« L’an zéro » de l’ecologie macroniste



Du 30 août au 1er septembre devait se tenir à Gentioux-Pigerolles (Creuse), sur le plateau de Millevaches, un festival « écolo » de masse, finalement il aura lieu sur un terrain sécurisé, l’aérodrome de Gueret. Voici quelques éléments de compréhension autour de ce festival et une tribune parue il y a quelques jours dans divers médias.

L’an zéro de l’écologie macroniste

tribune parue le 24/07/2019

Du 30 août au 1er septembre devait se tenir à Gentioux-Pigerolles (Creuse), sur le plateau de Millevaches, un festival « écolo » de masse. Il y était accueilli par un entrepreneur agricole connu pour ses prises de position macronistes, et pour avoir déjà plusieurs fois reçu François de Rugy sur son exploitation. Face à l’opposition des habitants, les promoteurs de l’événement, intitulé « l’An zéro », ont décidé qu’il n’aurait finalement pas lieu là, mais plutôt sur un aérodrome sécurisé près de Guéret.
Mais la question posée alors demeure : malgré son allure bon enfant et ses bénévoles sincères, ce festival ne participe-t-il en réalité pas de la manœuvre actuelle de verdissement illusoire du macronisme ? [1]

Il est certain que plusieurs personnes, parfois engagées de longue date dans les luttes écologistes, ont répondu à l’invitation de l’An zéro sans en connaître les tenants et aboutissants. Mais comment tenir pour insignifiantes les activités des initiateurs et des partenaires de cet événement ? Derrière ses slogans vagues voire douteux (constituer un « nous des acteurs de la transition » afin de « relever ensemble les défis démocratiques, écologiques et sociaux », former des candidats « citoyens » pour les prochaines élections municipales, créer des « start-up à impact positif » et des « solutions innovantes »...), l’intention des organisateurs est bien de promouvoir une écologie consensuelle qui désarme toute conflictualité et invisibilise les responsables du désastre en cours. C’est pour cela qu’il faut selon eux faire « converger » tout le monde ou presque dans un consensus amnésique : « mouvements de citoyens, d’entrepreneurs sociaux et ESS, associations, collectifs d’artistes, agriculteurs, investisseurs, élus, bénévoles, étudiants ... ». Le projet est porté par La Bascule, un
« lobby national citoyen » animé par Maxime de Rostolan, dont les ONG et start-up (notamment
« fermes d’avenir », [2]
ont pour sponsors et partenaires des multinationales aussi écologiques que Fleury-Michon, Casino et Metro (groupes de distribution agro-alimentaire bien connus pour leur soutien à la cause de l’écologie),
BPCE (4e banque française pour ses investissement dans l’énergie sale du charbon [3] ou encore Jardiland (filiale depuis 2018 du groupe groupe InVivo, organe du productivisme agricole à la française) [4] . Ce qui se profile derrière le projet en apparence « associatif » et sympathique de Fermes d’avenir est en réalité inquiétant : sous couvert d’économie sociale et solidaire et de « permaculture intensive », il s’agit
bien de réenchâsser – avec « managers d’exploitations », « salariés » et « rentabilité » à la clé – des alternatives écologiques qui existent et se fédèrent déjà (organisations agro-écologiques, Confédération paysanne, AMAP, Terre de liens, ZAD, etc.), dans l’économie de marché – ce qui explique l’intérêt de grandes entreprises de l’agro- industrie pour ce type de projet.

