La journée avait pourtant bien commencé pour Michel-Édouard, le gérant de l’hypermarché de Chalon-sur-Saône. En ce samedi 11 janvier 2020, troisième jour des soldes, les caisses automatiques tournaient à plein régime et les bénéfices s’annonçaient rondelets.
Un peu plus loin en centre-ville, un millier de manifestant·es contre la retraite à points de Macron envahissaient les voies de la gare SNCF puis rejoignaient l’hôpital, autre symbole de la casse des services publics. Personne n’aurait pu prévoir l’incident qui se déroulerait plus tard dans l’après-midi. Pas même la centaine de personnes restées après la manifestation pour un barbecue festif devant la gare, et bien décidées à poursuivre les actions après avoir ripaillé.
A 14h30, nos joyeux activistes prirent en effet le chemin du centre commercial et envahirent l’hypermarché en chantant des slogans ravigotants tels que « Travaille, consomme, et ferme ta gueule », « La retraite à point, on n’en veut point ! » ou encore « anti, anti caisseautomatique ! ah ah ! ». Un camarade enseignant nous fît – à juste titre – remarquer que cette double-négation signifiait qu’on était pour. Il vaudrait mieux dire « anti » 3 fois.
L’accueil dans l’hypermarché fut globalement sympathique, ici deux mamies poussant leur caddie s’arrêtant pour nous dire « bravo ! continuez il faut vous battre, nous on a fait mai 68 et on était CGT toute notre vie maintenant on peut plus, mais on vous soutient ! », là un salarié nous alpaguant pour nous dire « merci ! On se sent exister : d’habitude vous allez toujours à l’autre hypermarché... », là encore quelqu’un nous confirmant : « Macron, il faut le stopper ! ».
C’est quand nous ressortîmes du magasin que l’incident se produisit. La police était là, prévenue dès notre arrivée par un jeune responsable du magasin se prenant pour chefaillon de milice fasciste : « ça va arriver vite je vous le garantis ça va arriver très très vite. Vous avez que ça à foutre ? On est une entreprise française ! »
Les forces de l’ordre nous suivirent jusqu’à la station service dont il était prévu de bloquer l’accès. Lorsque nous fûmes rassemblé·es, le brigadier-chef sortit une bombinette lacrymogène qu’il avait reçue à Noël et qu’il garda à la main dans l’espoir de l’étrenner enfin. Les manifestant·es étant décidément trop pacifiques, le brigadier commençait à perdre patience et avait du mal à refréner son excitation.
C’est alors que l’occasion se présenta à lui. Michel-Edouard, le gérant de l’hypermarché, fît en effet son apparition, venant à la rencontre des manifestants, avec la ferme intention d’ouvrir le dialogue dans une démarche d’apaisement. S’approchant de l’un d’entre nous, il lui dit ainsi : « Qu’est-ce que t’en sais toi du travail, avec la gueule que t’as ça s’voit que tu bosses pas ! ». Évidemment, Michel-Edouard reçu pour toute réponse une belle volée de bois vert de notre part, et le brigadier-chef vît là une opportunité unique pour user de sa bombinette. Mais c’est souvent comme ça quand on a un nouveau jouet on est tellement pressé qu’on prend pas le temps de lire la notice, si bien que dans un geste quelque peu maladroit il aspergea non seulement les manifestants mais également Michel-Edouard, les autres policiers... et lui-même. Michel-Edouard quitta les lieux sous les huées, toussant et se frottant les yeux. Héroïques, les policiers parvinrent tant bien que mal à se retenir de cracher leurs poumons et à continuer à nous faire face, afin de protéger le brigadier-chef à la limite du malaise.
Certain·es d’entre nous tentèrent d’établir un dialogue avec les forces de l’ordre afin de les convaincre de désobéir aux ordres illégitimes du pouvoir macronien, puis la journée se termina par une dernière action, une tentative de péage gratuit à la sortie Chalon-sud, qui fut mise en échec par l’armée. Nous nous quittâmes toujours aussi déterminés en nous donnant rendez-vous pour les actions des jours à venir.
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