[Besançon] Récit singulier de l’occupation des Vaîtes


Doubs

Dans l’article qui annonçait l’occupation des Vaîtes à Besançon, l’équipe de modération de Dijoncter appelait les personnes qui avaient participé à cette occupation à raconter cette journée depuis leur propre point de vue. Une lectrice à répondu à cet appel en nous envoyant ce super récit.

J’en avais un peu marre de mon « milieu de la culture » et de mes spectacles exceptionnels, d’avoir
toujours reculé devant toute implication politique, d’être en attente d’un évènement mais lequel, d’être impuissante voire résignée, d’être un bébé qui sait rien faire à part un métier, d’être une maman avec au moins une mission dans la vie, d’avoir mes amis trop loins trop souvent. Et bien sûr cette histoire de confinement a rendu incontournable des trucs que j’avais réussi à contourner jusque là. Donc j’ai répondu à l’appel du 17 juin relayé par la revue lundimatin en essayant de me greffer à l’une ou l’autre action prévue, pour essayer.

J’ai une chère amie à Besançon, je l’y ai rejointe. A la réunion d’information, je connaissais personne, j’ai regardé tout ça d’un peu loin en me demandant si ça allait répondre à mon besoin d’action. J’ai été frappée par un coté bon enfant, agréable et moins intimidant que ce à quoi je m’attendais. Aussi frappée par l’organisation (d’extinction rébellion / ANV cop 21), le power point, les générations et les styles confondus, l’attention portée aux media. Surtout le fond du projet m’a plu, et il y avait l’espoir à peine timide que le coup prévu se déploie dans le temps. Il fallait défendre les jardins des Vaîtes contre un projet immobilier vaguement déguisé en projet écologique et social, aux dépends d’un espace qui a sa vie propre, qui est libre, autogéré, plein de mixité sociale, dans une ville qui a déjà plein de logements vacants. Et on allait occuper.

On s’est retrouvés sur place, on était je crois environ 120 ou 150, avec nos kways, nos blagues plus ou moins drôles au démarrage, en tous cas notre bonne humeur de colonie de vacances. On a oeuvré chacun dans nos missions : il y en avait qui construisaient la tour de guet, avec quelques pros bien au fait du protocole pour guider les troupes, nous on était beaucoup trop nombreux à retourner la terre en se disputant gentiment les outils et les techniques, il y avait les préposés au café, et quelques anciens qui chantaient de temps en temps avec beaucoup de coeur à l’ouvrage. Comme j’ai rien à voir avec le potager en général à part que j’aime bien les bonnes tomates, j’ai pas toujours su quoi faire mais j’ai eu une bonne rencontre avec la grenette.

 

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Puis comme prévu, la police est arrivée. On devait surtout être non-violent, même sans la violence d’un sourire narquois. L’équipe a tellement oeuvré pour préparer le truc que ça invite au respect des règles. Il y en a qui ont des lunettes de plongée, des foulards, des masques. On s’attrappe les coudes, on met en oeuvre la stratégie de blocage de l’accès à la tour, il y en a 3 qui sont inatteignables là-haut avec leurs pic-nics, un qui s’est trouvé perché entre les deux étages, des fonctions parallèles pour les soins et les photos, et le reste autour de la tour comme un petit collier. Mais les forces de l’ordre rentrent comme dans du beurre en dégageant le plus grisonnant d’emblée. Du coup on se retrouve en train d’encercler les flics qui encerclent la tour et nous poussent vers l’extérieur avec je dois dire pas trop de violence. On résiste. J’ai envie de rigoler mais aussi d’être très résistante à leurs poussées, de tenir. Il y en a une qui sans doute sous le coup de la foi et de la panique répète en boucle d’une voix aigüe « Nous faisons une action non-violente », ça nous fera un bon souvenir. Trois se font embarquer, dont un gilet jaune en costume militaire habitué des camions de CRS, mais ils reviendront bientôt. Puis les flics attendent. Le siège dure peut être une heure, où on se détend dans les chardons, au sol, bras et jambes vaguement enchevêtrés. On mange des sandwichs et on fume des clopes, on se prend en photo, on essaie d’écouter ce que les messieurs se disent entre eux. Ça chante à tue-tête de temps en temps. Et soudain les CRS partent.

À partir de là on a quand même tous fait un bout de chemin ensemble, alors on s’y remet gaiement. On commence à construire des trucs comme des toilettes sèches. Tu sens les gens qui ont l’habitude de faire avec ceux qui ont l’habitude de rien du tout mais envie, et ça marche, c’est un poème. Les trucs se construisent en parallèle et s’assemblent. On meuble notre nouveau chez nous à base de palettes et de pailles, on oscille entre une sorte d’efficacité et une attention aux détails sans retenue, il y a des machines de guerre de la construction et des bons vivants, de l’errance aussi, et on sent que tout va bien.

 

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Assez tôt dans l’après midi, une grosse AG, la première d’une longue série, après des discussions en petits groupes pour parler d’avenir. On sent ceux qui ont l’habitude. C’est là que je saisis qu’il y a certes des organisations à la base, mais que maintenant c’est plus tellement le sujet, que tout le monde va décider de tout, et que le projet va appartenir à tous ceux qui le veulent, à ceux qui font, à ceux qui sont là. Je sens qu’on est chez nous.

On dort là avec quelques-uns, il y a un orage, on est des enfants contents sous une bâche. Mais attention aux voisins, attention aux graffiti, attention à se faire bien voir, bon. Le matin voilà un afflux de petit déjeuner impressionnant (merci pour les 30 pains au chocolat d’un jardinier du coin), et ça s’affirmera sans arrêt que tout le monde vient donner, soutenir, aider, partager, et que, pour la plupart, on veut pas que ça s’arrête.

Bienvenue à tous ceux qui veulent pas que ça s’arrête.



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