Resituons l’initiative de l’An zéro dans notre contexte politique. Les désastres climatiques et écologiques de cinq siècles de colonisation de la Terre par le capitalisme et les impasses de notre système politique verrouillé se révèlent chaque jour plus dramatiques (canicules, extinctions, inégalités, répression des revendications sociales et climatiques). Dans ce contexte d’effondrement, ce qui inquiète nos dirigeants est que le peuple, la jeunesse, le mouvement climat, comprenant que le pouvoir actuel est au service du seul monde de l’économie, passent à des modes d’action de plus en plus désobéissants et radicaux. [5]Avec leur mot d’ordre « tout commence maintenant », les initiateurs du festival l’An zéro semblent orchestrer la confusion pour mieux nous faire oublier qui sont les responsables du désastre en marche. On s’interroge devant le rôle trouble joué dans les derniers mois par certains acteurs de ce festival. Nul n’aura tant aidé Emmanuel Macron à sortir de la « crise des gilets jaunes » que ces visiteurs nocturnes de l’Élysée et des ministères avec leur assemblée-de-citoyens-tirés-au-sort-afin-de-faire-des-propositions-sur-la-transition-
écologique. Face à ce danger, certains cherchent à faire émerger un « mouvement » de transition qui rende « l’écologie » compatible avec l’essentiel de l’ordre économique et politique actuel. L’opération vise à capturer un vivier électoral sincèrement « écolo », tout en restant durablement inoffensif pour les intérêts et pouvoirs économiques qui polluent et détruisent la planète.

Comment éviter que tout « transitionne » en rond, sans que rien ne change vraiment ? Il est désormais évident que le maintien du productivisme, du niveau d’inégalité régnant aujourd’hui et du commerce mondial libre-échangiste, ne sont tout simplement pas compatibles avec celui de la vie humaine et non-humaine sur terre. Avec leur mot d’ordre « tout commence maintenant », les initiateurs du festival l’An zéro semblent orchestrer la confusion pour mieux nous faire oublier qui sont les
responsables du désastre en marche.

On s’interroge devant le rôle trouble joué dans les derniers mois par certains acteurs de ce festival. Nul n’aura tant aidé Emmanuel Macron à sortir de la « crise des gilets jaunes » que ces visiteurs nocturnes de l’Élysée et des ministères avec leur assemblée-de-citoyens-tirés-au-sort-afin-de-faire-des-propositions-sur-la-transition-écologique. [6]Face à la légitime colère des gilets jaunes, ces « gilets citoyens » se sont mis au service d’un pouvoir qui dans le même temps méprisait, insultait et mutilait dans la chair sa propre population. Macron, largement isolé politiquement, aura trouvé ainsi une nouvelle manière de rebondir. Que penser encore de la convergence de visée et de langage entre La Bascule (qui affirme vouloir susciter des listes
« citoyennes » aux municipales ») et les députés LREM qui ont récemment signé dans Le Monde une tribune intitulée « L’écologie est au coeur de l’acte II du quinquennat » ? [7] Et comment ne pas s’interroger aussi quand Maxime de Rostolan présente son An zéro dans ces termes : « Il y aura plusieurs villages thématiques avec de nombreux intervenants. Des entreprises par exemple, mais aussi des philosophes, des débats, des conférences. On veut aussi mettre en place de nombreux ateliers de réobéissance civile (...) » [8].

Dans les prochaines semaines, pour « transitionner » au-delà du désastre capitaliste, allons faire du woofing chez des paysan.ne.s hors des normes de l’agro-business, allons nous former à la désobéissance au camp climat de Kingersheim,lutter à Bure pour soutenir ceux qui résistent à l’enfouissement des déchets nucléaires, à Ende Gelände en Allemagne contre le charbon, à l’Anti G7 ou aux actions d’Extinction Rebellion, soutenons les luttes contre l’extractivisme et contre les grands
projets, accueillons les migrants !

Faisons un rêve : et si les invité.e.s du festival décidaient de ne pas se laisser duper par une écologie cooptée par le macronisme et les pouvoirs économiques destructeurs de la Terre ? Et si les nouveaux militants et nouvelles arrivantes dans les mobilisations transition/climat n’accordaient leur énergie qu’à des initiatives basées sur un choix clair et franc de non-coopération avec l’actuel gouvernement comme avec toute entité économique qui participe à la destruction de la vie sur Terre ? Et si les leaders autoproclamé.e.s de l’écologie clarifiaient leur position ? Dans l’état actuel de la Terre et des sociétés, et après les échecs d’une écologie d’accompagnement de l’ordre politique et économique existant, il ne devrait plus être possible de se dire « écolo » tout en étant financé par une entité du type de Veolia, investisseur mondial dans les centrales à charbon et dans les entreprises
d’extraction . [9]

