Organisations féministes, LGBTI, syndicales, nous soutenons tous les modes de lutte antiraciste



« La non-mixité est un acquis du mouvement social depuis le XIXe siècle, défendons-la pour toutes et tous ! » Un ensemble d’organisations féministes, LGBTI et syndicales demande le retrait de l’amendement sur les réunions en non-mixité racisée et de la loi « séparatisme ». La non-mixité est une pratique historique qui a permis de nombreuses avancées, et dans un contexte d’offensive raciste, « il est primordial de nous ranger aux côtés des organisations antiracistes », ajoutent-elles.

Nous, organisations féministes, LGBTI et syndicales, soutenons et soutiendrons tous les modes d’organisation de la lutte antiraciste !

Ce jeudi 1er avril au soir, les membres du Sénat ont adopté à l’unanimité un amendement qui permet de dissoudre les associations qui ont recours aux réunions non mixtes réservées aux personnes racisées.

La discussion autour de la non-mixité est présente dans le débat public depuis plusieurs années déjà. Elle oppose les tenants d’un universalisme républicain illusoire, qui préfèrent fermer les yeux sur les réalités sociales des inégalités et des oppressions subies par les minorités pour proclamer une égalité de façade, aux militant·e·s antiracistes qui utilisent la non-mixité comme un moyen d’organisation et de lutte.

En effet, il faut souligner que même si diverses autres organisations militantes l’utilisent également – féministes, LGBTI ou syndicales, par exemple –, l’amendement voté le 1er avril par le Sénat ne concerne que la non-mixité consacrée aux personnes racisées, c’est-à-dire un mode d’organisation de la lutte antiraciste. Comment comprendre cette inégalité de droit entre les organisations autrement que comme une énième manifestation du racisme du gouvernement ?

Car c’est bien d’un mode d’organisation de lutte qu’il s’agit. La non-mixité dans le cadre du militantisme contre une oppression a deux utilités : d’une part la libération de la parole au sujet de l’expérience commune de cette oppression sans devoir subir le regard de curiosité ou de jugement des personnes qui y sont étrangères ; d’autre part l’auto-organisation dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie de lutte. Il s’agit d’une pratique historique indissociable des mouvements sociaux qui a permis de nombreuses avancées.

Nous, syndiqué·e·s, quand nous nous organisons sans nos patrons, ne faisons pas autre chose ; nous, féministes, quand nous nous organisons sans les hommes, ne faisons pas autre chose ; nous, personnes LGBTI, quand nous nous organisons sans présence cisgenre ou hétérosexuelle, ne faisons pas autre chose.

Nous avons par le passé mis en œuvre des réunions non mixtes réservées aux personnes racisées parmi nous et nous continuerons de le faire, car nos luttes ne doivent pas ignorer les conséquences spécifiques du patriarcat et du capitalisme sur les conditions d’existence des personnes qui subissent déjà le racisme. Les réunions non mixtes entre Afro-américain·e·s ont été un élément central dans la lutte pour les droits civiques puis dans la lutte pour la libération des Noir·e·s aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. Encore aujourd’hui, tant que le racisme continuera d’exister, c’est un élément indissociable de la lutte antiraciste.

Il est donc primordial de nous ranger aux côtés des organisations antiracistes et au sein desquelles s’établissent des luttes antiracistes, qui sont directement visées par cet amendement. Car cette décision du Sénat – votée à l’unanimité, il faut le rappeler – s’inscrit dans une offensive plus large : celle de la loi sur le séparatisme, ou « loi pour le respect des principes de la République », qui est en ce moment examinée en première lecture au Sénat. Ainsi ces derniers jours ont déjà été votés plusieurs amendements à ce projet de loi : l’interdiction des drapeaux étrangers lors des mariages, l’interdiction aux jeunes filles mineures de porter le voile dans l’espace public et l’interdiction aux mères qui portent le voile d’accompagner les sorties scolaires. Une fois de plus, le contrôle du corps des femmes est utilisé par le gouvernement pour asseoir la domination raciste. Une fois de plus, la politique raciste et islamophobe de l’État est aussi sexiste. Nous rappellerons donc, autant qu’il le faudra, que les organisations féministes ne peuvent soutenir des politiques qui limitent les libertés.

Il faut aussi mentionner la charte dite « des principes pour l’islam en France », et notamment l’article 9 qui affirme ceci : « les dénonciations d’un prétendu racisme d’État, comme toutes les postures victimaires, relèvent de la diffamation. Elles nourrissent et exacerbent à la fois la haine antimusulmane et la haine de la France ». Par cet article, le gouvernement désigne les personnes musulmanes qui évoquent l’islamophobie et le racisme d’État comme responsables de leur propre oppression ainsi que d’une « haine de la France ». Cette dernière formulation, volontairement très large, peut désigner indifféremment la critique de la politique française ou les attentats terroristes, ce qui donne lieu à toutes les confusions et permet la criminalisation de toute personne musulmane qui remet en cause la politique de l’État. Signer la charte, comme le réclame l’État aux associations musulmanes, revient donc à nier sa propre oppression et à accepter de ne plus porter un regard critique sur les politiques du gouvernement.

Nous affirmons que l’ensemble de ces amendements, charte et projet de loi forment une politique raciste et islamophobe. Cette politique vise d’une part à limiter drastiquement les libertés des personnes racisées et des personnes musulmanes, et plus particulièrement des femmes ; d’autre part, elle vise à interdire toute forme d’organisation autonome et indépendante contre l’oppression raciste.

Nous serons donc solidaires de toutes les mobilisations antiracistes et anti-islamophobie et y prendrons part activement. Nous exigeons le retrait de l’amendement sur les réunions en non-mixité racisée, le retrait du projet de loi sur le séparatisme et l’abolition de toutes les lois qui cherchent à contrôler le corps des femmes qui portent le voile. La non-mixité est un acquis du mouvement social depuis le 19e siècle, défendons-la pour toutes et tous !

Signataires :

Collectif Féministes Révolutionnaires Paris / Women who do stuff / Toutes des femmes / SNJMG /
Les Bavardes (Amiens) / Garces / Hero-ines 95 / les Attentives / Nous Toutes 38 / Divergenre / Collectif Féministes Révolutionnaires Nantes / Les Dévalideuses / Nous Toutes 76- Le Havre / Marseille féministe / Bonjour Madame / Collectif 25 novembre à Dijon / Gouinement Lundi /
Toutes en grève 31 / Assemblée féministe étudiantEs de Toulouse / FASTI (fédération des associations de solidarité avec les tou-te-s les immigré-es) / Groupe d’Action Féministe Rouen /
Acceptess T / Les Colleureuses féministes de Grenoble / La bibliothèque anarchaféministe de Toulouse / Commission LGBTI du NPA / Le STRASS / Les grenades / Paris Queer Antifa / Les Mains Paillettes / Collage Lesbien / CGT TUI / Collectif Féministe de Paris 1 / Collages féministes Lyon /
Juifves VNR / Les grenades / Loreleï association d’autodéfense féministe / Les Ourses à plumes



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