Défaire l’Union, tisser les liens



Il y a un état d’exception et une mythologie guerrière. Il y a des gouvernants qui s’arrogent les mérites du courage des autres. Il y a la révélation de tout ce que notre société contient d’intolérable. Il y a un peuple qui s’organise. Il y a une situation inédite dont il pourrait être possible de tirer parti.

1. Etat d’exception

Nous vivons un état d’exception. Il est sanitaire.
Le gouvernement français parle de guerre et s’efforce de transformer la situation à son avantage.
Les masques tombent, les têtes tournent. On peut déjà faire des paris sur les régimes politiques qui vont s’affermir et sur ceux qui vont chuter.
Du point de vue du combat millénaire qui nous oppose aux dominants, la situation n’a pas radicalement changé : si nous ne faisons rien, maintenant et après, ils parviendront à transformer la crise en aubaine.
Le gouvernement des populations a d’ores et déjà fait un bond.
Pour l’instant, les corps sont confinés, ils vont l’être de plus en plus. Les rues sont à la police. Les militaires nous sauvent aujourd’hui, ils pourraient nous tirer dessus demain, comme ils l’ont fait hier. Le système parlementaire vote les pleins pouvoirs en comité réduit. Les nationalisations et les injections de milliards dans les économies préparent le choc ultralibéral qui succédera à la crise, si nous ne nous organisons pas pour l’empêcher. Le Big data et l’industrie du numérique font penser à une nuée de soiffards décadents au bord de la crise de nerfs devant l’ampleur du festin. La dématérialisation de la vie, de l’économie, de la communication, de l’éducation, du divertissement, va passer un cap (de même que la surveillance généralisée : à l’autre bout du monde on est mis en quarantaine par des algorithmes).
La virus peut servir à tout justifier : la dictature et l’ultra-libéralisme, la surveillance immodérée, le capitalisme d’État puis le retour de la dérégulation acharnée.

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2. Marée basse pour l’intolérable

De l’autre côté, en bas, il y a des soignant·es qui sauvent des vies, et certain·es d’entre elles et eux étaient en grève depuis longtemps ; il y a des travailleu·ses qui continuent d’assurer le maintien des fonctions vitales de la société en s’exposant eux-mêmes ainsi que leurs proches à la maladie pendant que leurs chefs sont honteusement confinés dans leurs villégiatures de campagne ; il y a des naufragés qui sont à la dérive ; il y a des familles qui doivent se partager quelques mètres carrés tandis que la police rôde pour les punir si elles se baladent trop nombreuses ou trop loin de leurs immeubles.
C’est marée basse pour l’intolérable. Tout le vernis qui recouvre habituellement l’injustice s’est subitement volatilisé. De fait, toute la frénésie de travail, de divertissement, de mensonge, de fuite en avant, est en sourdine. Le brouhaha du spectacle social s’est atténué et de toutes parts résonnent les grincements de l’intolérable qui gît au fond du monde humain. Les tonitruantes déclarations de guerre, les appels à l’union nationale et les litanies de chiffres ne sont pas de trop pour tenter d’atténuer le scandale.

3. Entraide et auto-organisation populaire

Il n’est pas absurde d’imaginer que les dominants tremblent à l’heure actuelle.
On racontait hier l’histoire d’éboueurs qui réclamaient des masques déjà avant la catastrophe, qui n’en ont toujours pas, qui pourraient exercer leur droit de retrait mais ne le font pas, par solidarité, qui s’organisent eux-mêmes sans leurs chefs puisque ceux-ci ont quitté le navire des pestiférés.
En bas, là où nous sommes, l’entraide a commencé à prendre forme à tous les niveaux. Entre proches, entre voisin·es, à partir des associations bénévoles, à partir des équipes de travail, à partir des institutions communales. Macron lui-même n’a pas manqué de nous y encourager : énième manœuvre pour essayer de confondre peuple et Etat, société et capitalisme.
Le problème est à la fois limpide et impossible à trancher : nos pratiques d’entraide et de responsabilité vont-elles être le socle de l’état d’urgence, de la continuité de la nation et de l’économie capitaliste ? Ou au contraire vont-elles activer la résurgence de formes d’organisation populaires, communautaires et territoriales ?

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4. Ce pourrait être un peuple

Refusons l’union nationale. Refusons la guerre.
Ce qui apparaît, ce pourrait être un peuple, de nouveau.
Ce pourrait être un peuple qui apprend la solidarité. Ce pourrait être un peuple qui apprend à se passer des chefs inutiles. Ce pourrait être un peuple qui voit. Ce pourrait être un peuple qui se rebelle encore.
Ni le peuple français, ni le peuple de gauche, ni celui des gilets jaunes. Chaque événement appelle un peuple à sa mesure.
Macron, l’État parlementaire, l’économie capitaliste, sont des écrans entre nous et la possibilité de nous soigner, entre nos parents vulnérables et nos hôpitaux. Et au-delà, ils sont un écran entre nos communautés de vie et la possibilité d’une vie bonne.
Nous devons nous employer à défaire l’union nationale. Certain·es ont déjà commencé. Il y a des appels à résister. Il y a des plaintes déposées par des centaines de médecin pour mensonge d’État à propos des masques honteusement qualifiés d’inutiles.
L’interprétation de ce qui nous arrive est un enjeu fondamental. Il n’y a pas de méchant virus. Il y a une civilisation qui, en mutilant le tissu du vivant, se rend elle-même instable.

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5. S’organiser

Concrètement, qu’avons-nous commencé à faire et que pouvons-nous continuer de faire ?

  • Organiser la solidarité et le soin.
  • Se servir de la situation pour intensifier les pratiques d’autonomie.
  • Exiger d’avoir accès à des informations exactes, tenter de les réunir, les partager.
  • Faire circuler les récits de la crise actuelle du point de vue de celles et ceux qui la subissent la plus violemment.
  • Mettre en avant les formes d’auto-organisation populaire et territoriale.
  • Préparer le prolongement de l’interruption de l’économie en grève générale.
  • Tenter de percevoir ce que cette crise rend possible et désirable sur le long terme.

Nous nous préparons à empêcher les gouvernants, les financiers, les industriels, à transformer cette crise en aubaine. Nous nous saisissons de l’occasion qui nous est offerte de resituer la vie dans nos cercles d’affinité, de voisinage, dans nos lieux de vie, nos quartiers et nos territoires.

Des gens meurent, nos corps se confinent, mais notre imagination explose.

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