Premiers signataires :

  • Accueil Paysan
  • L’Amassada
  • Ambazada, ZAD Notre Dame des Landes
  • Arrêt du Nucléaire Hérault (ADN34)
  • Assemblée de défense du Marais, Caen
  • L’Atelier Paysan
  • Cerveaux non disponibles, média coopératif
  • Collectif Gilets Jaunes « Enseignement Recherche »
  • Collectif « Les sous-marins jaunes-nous ne sommes pas dupes »
  • Collectif "Plein le dos". Pour une mémoire populaire.
  • Comité Adama
  • Désobéissance Ecolo Paris
  • Désobéissance écolo Rennes
  • Des rebelles d’Extinction Rébellion Bordeaux
  • Extinction Rébellion PACA.
  • FADEAR (Fédération des Associations de Développement de l’Emploi Agricole et Rural)
  • Fondation Sciences Citoyennes
  • Génération Climat (Bruxelles)
  • Gilles Jaunes Rungis, Ile de France
  • Gilets Jaunes Place des Fêtes, Paris
  • Institut Momentum
  • Kachinas, Laboratoire d’écologie politique, Liège
  • Laboratoire d’Imagination Insurrectionnelle
  • MIRAMAP (Mouvement des AMAP)
  • Naturalistes en lutte
  • Nature et Progrès
  • Observatoire du nucléaire
  • Rennes en lutte pour l’environnement
  • RISOMES (Réseau d’Initiatives Solidaires, Mutuelles et Ecologiques)
  • Sources et rivières du Limousin
  • Stop nucléaire 26-07
  • Solidarité Paysan
  • Terre de Liens
  • Les Terrestres
  • Union Syndicale Solidaires

Pour suivre le feuilleton de l’été , voici une mise à jour à la mi-saison

Fin Mai , on apprenait par le journal local La Montagne qu’ à Gentioux-Pigerolles, sur le plateau de Millevaches, un gros événement mêlant écologie, citoyenneté et musique allait se dérouler fin d’été : première édition du festival "L’An Zéro" (30 août-1er septembre).
Ce festival aurait lieu sur les terres de Jouany Chatoux, agriculteur bio, qui peut mettre à disposition plusieurs dizaines d’hectares et c’est La Bascule ,lobby citoyen et étudiant créé au début de l’année, qui sera organisateur. Cette structure est liée à l’Affaire du Siècle et dispose du même réseau chez les artistes qui ont soutenu l’ultimatum à l’Etat pour "inaction climatique", recueillant plus de 2 millions de signatures.

Depuis, des éclaircissements , des rebondissements ..et un festival qui change de lieu.
On relaie ici plusieurs articles parus sur le site Labogue.info, site d’infos coopératrif d’infos et de luttes en Limousin.

Qui est l’hôte macroniste du festival d’écologie people l’An Zéro ?

le 02/07/2019

Jouany Chatoux accueillera sur ses terres creusoises le festival d’écologie people l’An Zéro, prévu du 30 août au 1 septembre. Les habitants du plateau de Millevaches ne voient jamais cet agriculteur bio participer aux réunions publiques ou discussions organisées régulièrement sur le territoire. Pour connaître son positionnement politique, il faut donc éplucher son compte Facebook.

Jouany Chatoux est très actif sur les réseaux sociaux. Petite précision, la photo qu’il a choisie pour illustrer son profil n’est pas la sienne, mais celle du grand résistant communiste Georges Guingouin.

En 2017, son portait est affiché en 4 mètres par 3 dans le métro parisien, dans le cadre d’une campagne pour le syndicat des Jeunes agriculteurs. Une organisation officiellement indépendante, mais véritable pouponnière de la FNSEA. L’actuelle présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a ainsi dirigé les JA. Et aux élections des chambres d’agriculture, les deux syndicats font systématiquement listes communes.

