanche 14 mars et chacun.e pourra donc se faire un avis sur ce prétendu concert si dangereux ...

Les seules personnes présentes lors de l’intervention de la police se résumaient à une 15zaine d’individu.e.s, membres du groupe, cameramens , ingénieur du son, éclairagiste, organisateurs et quelques membres de l’association, tou.s.te.s masqué.e.s et respectant scrupuleusement les gestes barrières recommandés.

En ces temps de pandémie, les captations hors public comme celle organisée ce jour aux tanneries fleurissent et c’est à notre connaissance le seul cas en France d’intervention des forces de l’ordre pour essayer d’en interdire la tenue.

Nous nous demandons donc légitimement pourquoi ce « deux poids, deux mesures » et surtout pourquoi cet évènement est décrit par les autorités comme un « concert illégal » alors qu’aucun public n’était présent et que les forces de l’ordre sont intervenues dans un moment de réglage du son (balances) …

Ces accusations sont graves, puisqu’elles font porter sur les tanneries une insupportable accusation d’irresponsabilité alors même que nous respectons, comme toutes les salles de concert, les interdictions liées à la pandémie, ainsi que les mesures sanitaires en vigueur concernant les évènements hors-public ce qui ne veut pas dire que nous les comprenons et les cautionnons mais c’est un autre débat.

Nous ne comprenons pas ce déploiement de force disproportionné (3 camions, 2 voitures et un 15 zaine de policiers) pour une simple captation musicale. Si toute forme d’expression artistique est interdite, nous demandons à ce qu’on nous le fasse savoir.

En revanche nous pensons pouvoir comprendre la source du quiproquo par la communication dans les colonnes de l’édition « pour sortir » éditée par le Bien Public annonçant un concert aux tanneries ce samedi 13 mars sans plus d’information alors qu’ il est clairement dit sur le site de l’association Ombra di Peter que le tournage se fait sans public.

Un simple coup de téléphone de la préfecture à l’organisateur aurait suffit à expliquer ce que nous faisions ce jour là et aurait évité cette intervention coûteuse .

Tout ceci n’est pas sérieux et nous ne comprenons pas que le Bien Public puisse publier une annonce de concert pendant cette période sans se poser aucune question et que la préfecture sur cette seule base déclenche une opération de cette ampleur. Ça pourrait prêter à rire si le sujet n’était pas si grave.

Nous remettons donc en question la responsabilité et le professionnalisme de ce quotidien dans cette affaire et souhaitons savoir comment ils expliquent cette publication...

Nous essayons par tous les moyens de maintenir une activité artistique légale et responsable dans ce lieu afin que toutes les cultures s’expriment et cette démonstration de force pose question quant à la volonté de l ‘état de voir se réinventer les pratiques culturelles.

Nous attendons des autorités qu’ils clarifient rapidement la situation et nous disent clairement ce qui était interdit dans la tenue de cet évènement et selon leurs mots « dont les conséquences sanitaires pour les participants, leurs proches et l’ensemble de la population auraient pu être graves ».

Nous demandons également que, si aucune infraction n’a finalement été commise, soient annulés les procès verbaux dressés à l’encontre des organisat.eurs.trices et des personnes verbalisées .

Nous travaillons chaque jour bénévolement sur notre peu de temps libre pour qu’un peu de propositions, même virtuelles, subsistent en direction de la population mais force est de constater que le marasme et l’austérité doivent aujourd’hui devenir la norme.

Un monde triste et dépourvu de plaisir se profile et nous lutterons toujours contre ça !

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