Pendant la campagne présidentielle de 2017, il adhère dès les premières semaines au mouvement En Marche et affiche son soutien à la candidature d’Emmanuel Macron.

la suite de l’article

A Faux, on s’oppose au projet de festival l’An zéro

le 04/07/2019

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Faux-la-Montagne, 1er juillet 2019 : les organisateurs avaient prévu de présenter sur le Plateau leur projet de festival l’An Zéro déjà médiatisé. Une centaine d’habitants de la Montagne limousine sont venus devant la salle des fêtes de Faux-la-Montagne leur montrer leur opposition.

Invitée par Jouanny Chatou, industriel ’En marche’ de Gentioux-Pigerolles, la start-up a annoncé en février 2019, lors d’une visite ministérielle, son intention de faire venir 50 000 personnes en août pour créer des entreprises et des « lobbys citoyens » qui « changeraient le monde ». L’opération consistait aussi à former des citoyens à des programmes municipaux « écologistes » soutenu par des multinationales.

Pendant deux heures, les 6 émissaires de la start-up, ont fait face à une opposition intraitable et spontanée. Alors qu’une salle était réservée, la discussion s’est déroulée debout, dans la rue.

Principal, voire unique, argument de la start-up : il suffirait de « se mettre tous autour de la table » pour « trouver des solutions » aux catastrophes.

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Annulation du festival de La Bascule sur le plateau de Millevaches

Le comité La Bouscule répond aux écolo-macronistes. Texte paru dans lundimatin#199, le 8 juillet 2019.

L’An Zéro, saison 1, épisode 4. Après l’annonce de la tenue fin août d’un festival écolo macron-compatible sur la commune de Gentioux-Pigerolles, sur le plateau de Millevaches, diverses oppositions, dont celle du Comité La Bouscule, s’étant manifestées, des bénévoles de La Bascule, le « lobby citoyen » porteur du projet, ont appelé en catastrophe à une rencontre avec les habitants du plateau sur la commune de Faux-la-Montagne (Creuse). Après cette rencontre, La Bascule a annoncé annuler la tenue du festival sur le lieu prévu, et son leader (absent ce jour-là comme toujours) s’est plaint que ses bénévoles se soient fait « insulter, menacer et violenter ». M. de Rostolan ayant eu tout loisir de faire avaliser son récit par la presse locale et nationale (La Montagne, Le Populaire, France Bleu, France 3, l’Opinion, « quotidien pro-business », etc.), lundimatin, fidèle à son souci d’impartialité, donne la parole ci-dessous au Comité La Bouscule qui, contrairement à M. de Rostolan, se trouvait sur place. D’ores et déjà, une question nous intrigue, à laquelle nous aimerions que les bénévoles répondent eux-mêmes : s’ils ont été brutalisés comme le raconte leur leader, comment se fait-il qu’ils soient après la réunion allés boire des bières avec leurs contradicteurs ? Ont-ils été pris du syndrome de Stockholm ?

Mais quand cesserez-vous de prendre les gens pour des cons ?

la suite de l’article

Ils ont 20 ans pour sauver le capitalisme

A l’heure où les alternatives agricoles et alimentaires gagnent en crédibilité devant les dégâts du modèle agro-industriel, faut-il « changer d’échelle » en s’alliant avec l’agro-industrie et la grande distribution pour réussir la « révolution agricole » ? Décryptage de l’aporie de cette conception de la transition.

4 août 2019


Notes

[2Voir Léo Coutellec, « Ils ont 20 ans pour sauver le capitalisme » https://www.terrestres.org/2019/07/19/ils-ont-20-ans-pour-sauver-le-capitalisme/ et « Maxime de Rostolan, l’entrepreneur vert »
https://josephinekalache.wordpress.com/2018/01/03/maxime-de-rostolan-lentrepreneur-vert/

[7https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/03/l-ecologie-est-au-c-ur-de-l-acte-ii-du-quinquennat_5484609_3232.html : « Les élections municipales constituent une opportunité formidable : il s’agit de faire souffler un vent nouveau pour accélérer la transition écologique, pour tous et par tous. Notre mouvement s’attache à travailler en lien avec les experts issus de la société civile et les citoyens qui s’engagent à déployer des solutions concrètes en faveur du développement durable »

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